« La peur des coups et autres plaisirs conjugaux »
Du 19 au 28 mai au théâtre de la Clarencière
« Il faut voir en ces pages...
- comment dirais-je au juste ? -
... une sorte de suite d'orchestre
écrite "musique légère", un
prétexte à faire évoluer
conformément à la logique de
leur petite psychologie et autour
de petites historiettes ayant de
tout petits commencements, de
tout petits milieux et de toutes
petites fins, de tout petits
personnages reflétant de leur
mieux la philosophie où je
m'efforce de prendre gaiement
les choses, car je pense avec
Daudet que la mort des êtres
aimés est la seule chose de la
vie qui vaille la peine qu'on en
pleure. » Courteline
On n’a qu’une envie c’est de découvrir le texte original de Courteline après cette mise en scène humoristique et fraîche qui mélange sans vergogne l’ancien et le contemporain, les costumes d’époque et les sacs de courses Marcolini, Paris et Bruxelles. Les rires fusent tout au long du spectacle dans cette petite cave voûtée logée dans une maison de maitre, le théâtre littéraire de la Clarencière. Tous les soirs les comédiens s’amusent car depuis que le spectacle a commencé, l’alchimie différente de chaque soirée met en lumière des aspects différents du texte.
N’empêche, ces comédiens fougueux et spirituels se livrent à des scènes de ménage au goût intemporel, à se demander si Adam et Eve, déjà… au paradis ne se livraient pas aux mêmes duels verbaux. En tout cas, depuis Courteline jusqu’à nos jours, le duel, source intarissable de paroles, perdure et a sans doute encore de beaux jours, mariage rénové et couples modernes ou non ! La condition de la femme a changé me direz-vous, et cela change tout ? Pour sûr, mais les moteurs responsables de la dispute domestique sont toujours les mêmes. Vexations, frustrations, agacements d’hiver et d’été …. mettent immanquablement le feu aux poudres souvent avec des scénarios précis et immuables, comme on en trouve au théâtre, mais gravés dans notre subconscient. Les fabriquer dynamise le couple, les surmonter témoigne de la solidité du couple. Inverser les rôles les rend encore plus tenaces. "Tu me la fais tous les dimanches..."... messages 'tu' excécrés!
On adore la langue ciselée, balancée et musicale de Courteline, on sourit au vent qui écrit sur les murs de Facebook, on tressaille aux magnifiques jeux de corps et de visages que l’on voit sous la loupe dans ce petit théâtre si intime. On se croirait dans un atelier de photographie d’art. On embrasse ce couple miroir avec empathie, car il est attachant et nous rappelle des choses vécues ou presque. Parole de Tristan : « la femme ne voit que ce que l’on ne fait pas.» Parole d’Aurélie : « La femme amplifie tout ce qu’on lui donne : donnez-lui un spermatozoïde, elle en fait un bébé; donnez-lui une maison, elle en fait un foyer; donnez-lui un sourire, elle en fait de l’amour »
Ah je suis un monsieur qui a peur des coups ?
ELLE (agacée)? - Et quand je mentirais ? Quand il me l'aurait faite la cour, ce brin de cour autorisé d'homme du monde à honnête femme ? Le grand malheur ! La belle affaire !
LUI. - Pardon...
ELLE. - D'ailleurs, quoi ? Je te l'ai présenté. Il fallait te plaindre à lui-même, au lieu de te lancer comme tu l'as fait dans un déploiement ridicule de courbettes et de salamalecs. Et « Mon capitaine » par-ci, et « Mon capitaine » par là, et « Enchanté, mon capitaine, de faire votre connaissance ». Ma parole, c'était écœurant de te voir ainsi faire des grâces et arrondir la bouche en derrière de poule avec une figure d'assassin. Tu étais vert comme un sous-bois.
LUI. - Je...
ELLE. - Seulement voilà... ce n'est pas la bravoure qui t'étouffe...
LUI. - Je...
ELLE. - Alors tu n'as pas osé...
LUI. - Je...
ELLE. - Comme le soir où nous étions sur l'esplanade des Invalides à voir tirer le feu d'artifice, et où tu affectais de compter les fusées et de crier : « Sept !... Huit !... Neuf !... Dix !... Onze !... » pendant que je te disais tout bas : « Il y a derrière moi un homme qui essaie de passer sa main par la fente de mon jupon. Fais-le donc finir. Il m'ennuie. »
LUI. - Je ne sais pas ce que tu me chantes avec ton histoire d'esplanade ; mais pour en revenir à ce monsieur, si je ne lui ai pas dit ma façon de penser, c'est que j'ai cédé à des considérations d'un ordre spécial : l'horreur des scandales publics, le sentiment de ma dignité...
ELLE. - … La peur bien naturelle des coups, et cætera, et cætera.
musique: "I am not that innocent!"
Avec Tristan Moreau et Aurélie Martinez
Théâtre Littéraire de la Clarencière Tél. : 02-640.46.76 http://www.laclarenciere.be. rue du Belvédère 20 1050 Ixelles
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