Collegium Vocale Gent
Weihnachtsoratorium - L'Oratorio de NOËL de JS Bach
Philippe Herreweghe direction - Dorothee Mields soprano - Damien Guillon alto - Thomas Hobbs ténor - Peter Kooij basse - Collegium Vocale Gent
Johann Sebastian Bach, Weihnachtsoratorium, BWV 248
En cette période festive, Philippe Herreweghe nous offre sa version de l’Oratorio de Noël. Qui aurait cru il y a trois siècles que les cantates écrites par Johann Sebastian Bach pour les offices de Noël à l’Épiphanie seraient un jour interprétées d’un seul tenant pour évoquer le récit de la Nativité ? Sur scène, le chef s’entoure comme à son habitude de solistes hors pair qui maîtrisent sur le bout des doigts la musique du Cantor.
La musique placée au centre du discours, comme langage émotionnel universel
Partition sacrée considérable du répertoire de JS Bach, l’Oratorio de Noël constitue un ensemble cohérent en six parties. D’une durée de près de deux heures et demie cette fresque couvre l’espace des six jours les plus importants de la période de Noël à L’Epiphanie. Les textes sont principalement tirés des évangiles de Saint Luc (Cantates I à IV) et Saint Mathieu (Cantates V et VI). Le récit de l’Evangéliste (Thomas Hobbs) s’accompagne de chorals (chants d’assemblée, selon la tradition luthérienne) et de textes de libre inspiration que constituent les arias, duos et autres formes libres qui commentent l’action. Le lieu de prédilection de la célébration musicale d’un opéra sacré est bien sûr l’église ou la cathédrale. Cela a sa raison d’être. Ce soir, c’est aux Beaux-arts de Bruxelles devant une salle comble que cela se passe. Pour Luther, « la musique seule mérite d’être célébrée après la parole de Dieu. […] Que l’on veuille réconforter ceux qui sont tristes ou bien effrayer ceux qui sont joyeux, rendre courage aux désespérés, fléchir les orgueilleux, apaiser les amoureux, adoucir ceux qui haïssent, […] que pourrait-on trouver de mieux que la musique ? » A méditer.
Philippe van Herreweghe et le Collegium Vocale Gent ont en effet magnifiquement tenu ce rôle. Ensemble, chef d’orchestre, chœur et orchestre, mus par le feu sacré, ont eu à cœur de faire croire au message de l’Oratorio de Noël. Ce, en dépit des réactions très frustrantes d’un public sans-gêne, atteint sans doute de toutes les maladies respiratoires possibles et profitant de la moindre pause pour s’exprimer bruyamment sous forme de raclements et autres quintes fort peu musicales. Pour se faire entendre dans l’enregistrement de Klara? Le silence aurait été pourtant plus propice à la belle méditation musicale mise en scène par Philippe Herreweghe.
Et comment ne pas être comblé par le haut niveau de virtuosité de ce concert, son intonation parfaite et sa simplicité apparente. Philippe Van Herreweghe nous a offert la limpidité du message, en toute discrétion. Il dirige en effet du bout des doigts et des yeux, avec des gestes à peine amorcés, saisi lui-même d’humilité, devant la musique de Bach. C’est cela le mystère. Et si le rôle d’acteur de la foi était au centre des préoccupations de Bach, Philippe Van Herreweghe en joue admirablement le jeu. L’agencement sonore qu’il suscite entre le texte et la musique est un mystère en soi. Et le mystère interpelle, sans rien d’orgueilleux ou de fracassant, c’est ce qui peut-être a manqué aux agités de la toux compulsive.
Dans les arias sublimes et certains duos, on est au cœur de l’intériorité. Avec la basse (Peter Kooij ) « Herr, dein Mitleid, dein Erbarmen tröstet uns und macht uns frei ! » On plonge dans l’intime et profonde piété individuelle. La soprane Dorothee Mields , dont le visage et la voix sont illuminés de vérité en est un exemple frappant. La légèreté de l’être ? La profondeur de la foi ? Soulignée par la violoncelliste omniprésente touchée par la joie. Mais aussi Damien Guillon, l’alto qui égrène ses accents magiques au gré des récitatifs et des arias. Il y a ce passage d’émotion pure dans un aria de la Soprane où l’être humain oscille entre le « nein » et le « ja » de façon étonnamment poétique et convaincante. On ne sait d’ailleurs plus très bien où est la voix humaine et celle du hautbois. Il y a comme un jeu d’échos surnaturels… Le texte de l’Evangéliste (Thomas Hobbs) s’écoute avec un intérêt croissant, les airs sont répétés deux fois avec bien souvent comme noyau central une méditation instrumentale appropriée. Tour à tour c’est l’orchestre au complet, les flûtes, les trompettes, les hautbois, des violons en duo enjoué, les cors qui inspirent le recueillement et provoquent la surprise et l’enchantement musical. Le discours et l’émotion suscitée par la musique adhèrent toujours parfaitement l’un à l’autre. Le contrepoint convoque l’harmonie. On est en présence de la perfection.
Cette prestation épurée, aux forces vocales et instrumentales peu tapageuses, a mis en lumière des prouesses vocales qui semblaient naturelles et des solos instrumentaux qui ont fait jaillir la lumière faite musique, pour les dieux et les hommes. La fraîcheur authentique était le commun dénominateur des solistes et du chœur. Un chœur vibrant et clair qui évoque l’enthousiasme des bergers, la douceur de Marie, le nom de « Jesulein Immanuel », la glorieuse quête des rois mages, la haine hypocrite et sanguinaire d’Hérode, la conquête de la Mort. Tout est là, ciselé pour longtemps dans le cœur du spectateur qui veut lui aussi jouer le jeu. Pourvu qu’il réponde à l’invitation au questionnement personnel, au voyage spirituel et à l’appel de la musique sacrée.
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L'Oratorio de Noël interprété ce jeudi soir à Bruxelles a été filmé et sera télédiffusé par la chaîne Canvas le 25 déc à 12 h. 10.