Le vendredi 18 mars 2016 se tenait au Studio 4 de Flagey une soirée caritative en faveur des enfants souffrant du cancer et de leucémie, organisée pour l’asbl SUN CHILD. Retour en arrière : en 1991, se constituait à l’initiative du Rotary de Waterloo, le Fonds Georges Kamp asbl, en reconnaissance à l'un de ses anciens présidents décédé des suites d’un cancer. Sun Child est aujourd’hui l’une des plus importantes œuvres d'aide à l'enfance et est soutenue par la Fondation contre le cancer. L’association prodigue aide sociale, morale et financière aux familles et soutient la scolarité des jeunes malades. Des volontaires font le lien entre l'école et l'hôpital. Sun Child organise aussi le transport des enfants gravement malades issus de milieux défavorisés vers les divers lieux de soins avec 1000 missions de transport cette année. L’association fournit une aide régulière à 150 familles précarisées et compte 1000 heures de présence auprès des enfants. Plus de cent enfants accompagnés de leur famille participent chaque année aux séjours de vacances organisés par Sun Child. Un bel exemple de collaboration entre des sponsors dont l’aide matérielle est indispensable et une armée de volontaires très généreux de leur temps.
C’est Palmo Venneri le directeur musical du HSCO Hulencourt Soloists Chamber Orchestra et le directeur du Hulencourt Art Project qui a réalisé pour la 5e année consécutive la programmation de ce concert philanthropique prestigieux. Un concert qui prend des airs de festival tant la programmation est variée et originale, et accueille des artistes de tout premier plan. Palmo Venneri a pu réunir le pianiste mythique Valery Afanassiev , le violoniste français Augustin Dumay attaché à la Chapelle Musicale, et le chef d’orchestre japonais Sachio Fujioka. Il a fait appel à des chanteurs lyriques tels que la soprano Julie Calbete du Conservatoire Royal de Bruxelles, la mezzo-soprano polonaise Kinga Borowska, le baryton-basse Jean Delobel et le chant soigné et approfondi d’Ivan Goossens, ténor qu’accompagnaient les Solistes d’Hulencourt, avec pour les chœurs, la participation de l’Ensemble vocal de l’Abbaye de la Cambre.
Le concert commence avec une création mondiale. C’est une commande d’Augustin Dumay au compositeur belge Jacques-Alphonse De Zeegant : son concerto n°2 pour violon et orchestre. Quatre mouvements dont le premier débute par un solo d’Augustin Dumay. Une œuvre très scandée par des accords de cordes, des cris fauves de vents, des percussions affirmées et de majestueux cuivres. Les solos roulent sur des échos de cordes et des éclats de bois soutenus fidèlement par la tendresse de la harpe. Des parties méditatives s’enchaînent, sortes de tableaux où se réveillent tour à tour des tempi guerriers et des retours nostalgiques. Le quatrième mouvement fourmille de pizzicati aux violoncelles, on repère quelques sonnailles de cloches et de chaleureux arpèges dans les cuivres. Le bouillonnement des percussions s’oppose au bruissement fruité des bois. Un bonheur sauvage saisit le violon soliste bondissant et la salle sourit devant des syncopes un peu jazzy et quelques bruits d’ailes avant les derniers coups d’archet! Une composition XXième siècle qui entraîne dans le voyage musical sans effets dissonants et sans que le public ne soit perdu en chemin. C’est très appréciable.
On passe ensuite au déploiement de couleurs chatoyantes de la symphonie N° 1 (quatre mouvements en un) de Samuel Barber, compositeur mondialement vénéré pour son Adagio pour cordes. L’occasion de se laisser emporter par des salves de sourires musicaux du jeune violoniste Stefan Tarara* ou éblouir par un festival de papillonnements posés sur de fortes percussions. L’effervescence des cuivres festoie, les violons sonnent l’hallali ou entament des explosions printanières urgentes. Les bois regorgent de sève musicale, la répétition, la duplication est partout, des archets aux maillets. Après le mouvement très apaisé de l’Andante tranquillo, presque paresseux, dominé par la harpe et les hautbois, la direction du chef japonais Sachio Fujioka redevient énergique pour la passacaille. Le chef se donne corps et âme, ne cessant de percuter fiévreusement sa poitrine de sa main gauche. Les cuivres sont enveloppants, les violoncelles et contrebasses égrènent des arpèges ardents et insistants. La dramaturgie s’amplifie dans les crescendos de la finale. L’orchestre est soudé et les notes en cascades descendantes déferlent et font penser à la chute d’empires orgueilleux. Tout semble consommé et les applaudissements rugissent dans la salle.
Ce n’est que la deuxième fois que l’on joue l‘oeuvre suivante. Il s’agit de « la partition perdue… » la Messe de Karol Kurpinski pour 4 voix, orgue et orchestre . Le programme nous dit que depuis près de 200 ans, il n'y avait plus trace de la partition de la messe de K. Kurpinski, compositeur polonais (1785-1857) jusqu'au jour où elle réapparut lors d'une vente publique et fut acquise par M. Piotr Jeglinski qui, rencontrant le compositeur belge Jacques Alphonse De Zeegant, lui confia l'orchestration pour la présenter à Varsovie le 11 novembre 2015 à l’occasion de la Fête de l’Indépendance de la Pologne. Ce n'est qu'après avoir pris connaissance des œuvres de Kurpinski et étudié les méthodes de composition de l'époque que Jacques-Alphonse De Zeegant entreprit d'orchestrer l’œuvre en y ajoutant quelques introductions, quelques passages entre les différentes phrases, tout en respectant l'écriture originale et en répartissant les parties vocales entre solistes et chœur. Jouer cette messe à l’approche des fêtes de Pâques confère sans doute à l’œuvre un climat particulièrement propice à une interprétation très intériorisée, et on peut dire que les 4 solistes et le Chœur ont donné toute leur richesse vocale à la prestation. Particulièrement la soprano Julie Calbete a été remarquée par son rayonnement irrésistible de naturel et de fraîcheur,une voix légère et savoureuse, confondante d'aisance vocale dans des vocalises subtilement maîtrisées. La prestation de l' Ensemble Vocal de l'Abbaye de la Cambre a été remarquable dans sa dynamique dramaturgique, conférant à cette messe un caractère envoûtant. Le public a eu bien du mal à s’empêcher d’applaudir après l’interprétation extraordinaire du Credo, une dramaturgie en soi, avec un sublime équilibre entre le chœur et les solistes. L’orgue a soutenu un Sanctus noble et grave, beau comme une cathédrale. L’Agnus Dei sera bouleversant, vocalement de très haut niveau, particulièrement grâce à Jean Delobel dont le beau timbre lumineux a séduit l’assemblée. Tutti : Miserere Noooooo-bis!
Il n’y a pas le temps d’accorder un entracte, car voici la star pianistique de la soirée : Valery Afanassiev dont on redécouvre la rigueur précise, les clairs obscurs obsédants, les notes détachées, le jeu de mains et de poignets souple et élastique tandis que les doigts immenses semblent se raidir dans une frappe qui a la force de battoirs. Son visage semble boire le clavier. Ses embrasements font presque oublier qu’un orchestre est derrière lui dans cette interprétation magistrale du Concerto pour piano n° 9, Jenamy dit Jeunehomme, K. 271, de Mozart écrit à Salzbourg en 1777, à l’âge de 21 ans. Et ce n’est pas tout, il nous offrira ensuite un autre Mozart en bis : la fantaisie en do mineur K 475.
Pour terminer cette splendide démonstration artistique, voilà toute la fougue d’Augustin Dumay, incarnée dans un archet déchaîné, étourdissant de couleurs et de variété dans une œuvre aux difficultés musicales apocalyptiques : Tzigane de Ravel pour violon et orchestre! Le public, ami de la musique, philanthrope ou simplement curieux aura été comblé par son langage très personnel.
http://www.sunchild.be/index.php/fr/about
http://musicchapel.org/kinga-borowska/
http://www.jeandelobelbarytonbasse.portfoliobox.me/agenda
https://fr.wikipedia.org/wiki/Valeri_Afanassiev
* http://en.romania-muzical.ro/articole/art-index.htm?g=11&c=3271
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