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Le pays d’où je viens JGobert

Je viens d’un pays où la démocratie a baissé les bras, les hommes de l’ombre gèrent la vie de la cité. Ils sont puissants, intolérants, exécrables. Ils dirigent selon leur bon vouloir. La vie s’organise sous leur contrôle. Les puissants sont entourés d’hommes de main qui obéissent à l’aveugle et appliquent les ordres. Ils prélèvent la dîme et font la loi.

 La misère y règne en maître et chacun cherche à s’évader ou à partir. Naïve, je me suis crue plus maligne que les autres. J’ai rencontré un bellâtre qui m’a promis mont et merveille. Dans ce dénuement, j’y ai cru et de belles promesses en mots d’amour,  je l’ai suivi.

Ma famille est honnête, pauvre mais honnête. Mon père, un besogneux travaillant toujours à perte et ma mère élevant mes frères et sœurs qui n’arrêtent pas de se multiplier.  Quand ils ont rencontré Stan, les regards se sont croisés et j’ai senti directement la mésentente s’installer. Mon père ne l’a pas accueilli sincèrement.  Ma mère, avec des cadeaux plein les bras, a été plus vite convaincue et n’a plus émis de difficultés.

Mon père m’a fait la leçon et malheureusement, je n’en ai tenu aucun compte. Dans mon pays, les filles se marient encore et respectent les traditions.  Mais après maintes discussions et avec l’approbation de mes parents, il a été décidé que le mariage se ferait chez Stan,  dans son pays.

Le jour du départ arrivé, c’est en pleurs que tout le monde s’est quitté, moi avec ma petite valise, mes parents avec du chagrin et Stan avec un superbe sourire.

Le voyage commencé parut très long et les gestes de tendresse ont vite disparu. La fatigue aidant, j’ai mis cela sur son compte. Arrive enfin l’endroit où ma nouvelle vie commence. Une petite bicoque mal entretenue et qui me donne la chair de poule. Un frisson me glace et j’aperçois des yeux qui m’épient. Stan me bouscule et j’entre à contre cœur dans cette maison mal éclairée et mal odorante. Je réalise soudain que mon conte de fée a pris fin. A des milliers de kilomètres de chez moi, j’ai le sentiment que rien ne va se dérouler comme prévu.

Après avoir demandé des explications à Stan, c’est une gifle que me fait office de réponse et je m’écroule dans un coin de la pièce.  A partir de ce moment, la vie bascule vers l’horreur et de fiancé, je passe à la violence peu commune d’un homme prêt à tout pour se faire obéir.  Je prends mes quartiers dans une pièce sombre et après avoir hurlé comme une possédée, je reçois le premier d’une longue série de coups qui feront de moi quelqu’un de docile.

Dans la pièce voisine, une jeune dame assisse impassible reste immobile la plupart du temps. Elle aussi a connu le même scénario et est à bout de force.

La société où déambule Stan ressemble à celle d’où je viens, elle est faite d’hommes puissants et généreux. Toujours à la recherche de nouvelles expériences, Stan rabat pour eux le gibier et ils le consomment goulument.

De tristes soirées en rencontres malsaines, la vie a pris un tour des plus cruels. Et de fil en aiguille, c’est sur le trottoir que Stan m’installe pour que je gagne ma vie et que je puisse manger.

Désespérée, pitoyable, minable, j’arpente ce bout de trottoir toute la nuit les yeux rougis de tant de misère. Mes compagnes de boulot sont là aussi.  Certaines n’ont plus d’espoir depuis longtemps et gardent la force de se battre pour subsister.

Pour moi, la vie a pris un chemin où il n’a plus de retour possible. Ma famille a renoncé à moi comme j’ai renoncé à elle. Je m’efforce de ne plus y penser pour oublier mes origines. Je suis de nulle part maintenant. Je n’appartiens à personne sauf à ce bourreau qui me soulève le cœur.

 

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Commentaires

  • En effet  quelle tristesse..

  • Quelle tristesse !

  • Chère Rolande,

    Née dans les années 50, je n'ai pas connu de misère. Il est néanmoins exact que la vie était plus simple. C'était le début des technologies nouvelles. La consommation était limitée au nécessaire et je ne pense pas avoir connu le gaspillage. Les vacances n'étaient pas au programme chaque année mais sans plus. Je comprends que pour certains, la vie se soit déroulée douloureusement avant et après la guerre. Vous avez raison de le souligner.

    Mes meilleures amitiés

    Josette

  • Chère Josette,

    A mon époque, avant la guerre (crise 29/30) bruits de bottes (39/45) la misère régnait et engendrait de profondes inégalités inimaginables actuellement. Quoique !!! Les "congés payés", huit jours/an n'ont été instaurés qu'en 1935 si mes souvenirs sont exacts ...Pas de voitures : les ouvriers faisaient les trajets à pied et se levaient vers les 4h parfois plus tôt. .... Travail de 5 à 13H. sans interruption. Il suffit de lire Maxence VanderMeersch - qui a épousé une ouvrière tuberculeuse au grand dam de sa famille - et le film "Deans" pour en avoir une idée ..... Sans compter les charbonnages (plusieurs films existent également). La prostitution était endémique.

    La misère engendre l'humiliation. Tout a changé avec le temps, fort heureusement pour nous.

    Personnellement et pendant trois ans, j'ai connu une mansarde sous les toits sans eau courante et sans chauffage. C'était au temps de mes études. Remboursées lorsque j'ai trouvé un travail d'enseignante. Mais j'étais bien encadrée même si je me sentais solitaire et ..... pauvre.

    La rencontre avec la très jolie prostituée du train m'a profondément marquée. Moi en manteau élimé, elle, en manteau de fourrure. L'histoire qui s'en est suivie m'a terriblement choquée. Entre un enrichi par la guerre, gros, gras, huileux et cette beauté .... car c'en était une. Vraiment.

    Ils me hantent encore.

    Car les frontières sont ténues.

     Très ténues même.

    Non, la vie n'est pas un conte de fées, mais les contes aident parfois à surmonter le trop de misères. Ainsi de la "petite fille aux allumettes" qui finit par en mourir.

    Ah oui ... la nouvelle de Maupassant m'est revenue en mémoire : il s'agit de "Boule Suif".

    Malgré son origine "noble" il connaissait bien les gens du peuple et les a décrits admirablement.

    Et nous ne pouvions pas le lire .... sauf en "Edition expurgée" ....et surtout pas "Boule de Suif" ....Si si ...

    Oui, la vie pour certains est plus que terrible même.

    Bonne fin de journée. Amitiés. Rolande

  • merci Marie-Jo pour ton commentaire. Les victimes n'ont pas toujours le beau rôle même dans les histoires et cela ne finit pas en conte de fée. La vie est terrible.

    Amitiés

    Josette

  • Chère Rolande,

    Il est exact que nos mamans nous ont bien mises en garde mais je pense que la plupart de ces filles viennent d'endroits où la misère est autre que la nôtre même si ce n'est pas une excuse.  L'éducation est un moyen de sortir certaines populations de la misère mais il faut plus de justice pour que l'éducation aie un poids important pour ces gens. La faim est un facteur déterminant dans la vie de ces filles. Toutes ne font pas cela par loisir et souffrent d'indifférence. Chère Rolande, nous ne changerons pas le monde mais il faut oser espèrer que cela changera avec le temps...Hélas j'en doute

    mes meilleures amitiés

    Josette

     

  • immensément triste ! l'horreur à l'état pur.... pour la victime

  • Chère Josette,

    J'avais l'intention de réagir car, s'il est vrai que ces pauvres victimes se laissent prendre facilement, c'est hélas, par un manque d'éducation au départ, comme le souligne d'ailleurs fort justement Gilles.

    Nous avons eu ce privilège d'avoir des mamans conscientes du danger et les mises en garde ont foisonné. Grâce leur en soit rendue.

    Même l'offre de boissons était suspectée car on pouvait y joindre, à  notre insu, des substances pouvant nous faire perdre tout contrôle. Exagéré ? Possible, mais ne valait-il pas mieux adopter ce genre de méthode plutôt que le "laisser aller" qui a prévalu par la suite ? Evidemment, Internet n'existait pas encore, mais je me souviens fort bien de ces voitures qui ralentissaient , suivaient les jeunes filles pour leur proposer "de petites promenades " en eaux troubles , de messieurs qui s'intéressaient aux étalages qui les attiraient pour leur faire, ensuite, certaines propositions.....

    Elles avaient appris à dire "non" , en se moquant., en riant, en plaisantant ....

    Appris aussi à refuser certaines propositions plus qu'alléchantes.

    Malgré toutes ces mises en garde, certaines se sont laissées piégées. Parfois par désir de revanche tout simplement parce qu'elles avaient été plaquées par un mari, un fiancé .... Une de celles-ci avait très bien réussi au point de vue ascension sociale et pécunièrement.

    Au grand dam des gens "bien pensants" ..... Chez moi, quelques phrases de Brassens :

    "Les braves gens n'aiment pas que .... l'on suive une autre route qu'eux" .... accueillent les visiteurs. 

    Hélas .... comme tu le soulignes, "l'amour n'est pas toujours suffisant pour faire taire les gens biens."

    Comme le dit Gilles fort pertinemment "Il faut réfléchir avant de s'engager" car rien n'est jamais ou tout noir ou tout blanc.

    Bonne journée Chère Josette. A bientôt. Rolande. 

  • Bonjour Gilbert,

    Quand je pense à la prostitution, j’ai toujours en mémoire ce couple que formaient un juge et une prostituée. L’histoire a mal fini parce que les gens bien pensant n’ont jamais accepté qu’elle se réhabilite au bras d’un homme de loi. L’amour n’a pas été suffisant pour faire taire les gens biens. Eduquons pour qu’en haut comme en bas, les choses changent.

    Merci de votre commentaire

    Agréable journée

    Josette

  • Bonjour Josette,
    Du suspens qui crée le vertige et évoque la misère de l'inculture et de cet abominable commerce qu'est la prostitution. Il y a des influences préjudiciables mais aussi des attirances dangereuses. Les comportements passent par la responsabilité. Il faut éduquer, mettre les moyens, intéresser à la connaissance. C'est elle la véritable richesse qui enverra tous les " Stan. " aux fraises ! Moralité en attendant : Il faut réfléchir avant de s'engager.
    Bonne journée malgré la pluie,
    gilbert

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