La semaine dernière ...
Rue des Champs Elysées, 18 A.
Quelque part, sur ma tournée de facteur ...
J'ouvre la porte d'entrée d'un immeuble (grâce au trousseau de clés dont je dispose). Histoire de réapprovisionner mon caddy, avec la suite du courrier (prévu) pour la tournée.
Dans le couloir ...
Une dame, habitant au rez-de-chaussée de l'immeuble, exprime ses plaintes à un agent de police.
Le motif : chaque jour, sur le coup d'midi/une heure, des ados (arabes), élèves d'un athénée situé dans la rue voisine, se plantent sur l'escalier donnant accès à la porte d'entrée de l'immeuble ... ou sur les appuis de fenêtre, ou se mettent carrément debout devant la porte d'entrée. Ils fument (leur joint, sans doute), cassent la croûte, parlent fort ...
Paraît que, récemment, l'un d'entre eux a pénétré dans le hall d'entrée.
Et ... les gens ne se sentent plus chez eux. Et ... les gens se sentent agressés, brimés, violés dans leur "chez eux", dans leur intimité.
Par mesure de sécurité, ils ont même installé, sur des appuis de fenêtre, des barres de fer en or, avec des piquets pointus.
Ca se comprend. Ca tient la route.
"C'est pas qu'on soit raciste ...", argumente, à un moment donné, la dame du rez de chaussée de l'immeuble (originaire, elle aussi, d'un pays étranger).
"Y a tell'ment d'espaces, ici, dans la commune, où ils pourraient aller", ajoute-t-elle.
Moi-même ...
Quand j'arrive, à cet endroit, avec mon caddy, en ayant déjà deux heures de marche dans les pattes ...
Quand j'arrive, à cet endroit, avec mon caddy, et que j'aperçois tous ces jeunes (arabes) dans leur conciliabule, j'ai un réflexe d'auto-défense, de peur, de méfiance, j'en ai certains jours le souffle éventré. Oui oui. Peur d'être attaqué, peur d'être dévisagé, peur de perdre la face, peur d'être décoiffé, peur ... tout court.
Et pourtant ...
Quand je prends la distance, le recul nécessaires ...
Quand je regarde bien, quand j'observe bien ...
Quand je fais le bilan, depuis cinq ans que j'accomplis la même trajet, la même tournée, et que je rencontre, à ce même endroit, les mêmes jeunes (arabes) ... ou le même type de jeunes (arabes) ...
Je constate ...
Je remarque ...
Que jamais aucun de ces jeunes ne m'a attaqué (ni verbal'ment, ni physiqu'ment).
Que jamais aucun de ces jeunes ne m'a manqué de respect, jusqu'à présent.
Que l'un ou l'autre me dit volontiers "bonjour".
Que l'un ou l'autre me demande volontiers : "comment ça va, facteur ?"
Que l'un(e) ou l'autre me tend volontiers une tartine, un bâton d'chocolat ou un biscuit.
Rue des Champs Elysées, 18A, au même endroit ...
Y a déjà quelques mois ...
La dame du rez-de-chaussée de l'immeuble s'était déjà plainte, à la police, de ces mêmes jeunes (arabes), pour les mêmes raisons.
Elle avait même ajouté : "La dame du cinquième s'en rappelle ... elle a eu sa voiture fracassée ..."
Et quand l'agent de police était reparti ...
Je m'étais autorisé, risqué, en toute gentillesse, à poser, à la dame du rez-de-chaussée de l'immeuble, la question suivante : "Etes-vous sûre que ce sont ces jeunes-là, ici devant vous, qui ont fracturé la voiture ?"
Et elle m'avait répondu, sur le ton de l'évidence, sur le ton de l'énervement, presque en haussant les épaules : "On suppose que c'est eux !"
Je n'avais pas insisté.
Commentaires