Le Deutsches Requiem de Brahms le Dimanche 23 septembre 2012 à la salle Henri Le Boeuf par le Koninklijk Concert-gebouworkest
Orchestra in Residence
Mariss Jansons direction - Genia Kühmeier soprano - Gerald Finley baryton - Koninklijk Concertgebouworkest , Groot Omroepkoor
Johannes Brahms, Ein deutsches Requiem, op. 45
Pleins feux sur le Requiem allemand, par l’incontournable Concertgebouworkest, l’un des orchestres en résidence aux beaux-Arts. Le Concertgebouworkest célèbre l’union de l’humain et du sacré sous la baguette de Mariss Jansons et nous invite au plus profond de la pensée de Brahms, avec une œuvre qui lui valut célébrité et reconnaissance.
Maîtrise du détail et vagues de bonheur
Ein deutsches Requiem: une création toute personnelle du compositeur. Il est extraordinaire de penser que ce « Requiem » où jamais le mot « requiem » n’est prononcé, fut la première composition majeure de Brahms, écrite en 1868, quand il avait à peine trente ans. Probablement à la suite de la mort de son ami Schumann et en souvenir du décès de sa mère. Il ne s’agit donc pas d’une messe des morts, mais d’une vibrante méditation à propos du destin inéluctable de l’homme. Et l’humaniste agnostique frôle le divin. En effet Brahms se laissant faire par la méditation, choisit quelques extraits pertinents de l’ancien et du nouveau testament pour les mettre en musique. Il lisait la Bible allemande de Luther quotidiennement.
N’empêche la grâce biblique opère, et cette composition en 7 mouvements frappe par sa charge émotionnelle et sa profondeur. A l’appel angoissé de l’humaniste face à son destin la musique et les textes offrent consolation et espoir. L’œuvre écrite pour soprano, baryton, chœur et orchestre donne un rôle prépondérant au chœur. Et c’est le Groot Omroepkoor néerlandais chœur de premier plan sur les scènes internationales qui en assume la tâche.
Sous la direction méticuleuse de Mariss Jansons à la tête du Koninklijk Concertgebouworkest le concert commence en beauté. Après trois ou quatre mesures, les violoncelles donnent le « la » au chœur qui fait une entrée majestueuse pleine de feu. Chaleur et clarté. C’est bien énoncé, et tout de suite d'une intensité saisissante. « Seilig sind, die da Leid tragen ». Heureux les affligés car ils seront consolés: ce sont des paroles empruntées au sermon sur la montagne, qui promettent fermement le bonheur à venir. Les mots « Getröstet worden » sont soulignés avec grâce par le duo de harpes. L’autre mot éclatant et brandi en étendard par la musique est le mot Beethovien de « Freude ! » L’espoir est définitivement planté.
Le deuxième mouvement, plus sombre « Denn alles Fleisch », prend des rythmes d’horloge funeste et d’éclosions florales condamnées. Les chœurs masculins et féminins dialoguent distinctement. Les timbales scandent la marche funèbre tandis que l’orchestre s’attaque à une mélodie chantée qui rappelle le choral allemand. Une prière sans mots sur la fragilité humaine. Mais, comme par évidence, ce mouvement se termine par l’exultation du chant d’allégresse « Ewige Freude wird über ihrem Haupte sein.» Et une joie éternelle couronnera leur tête; L'allégresse et la joie s'approcheront; La douleur et les gémissements s'enfuiront. Le battement régulier des timbales est maintenant celui d’un cœur humain vivant.
Le troisième mouvement accueille enfin le solo de baryton, comme dans la 9e symphonie de Beethoven très admirée par Brahms. Gerald Finley, le rayonnant chanteur canadien se saisit de son rôle avec une très belle tessiture et un sens très fin de la tension dramatique. Pleine puissance et solidité du son. Humanité émouvante dans le « Ach, wie gar nichts sind alle Menschen ». Mais une fois de plus, le chœur fugué reprend l’initiative et répète la phrase d’espoir : « Ich hoffe auf Dich ! » Brahms, pas religieux ?
Le quatrième mouvement apporte caresses, lumière et bonheur. On pourrait croire que la harpe est revenue. Mais non, ce sont les pizzicati des violoncelles. Voici la remarquable soprano lyrique Genia Kühmeier. Elle émerge lentement de sa méditation fervente et se lève. Elle a tremblé longtemps de bonheur avant de commencer à chanter. D’une dévotion extrême, ses vocalises sont millimétrées et souples. Elle a la voix ronde, les timbres sont fruités. Elle symbolise à elle seule la musique sacrée au sens large. La confiance absolue en Dieu efface toute tristesse.
Les épisodes orageux du 6e mouvement sont effroyablement dramatiques. Ils ramènent les somptueuses sonorités du baryton qui ont englouti la mort. La force du chœur est bouleversante. Elle devient écoulement de joie pure. Les sonorités riches et articulées sont léchées et enveloppantes. Le 7e mouvement enfin renoue avec le premier mot du concert, Selig : Heureux. « Selig sind die Toten die in dem Herren sterben ». Une phrase de l’Apocalypse qui assure la vie éternelle.
Et les harpes retrouvées de conclure avec des sonorités transparentes. Le silence s’établit, respectueux, avant le tonnerre d’applaudissements et de vivats passionnés.
http://www.bozar.be/activity.php?id=12065&selectiondate=2012-09-23
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