La tradition de la galette des rois n’a jamais été très installée dans la famille. Je n’en ai d’ailleurs que quelques bribes de souvenirs : une photo de mon fils âgé de trois ou quatre ans, une couronne sur la tête, trois fèves assez jolies dans une vitrine et quelques images furtives et olfactives sortant de ma mémoire : têtes couronnées riant aux éclats, vin mousseux et frangipane…. De bons moments sans aucun doute mais tellement lointains, issus tout droit de la bibliothèque de mon autre vie.
Telle la Belle au bois dormant, sortant d’un trop long sommeil, j’ai depuis quelques temps très envie de mordre la vie à pleines dents… et de grignoter un peu trop. Il faut bien avouer que les soirées sont longues durant ces mois d’hiver. Blottie dans le creux de mon divan, sirotant un thé au miel, une petite douceur à portée de main, papouillant distraitement mes deux petits chiens tout en zappant d’un programme à l’autre de la télé, je réfléchis bien (trop) souvent au tournant que devrait prendre ma vie. J’aimerais maintenant que cette période transitoire prenne fin.
En passant devant le rayon pâtisserie de mon magasin favori, quelques galettes des rois dorées à souhait ont attiré mon regard. Ma main s’est tendue mais n’a pas accompli le geste… A quoi bon ? Il n’existe pas de galette individuelle. D’ailleurs, cela n’aurait pas vraiment de sens. Je feindrais la surprise de tomber sur la fève… Une reine sans royaume, sans valet et surtout sans roi.
Une idée un peu folle m’est alors passée par la tête : mes hanches auront évité le bénéfice de la dégustation d’une galette mais je me suis mis au défit de trouver un roi pour partager celle de l’année prochaine. Un peu plus de trois cents jours pour faire mon marché, trouver le partenaire qui arrivera à me supporter, pas trop chiant, gentil et qui acceptera de partager gâteau, fève, couronne… et plus si affinité. Même si je bouge plus qu’avant, ce n’est pas gagné d’avance. D’autant plus qu’avec la cessation d’activité de mon auberge favorite et l’hiver qui n’en finit pas, je n’ai pas tellement l’occasion de faire de nouvelles connaissances ni de faire des choses particulièrement plus intéressantes que regarder la télé ou surfer sur le net.
C’est ainsi que je suis tombée sur une publicité de site de rencontres. J’ai toujours dit et répété haut et fort que j’aurais bien trop peur. C’est sans doute un peu stupide, vu que tant que ça reste virtuel, il y a moins de danger que dans la réalité. D’ailleurs, toute rencontre, quelle qu’elle soit est une loterie. Et je dois bien avouer que dans ce domaine, j’ai eu ma part de chance.
Alors, vu qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, n’ayant rien de mieux à faire, je me suis lancée dans l’aventure… J’ai rempli le bon de commande : le moins de renseignements possibles me concernant et un peu plus pour le candidat potentiel. Curieusement, les questions que le site posait ne m’étaient jamais venues à l’esprit : physiquement, je n’en ai rien à faire. Pourvu qu’il ait des yeux pour voir la vie en couleur, une épaule pour que je puisse y poser ma tête, des mains pour prendre la mienne et tendre l’autre, un cœur pour m’aimer assez, je ne demande rien d’autre. Son âge ? Peu m’importe. Ses qualités ? Ses défauts ? Je pourrai les aimer s’il accepte les miens. Je ne souhaite pas rencontrer un extraterrestre, mais un être tout simplement humain. Est-ce donc si compliqué ? J’ai donc complété le formulaire au mieux.
J’ai reçu confirmation de mon inscription dans les minutes qui ont suivi ainsi qu’une promesse d’avoir des nouvelles sous peu. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi rapide. J’ai passé ma soirée à cliquer sur le site et supprimer les demandes de contacts. Je me suis sentie aussi envahie que dans une grande surface en période de fêtes où des représentants vous incitent à déguster un tas de trucs un peu douteux que vous êtes sensés aimer sous peine de passer pour une idiote.
C’est ainsi qu’après quatre heures, trente-six minutes et quelques secondes, je me suis désinscrite du site. Finalement, les rencontres, si elles sont arrangées, c’est un peu comme quand on découpe la galette et que la fève apparaît. On feint de ne pas la voir et on s’empresse de donner le morceau à celui qu’on espère qui vous choisira pour reine… Je préfère laisser cette part au hasard en brûlant un cierge à Sainte Rita, patronne des causes désespérées et en allant me balader au gré de mes envies. Et si l’année prochaine je ne trouve pas mon roi, je dégusterai une galette en regardant la télé tout en papouillant distraitement mes petits chiens, rêvant qu’un jour mon prince viendra…
Commentaires
Bon conseil, Jo... que je vais m'empresser de suivre.
Un gros bisou à toi et à Robert
Attendre que passe Kairos, le dieu du moment propice, et l'attraper par les cheveux ! Il passe plus souvent qu'on ne croit mais il faut garder les yeux ouverts...
Merci Claudine. Bisous!!! A toi aussi, Josette
Bonsoir Yvette. Un très beau texte, comme d'habitude. Bonne chance et que tes rêves deviennent réalité. Bisous, Claudine.
C'est la vie...Amicalement Josette