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12272729253?profile=originalIl s’agit d’un ouvrage de François Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), dont le titre complet est: Extrait des sentiments de Jean Meslier adressés à ses paroissiens sur une partie des abus et des erreurs en général et en particulier, publié à "Londres" (Amsterdam, chez Marc-Michel Rey) en 1762 et en 1768.

 

Le premier témoignage de la diffusion du Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier, dit "le Curé Meslier", date du 30 novembre 1735. Voltaire demande communication de ce manuscrit d'un "curé français, aussi philosophe que Locke". En pleine guerre contre l'"Infâme" en 1762, il lance dans la bataille cet Extrait portant la date du 15 mars 1742, ce qui n'est peut-être qu'un artifice de présentation. Les allusions nombreuses de sa correspondance de 1759 à 1762 indiquent qu'il a été composé à cette époque.

 

L'Extrait des sentiments de Jean Meslier est précédé d'un "Abrégé de la vie de J. Meslier" qui trace l'image exemplaire d'un bon prêtre épris de justice et qui, avant de mourir, témoigne de la vérité. Dans l'Avant-propos, il se reproche d'avoir enseigné de "pieux mensonges" qu'il détestait dans le fond de son coeur. L'argumentation est développée en six chapitres qui exposent cinq preuves contre les religions. Elles sont d'invention humaine et fondées sur la foi, "une créance aveugle" qui est un principe d'erreurs. Les arguments des "christicoles" (sainteté de leur religion, martyrs, oracles et prophéties) sont réfutés (chap. 1). Les livres saints ne sont que des "narrations fabuleuses" remplies de contradictions. Les miracles de l'Ancien et du Nouveau Testament, ceux rapportés dans les Vies des saints, ne sont que de "vains mensonges" (2). D'ailleurs tous ces miracles ressemblent étrangement à ceux dont se targuent les païens (3). Les prétendues visions et révélations divines, les promesses jamais accomplies, les prophéties ridicules sont ensuite passées en revue (4-5). Les dogmes "révoltants" de la Trinité et de l' Eucharistie sont vivement attaqués. Que signifient un Dieu en trois personnes et des dieux de pâte et de farine? Le sang a coulé pour ces "horribles impostures". Le texte se termine par une prière au Dieu de la religion naturelle dont le "christianisme est l'ennemi déclaré" (6). Voltaire ajoute un Post-scriptum dans lequel il affirme que l'Extrait est un "précis fidèle" du testament du curé Meslier qui mourut en demandant pardon à Dieu d'avoir enseigné ces erreurs.

 

On aimerait savoir quelle copie Voltaire eut en main. On présume qu'il fit un "Extrait" d'un "Abrégé", manuscrit qui circulait alors "en des versions légèrement différentes, mais remontant à une source commune", et qui avait déjà réduit le texte en retranchant la partie philosophique et politique ("Preuves" 6 à 8 du Mémoire de J. Meslier). Voltaire prétend avoir séparé "le bon grain de l'ivraie": "Son écrit est trop long, trop ennuyeux et même trop révoltant; mais l'extrait est court et contient tout ce qui mérite d'être lu dans l'original." Il a supprimé de l'Avant-propos tout ce qui annonçait le thème politique. La fameuse phrase que Meslier attribue à un homme de bon sens: "Il souhaitait que tous les nobles fussent pendus et étranglés avec des boyaux de prêtres", n'apparaît que dans l'Avant-propos de la réédition de 1768. On ignore si Voltaire a participé à cette publication. Dans son Extrait, Voltaire a condensé fortement les discussions sur les livres sacrés, supprimé des argumentations sur la fausseté des religions, sur l'idolâtrie, sur l'usage que font les politiques des erreurs de la religion. Cet Extrait se termine par une profession de foi déiste. Voltaire n'ignorait pas les vrais sentiments du curé d'Étrépigny. Dans les Lettres à S. A. Mgr le Prince de ***, il médite sur ce prêtre singulier qui "voulait anéantir toute religion, même la naturelle", et qui voulait détruire la croyance des peines et récompenses après la mort, "frein nécessaire" dont le peuple a besoin. Mais Meslier l' apostat doit faire une impression forte. Voltaire s'attache donc à diffuser cet Extrait dont il désire qu'il se multiplie comme "les cinq pains". On s'arrache la première édition. L'Extrait a donc popularisé une version mutilée du Mémoire de J. Meslier; il le trahit, non par les quelques phrases que Voltaire a ajoutées, des plaisanteries sur Oolla et Ézéchiel, mais parce qu'il présente une version tronquée, limitée à la polémique antichrétienne et ne retient que "le tronc commun de l' incrédulité des Lumières", occultant le matérialisme, les revendications égalitaires, l'appel au tyrannicide du "prophète" Meslier.

 

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