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Jacques Busse, un contemporain considérable

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Son éternelle écharpe rouge et son élégance mélancolique sont encore présents dans les mémoires. Professeur dans plusieurs académies et écoles des Beaux-Arts, chargé par le Ministère de la Culture, après mai 1968, de la mise en place de la réforme des enseignements artistiques, historien de l'art, rédacteur en chef et directeur du dictionnaire des artistes, le fameux Bénézit, pionnier et animateur des grands salons d'après-guerre, Jacques Busse est un "contemporain considérable". Dans le cercle finalement restreint des créateurs authentiques, il fait partie des "valeurs sûres". Il exposait régulièrement en groupe et personnellement, aussi bien en France qu'à l'étranger. Élève d'Emile-Othon Friesz et co-fondateur du Groupe de l’Échelle en 1942, Jacques Busse nous a quittés le 22 août 2004, à l'âge de 82 ans.

Il puise à ses débuts son inspiration dans les constructions "métaphysiques" de Claude-Nicolas Ledoux, les villages de Haute-Provence et les carrières des Beaux. Les rocs chaotiques, les violents contrastes et les trouées profondes ne cessent de le hanter depuis sa première visite en 1956. Peintre non figuratif, il se réfère cependant constamment au monde sensible. Jacques Busse sacrifie délibérément  le "joli" qui menace la peinture depuis qu'elle est devenue "abstraite". Il n'aime pas non plus la peinture à deux dimensions. Il fuit enfin celle qui se complaît dans la couleur. Chez Busse, en effet, la couleur, toujours discrète est au service des formes, comme les formes sont au service de la lumière. Busse affectionne les formes géométriques : quadrilatères, cubes, arcs de cercle. Cette peinture d'apparence fuguée, presque musicale, traduit par ses rythmes un élan lyrique, une violence calculée, une force sans cesse maîtrisée.

Voyager à l'intérieur de la peinture

Dans une première période, ses peintures procèdent d'une recherche de rythmes statiques, puis, au début des années cinquante, il fait retour au néo-cubisme de Juan Gris. Enfin, à partir de 1954, il se tourne vers l'abstraction. Comme il le déclare lui-même, Jacques Busse a préféré "l'intérêt et le plaisir de voyager à l'intérieur de la peinture à l'obligation qu'exige le marché de l'art de s'en tenir à la répétition d'une seule et même manière identifiable. "La constante, précisait-il cependant, c'est la construction rythmique de la toile." Autres constantes : le sens de l'équilibre, l'élégance du geste, l'économie des moyens, l'adéquation des matériaux, la parfaite maîtrise de son art. "Il ne perdait jamais son temps à chercher l'inspiration. Le tableau était déjà dans sa tête."

Humaniste et homme de culture, ce qui n'était pas rare chez les artistes de sa génération, Jacques Busse a entretenu un dialogue fertile avec des poètes comme Raymond Queneau ou Christian Morgenstein. Il a traduit de la langue allemande les Chansons du Gibet. D'André Frénaud, il a illustré le recueil La sorcière de Rome. Jacques Busse a également publié un ouvrage théorique sur l'impressionnisme et un petit livre à l'humour grinçant Propos d'ivrogne, publié aux éditions Obsidiane.

Parce qu'il fut, justement, un homme de culture, Jacques Busse a toujours refusé de prendre au sérieux les émules sans humour de Marcel Duchamp, le terrorisme intellectuel des théoriciens impuissants de "la mort de l'art" et la dictature des inconditionnels des "installations" et autres "vidéos". Loin des jeux stériles et des modes intellectuelles, le peinture fut pour lui une aventure totale, sensuelle, physique et mentale.

Nulle complaisance romantique, nul goût du pittoresque, nulle nostalgie dans la série des Thermes (Carracala et Zaghouan). Il n'y a rien derrière ces façades aveugles. On dirait que l'homme s'est absenté définitivement de ces constructions qu'il a pourtant conçues, comme s'il ne savait plus les habiter. "L'architecture tend vers l'inhumain, la Tour de Babel", semble avertir le peintre à travers ces "Leçons de Ténèbres". On est frappé dans un premier temps par une certaine froideur, mais un examen plus attentif montre que la rigueur n'exclut pas une certaine liberté, ne serait-ce que dans la trace du geste qui reste visible.

"Si je voulais par le langage, figurer à la fois la fougue et la réserve de ce peintre, je bannirais les adjectifs, a dit de lui le poète Jean Tardieu. Adieu pigments, perfides attraits ! Je ne garderais que les verbes, l'acte pur. Ainsi le geste d'écrire percerait sans délai les "noirs desseins des choses."


 


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