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journal de bord, lundi 23 mai 2011

Sur les chemins de Compostelle (première étape franchie) ...

 

C'était franch'ment le jour des rencontres, hier. Pélerinage oblige ?

 

Faut dire : je n'étais pressé, je n'avais pas d'épée de Damoclès sur le dos. Je pouvais prendre le temps qu'il fallait. Au pire : je pouvais encore démarrer l'itinéraire le jour suivant.

 

D'abord, en repassant près de la collégiale (de Dinant), sur le coup d'onze heures, un gars, qui sortait de la messe, m'a accosté, regardé (le regard clair et bleuté) droit dans les yeux, serré solid'ment et fraternell'ment la pince. Mon premier réflexe : la surprise. Le s'cond : quelqu'un que j'ai connu, y a une paire d'années, et que je ne remets pas. Légèr'ment barbu. Casquette bien vissée sur le crâne. La quarantaine bien entamée. En fait, il m'avait jamais vu, mais c'était tout comme. Les ondes de la sincérité transpiraient, chez lui, à mille mille mètres à la ronde. Il m'a fait monter chez lui, deux maisons plus loin. On franchissait d'abord un étage, avec un escalier et deux murs à gauche/droite plutôt étroits. Il m'a fait un café venu tout droit d'Espagne. Il m'a expliqué que les chants, à la messe, le touchaient tell'ment qu'il ne pouvait pas rester assis sur sa chaise. Il a fallu qu'il sorte, oui. Il m'a parlé du chef de la chorale qu'il singeait, en caricaturant les gestes "sérieux" que l'autre exerçait, avec sa main, quand il fallait diriger les chanteurs. Il m'a parlé de sa solitude, de son besoin de ... femmes (je comprenais à cent pour cents). Y avait des phrases anarchiques sur les murs. A un moment donné, un de ses potes, un ex-para-commando (dont une des mains semblait ... morte), est passé.

 

Ensuite, ensuite ...

 

Il était temps que je reprenne mes esprits, que je me mette un peu en route. Comme je me l'étais promis. Déjà, déjà, beaucoup d'émotion pour commencer.

 

J'avais décidé de prendre un bateau-vedette sur la Meuse ... jusque Anseremme. Arrivé au terminus, j'entam'rais donc le début du chemin prévu.

Je suis passé à l'action.

Midi (ou une heure) trente. Le bateau allait partir. Oui. Sur le pont, juste avant d'entrer dans le bateau, j'ai encore fait une rencontre, en la personne du conducteur : un monsieur âgé, quatre-vingts ans au moins, sans façon, qui parlait aux touristes (néerlandophones, anglophones) avec une énorme tendresse.

 

Ainsi donc ...

 

Notre conducteur, en pleine Meuse, lachait le gouvernail, laissait flotter le bateau sur l'eau et venait à la rencontre des visiteurs, sans micro, les mains ouvertes. Il nous a indiqué : l'hôtel de ville (avec son bulbe semblable à celui de la collégiale), l'hôtel Ibis (j'y ai logé un soir) suivi du casino et de la prison, le fameux viaduc Charlemagne, le légendaire Rocher Bayard, une maison (sur la rive droite) construite au 17ème siècle. Tout ça. Il nous a précisé que la Meuse atteignait les sept mètres de profondeur.

 

C'était pas ça, mais, arrivé à Anseremme, au confluent de la Lesse et de la Meuse, j'ai réalisé que j'avais mal calculé mon coup. Oui. Le bateau ne s'arrêtait pas à Anseremme, comme je me l'étais représenté. Il retournait sur ses pas. D'un train de sénateur. Au point de départ. A Dinant.

 

Ca va, j'ai pas regretté. J'ai repris pied sur la terre ferme. J'ai refait, à pied, le chemin Dinant-Anseremme. Touristes. Bistrots. Restos. De temps en temps, un souffle d'accordéon aux terrasses. "Vous faites le pélerinage de Compostelle ?", m'a lancé, en cours de route, un couple qui cassait la croûte.

 

Arrivé à hauteur d'un prieuré, je n'osais déjà plus avancer. Des canards, des cann'tons et ... des oies, des oies, des oies qui avaient quitté la Meuse et occupaient le sentier. J'avais peur. J'ai laissé un couple de prom'neurs me dépasser. Comment allaient-ils procéder, eux, dans la même situation ? Eh bien ... la dame s'est pas gênée pour balancer des coups de pied (fermes) à l'égard des bêtes qui prenaient directement la fuite.

 

Plein de pensées, liées à ma vie quotidienne, me rev'naient. Plein de colères, aussi. Qui giclaient. Un sentiment de liberté, de soulag'ment, égal'ment. Personne pour me couper la parole. Personne pour me dire "calme-toi !". Personne pour me tirer la gueule parce que j'ai fait un faux pas. Personne qui se détourne de moi parce que je l'ai regardé(e) trop longtemps et que je l'ai mis(e) ... mal à l'aise. Personne pour m'engueuler parce que je suis rentré une heure trop tard, parce que je n'ai pas débarrassé la table. Seul avec moi-même. Avec tout un espace verdoyant, digne d'un océan, pour me guider, me faire les yeux doux.

 

J'ai remonté, en suivant les balises, le sentier en lacets (qu'on appelle ... sentier des Pêcheurs) jusqu'à la côte de Freyr. Je l'avais déjà arpenté une fois, y a deux ans, avec (déjà) ma guitare sur les épaules et les sandalettes aux pieds. Arrivé à hauteur des rochers, quelques jeunes s'essayaient à l'escalade. Et encore un sentier qui continue. Un tournant. Un autre sentier en ligne droite qui monte. Un autre tournant. Un autre sentier. Un autre tournant. Un autre sentier. Enfin : la grand'route. Enfin : la N95. OK, OK. Soyons vigilants, maint'nant. J'avais à peine mis le pied sur le macadam, que ... directement, il fallait replonger, sur la droite, dans la forêt où, maint'nant, des espèces d'escaliers en bois indiquaient la suite du trajet.

 

Il était presque quatre heures. Je m'étais fixé cette limite pour compulser, dans le livre/guide, la liste des hébergements disponibles pour le soir. Hastière était la ville-étape que je m'étais fixée. Quatre points de chute mentionnés dans le bouquin. J'ai risqué le premier. J'ai eu quelqu'un au bout du fil. Y avait une chambre disponible pour ... 80 euros. C'était pas donné, non, mais je pouvais me le permettre. Je ne devais plus me tracasser. OK, Madame, j'arriv'rais vers 20 heures/20 heures 30.

 

J'ai longé la Meuse. Encore. J'ai traversé une prairie ... remplie de vaches. J'avais pas le choix. Je devais passer. Cette prairie faisait partie du sentier à suivre. Je me suis rabattu, le plus possible, vers la droite. Les vaches n'ont pas bougé.

 

A un moment donné, la confusion (inévitable). Arrivé à hauteur d'un poteau, j'aperçois trois chemins, trois sentiers. D'après le bouquin, le GR 126 et le 125 se séparaient là. Je devais prendre le second des deux, me diriger vers Waulsort, Blaimont, Hastière. Sur l'un des trois ch'mins où le 126 redémarrait, on voyait nett'ment la balise (avec le chiffre indiqué). Mais ça ne faisait pas mon affaire. Sur les deux autres routes (dont l'une était forcément celle que je devais prendre), rien, rien d'indiqué, de spécifié. Il était presque ... dix-huit heures. Je me suis mis en éclaireur sur un des deux sentiers, j'ai marché, marché, sans repérer de balises. Je suis revenu sur mes pas. J'ai tenté l'autre sentier, j'ai marché dans le foin, j'ai avancé, avancé ... sans repérer de balises. J'ai tenté de me situer avec la carte d'état-major du coin, que j'emportais dans une poche de mon ukulélé. Peine perdue.

 

Final'ment, je suis allé de l'avant, grâce à un panneau directionnel indiquant Falmignoul. Ca va, j'avais encore une issue de secours. J'étais déjà passé par là. Y avait une grand'route qui conduisait à Blaimont. OK. Grâce à mon sens visuel de l'orientation, j'ai risqué la suite du trajet ... non pas sur la grand'route, mais sur un sentier parallèle. A travers bois, j'ai tracé. Et devinez sur quoi je suis (re)tombé soudain : une balise ! J'ai encore tracé, tracé. De ruisseaux en chemins en ligne droite où les balises mettent du temps à se montrer (parfois, on loupe un chemin qui part dans une direction et qu'on n'a pas vu), j'ai marché, j'ai rêvé, j'ai entendu des airs musicaux me traverser l'esprit. Je suis tombé, en bas d'un chemin qui descendait abruptement, sur un banc. La Meuse, à côté, semblait se rapp'ler à mon bon souv'nir. Un nouveau panneau directionnel : Hastière, trois kilomètres. Allez, Hugues, tu approches !

 

J'ai longé un barrage le long de l'eau. Sur un chemin de halage. Par la force des choses, j'avais évité Waulsort et Blaimont, prévus théoriqu'ment sur la route. Bien sûr, j'avais aussi le guide (de l'entre Sambre et Meuse) qui donnait la marche à suivre, afin d'atteindre ces villages. Mais l'intinéraire était repris en sens contraire. Un certain sens de déchiffrage, quand je marche, quand je commence à être claqué, c'est ... trop. Mais patience : je reviendrai à Hastière un autre jour, je ref'rai le trajet et je verrai à quel endroit j'ai cafouillé. Travail de patience ! Travail de longue haleine !

 

Je suis arrivé à la chambre d'hôtes. A Hastière ... par Delà. Rue des Gaux. J'ai été super bien accueilli. Les tenanciers prov'naient de Charleroi. Elle enseigne toujours la s'maine. Lui, il est gérant en informatique. Et il joue ... de la guitare. C'était franch'ment le dessert. Y a une pièce où il a disposé toutes sortes de guitares différentes. Mieux encore : leur fille (qui habite à Londres) a épousé un gars qui est le frère d'un chanteur que je connais. Terrains de sympathie, d'affinités, merci beaucoup ! C'était la fiesta, ce week-end, à Hastière. A la chambre d'hôtes, ils ont reçu, juste avant moi, le jour précédent (ou l'avant-veille), Quentin Dujardin (célèbre guitariste) et Pierre-Alain Volondat, grand prix de piano au Concours Reine Elizabeth (en ... 1983).

 

Le temps de déposer mes affaires dans une chambre (qui aurait pu s'app'ler château de Versailles, les 80 euros/nuit je comprenais un peu leur sens), je suis sorti dans la p'tite ville. Manger.

 

J'ai croisé deux charmantes petites gosses blondes qui couraient après un ballon. La plus jeune ne désarmait pas devant l'aînée. De temps en temps, le ballon atterrissait sur le toit (du resto où je m'étais attardé). C'était poétique. La mère, verre de bière en main, déboulait volontiers, avec une raclette, pour débloquer le ballon stationnant sur les tuiles et l'obliger à rebondir sur le sol.

 

C'est après que la soirée devait se terminer en apothéose. Je parcoure la rue en ligne droite.

Je tombe sur le fameux "Hastière Café", où j'étais déjà passé, y a deux ans. J'y étais même resté trois heures, en pure perte, j'y avais cafardé, crevé de solitude. Je préférais (encore) cette solution à l'idée de grelotter dans un lit. J'étais dans une sale passe, oui.

Mais voilà ... les lieux (comme les jours) se suivent et ne se ressemblent pas. Dès que je me suis pointé, toute une table m'a accueilli. J'ai eu droit à "Eh l'ami, viens parmi nous !". Ils étaient sept ou huit. Dont ... un jeune couple. Dont ... une jeune espagnole, longs cheveux noirs, très délurée, très feeling, très sympa, très amicale. Dont aussi ... deux musiciens, originaires de Falmagne : l'un des deux (le p'tit ami de la fille espagnole) faisait du punk, dans un groupe qui existe depuis quatorze ans, était parti au Brésil ... le second, lui, maniait l'art de lancer ses cigarettes (allumées) dans le vide, il avait retrouvé son père (ou son ... padre) au bout de pas mal d'années.

On a trinqué, trinqué. On s'est dit ... beaucoup de choses.

Ca a duré ... une, deux bonnes heures.

 

Quand je suis rentré à la chambre d'hôtes, ensuite (fallait bien) ...

 

C'était pas fini. Alain, le tenancier, jouait encore de la guitare dans la pièce avant. Je m'y suis attardé. Evidemment. Il m'a fait un café. J'ai joué avec une de ses guitares. J'ai chanté quelques chansons (de moi) et il m'accompagnait ... comme sur des roulettes.

 

La nuit a eu le temps de s'intercaler.

 

Il est maint'nant onze heures du matin.

 

Je compte me mettre en route vers ... INzemonts.

 

 

 

 

 

 

 

 

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