Un homme d'une soixantaine d'années se rend chez un médecin psychiatre et lui parle de ses problèmes. Il se sent perpétuellement triste, et même abattu, rien ne l'attire ni ne l'intéresse dans la vie, et sa mélancolie permanente se communique à son entourage qui en souffre.
" - Avez-vous essayé de voyager ? lui demande le médecin, après l'avoir examiné.
- Je n'arrête pas de voyager, répond l'homme déprimé. Toute ma vie n'est qu'un voyage.
- Vous n'avez apparemment rien de grave.
- Je sais.
- Il faudrait vous secouer, vous intéresser à quelque chose. Tenez, j'ai une idée. Si vous alliez au cirque ?
- Au cirque ?
- Oui. Il y a un clown très fameux, qui s'appelle Grock. Vous avez sûrement entendu parler de lui. Il paraît qu'il est irrésistible. Vous devriez aller le voir. Ca ne pourrait que vous faire du bien.
- Je ne peux pas, dit l'homme.
- Et pourquoi ?
- Parce que je suis Grock."
(Jean-Claude Carrière, Contes philosophiques du monde entier, Le cercle des menteurs 2, p. 95-96, Editions Plon, coll. Pocket)
Grock, de son nom d'état-civil Charles Adrien Wettach, est un clown suisse, né le 10 janvier 1880 à Loveresse, canton de Berne (Suisse), mort le 14 juillet 1959 à Imperia, Italie.
Grock est considéré comme le plus grand clown du XXème siècle.
Ma grand-mère maternelle racontait qu'elle avait assisté, étant enfant à l'une de ses représentations et qu'il était d'une drôlerie irrésistible.
Ses répliques sont restées célèbres : "sans blââââââââgue !" et "Pourquââââââââ ?"
Je ne sais si dans la vie courante, Charles Adrien Wettach était affligé d' un tempérament mélancolique comme dans l'histoire que raconte Jean-Claude Carrière.
En dehors de la piste ou de la scène de music-hall, Grock avait l'air d'un Monsieur "très comme il faut" et pas du tout d'un clown ; il parlait couramment plusieurs langues (le français, l'italien, l'espagnol, l'allemand et l'anglais) , jouait de nombreux instruments (la clarinette, le piano, l'accordéon, le violon, etc.)... savait chanter, mimer et danser.
Il maîtrisait toutes les spécialités du cirque indispensables pour faire un bon clown, en particulier le jonglage et la contorsion comme on le voit sur la vidéo (le gag de la chaise est un véritable tour de force : observez la réaction des spectateurs)
Il pouvait passer d'un registre à l'autre en l'espace de quelques secondes (du rire aux larmes, du comique au tragique, du trivial au sublime)
Aucun clown n'a comme lui incarné l'esprit d'enfance de "l'auguste" : gaffeur, désobéissant, charmeur, étourdi, naïf, rêveur, insouciant, cruel parfois, jouant avec l'interdit et la gravité (au sens propre et au sens figuré)
Commentaires
Excellent, Merci !
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