De passage à Paris ? Musées, expositions ne manquent pas. Oui, la foule... Envie de voir des pièces exceptionnelles dans un cadre somptueux, une ambiance feutrée ? alors précipitez-vous au 25, quai Anatole-France, un splendide hôtel particulier vous attend.
Situé entre l'Assemblée nationale et le musée d'Orsay, ce quai fut commencé en 1708 par le prévôt des marchands Boucher d'Orsay, et terminé sous Napoléon 1er.
Cette exposition est axée sur la production de Johann Christian Neuber, orfèvre minéralogiste qui travailla à Dresde dans la deuxième moitié du 18e siècle. Elle est organisée par Nicolas et Alexis Kugel en collaboration avec la Grünes Gewölbe de Dresde (la fameuse Voûte Verte) et la Frick Collection de New York, à Paris jusqu'au 10 novembre 2012 (ouvert tous les jours, sauf dimanche, de 10h30 à 19h00, entrée gratuite).
Exposition Neuber, orfèvre minéralogiste à la cour de Saxe : vue d'ensemble (au premier plan le surtout de Repnine).
Des pièces rares et prestigieuses qui constituent un témoignage unique de la longue tradition du savoir-faire de la haute joaillerie saxonne. Elles appartiennent aux créations les plus abouties du classicisme allemand. Qui verrez-vous : des tabatières et autres galanteries (bonbonnières, pommeaux de cannes, étuis...). C'est tout ? Non, mais patientons.
Neuber travailla moins les pierres précieuses que les pierres fines et autres pierres dures de sa Saxe. Et pourtant par leur choix, leur savant assemblage et la virtuosité de ce maître elles rivalisaient avec les meilleures productions de Paris, capitale du luxe et de la mode, comme en atteste un petit livret manuscrit sur la "Spécification d'une TABATTIERE composée d'un CABINET des PIERRES dans la qu'elle on trouve LXXVII pièces des tres belles Pierres precieuses qui se trouvent au l'ELECTORAT de SAXE faite par Jean Chretien Neuber à Dresde" et qui comporte notamment de l'"Agate de Chemnitz, Bois pétrifié... Ametiste... Caillou de Moriztbourg, Agate de Leisnig...Jaspe... Calcedoine..." Finalement des pierres humbles pour des objets de prestige. oui, mais enchâssées avec minutie et virtuosité, selon la technique de la marqueterie de pierres dures, sur un fond d'or. Chaque boite constituant un véritable cabinet miniature de minéraux combinant luxe, goût et science.
Neuber utilisait essentiellement des pierres fines de sa Saxe.
Elles se trouvent plus particulièrement aux environs de Freiberg, berceau de la minéralogie avec la première Ecole des Mines dirigée par Abraham Gottlob Werner (1750-1817). Photo L.M.
Agate de Saxe (Sankt-Egidien ; photo L.M.)
Deux meubles plus imposants attirent d'entrée tous les regards : la "table de Breteuil", pierres semi-précieuses montées sur un fond en porcelaine de Saxe, offerte par l'Electeur de Saxe au baron de Breteuil.
Table de Breteuil (photo Thomas Hennocque)
Table de Breteuil (détail) en pierres semi-précieuses de Saxe, plaque de porcelaine de Meissen, bronze doré de trois couleurs, fausses perles, sur âme de bois. Médaillons de porcelaine peints en grisaille par Johann Eleazar Zeissig, dit Schenau (1780). Collection du marquis de Breteuil. Château de Breteuil (Yvelines).
Et un surtout en porcelaine de Meissen de Reptine sur un socle en bronze doré et pierres dures de Saxe dû à Neuber.
Vous n'êtes pas rassasiés ? Et bien cet éblouissant palais vous offre sur trois niveaux bien d'autres découvertes !
Au rez-de-chaussée ne manquez pas entre autres l'étonnant tableau "L'alchimiste" de Joseph Heintz le jeune (1600-1678) et n'oubliez pas que la porcelaine dure, une invention chinoise dont le secret était jalousement gardé, fut réinventée par un alchimiste, Johann F. Böttger en résidence forcée à l'Albrechtburg de Meissen en mars 1709.
Puis vous montez d'étonnements en éblouissements : cabinets d'ébène incrustés de jaspe et d'agate, deux grands cabinets recouverts d'écaille livrant en leur centre un surprenant autel-chambre d'optique, un hanap en ivoire d'une rare maestria, une navette en lapis-lazuli, un gobelet tourné en corne de rhinocéros du XVIIe siècle, des plaques de paesine, albâtre, agate ou lapis peintes, des toiles (une émouvante Artémise, un Saint-Michel terrassant de monstrueux dragons...), des panneaux de stuc recouvert de quartz et coquillages à la manière des grotesques, un Arcimboldo en trois dimensions !, des tableaux de mosaïque de pierres dures (dont un Saint Antoine dans une grotte, une lumière, un rendu, une perspective...) dont certains en micro-mosaïque d'une telle finesse qu'il faut une loupe pour en déceler l'admirable assemblage ! Etc...
Notons que si généralement on confond marqueterie et mosaïque de pierres dures, il existe une subtile nuance entre marqueterie (où l'on utilise des fette, des tranches de pierres dures découpées à la scie selon la forme souhaitée, selon un patron, pour la réalisation du commesso, que les Latins appelaient opus sectile) et la mosaïque (où l'on utilise des tesselles, petits fragments réguliers que l'on assemble à partir d'un carton comme modèle).
Vous l'aurez compris on se trouve là dans un cabinet de curiosités comme il s'en trouve peu, et là face à la Seine !
En plus d'aimables hôtes et hôtesses peuvent vous renseigner.
La galerie J. Kugel et Floriane Bardy-Ouanaïm ont eu l'obligeance de me communiquer des photos officielles de l'exposition. Je les en remercie chaleureusement.
Michel Lansardière
Commentaires
Nous ne devions pas avoir mauvais goût puisque la "table de Teschen" offerte par le prince-électeur de Saxe au baron de Breteuil avec son plateau de pierres dures de Saxe et ses plaques de porcelaine de Meissen dûe à Neuber est convoitée par le musée du Louvre. Il a lancé pour pouvoir l'acquérir une souscription. Si vous sentez l'âme de Mécène...
Merci pour ces découvertes et commentaires
Merci du partage (il me semble avoir déjà noté cela ne retrouve plus mon post , alors bis est encore mieux !!)
A suivre
Bonsoir à tous,
Toutes ces visites, appréciations, commentaires me touchent beaucoup. Comme promis, pour plus d'informations et le plaisir j'ai ouvert un nouvel album "théâtre de curiosités" où je présente quelques oeuvres étonnantes (mosaïques, cire, émaux, hanap chryséléphantin...), que j'enrichirai à l'occasion. Si le coeur vous en dit... Merci encore.
Merci pour ce reportage très intéressant. Le savoir-faire des artistes et artisans de cette époque est une chose qui mérite d'être admirée.
Des objets exceptionnels que nous pouvons admirer grâce à ce reportage.
A voir très certainement lors d'un passage à Paris
Merci Michel et bonne fin de soirée.
Adyne
Magnifique!!! Superbes illustrations et très belle visite guidée. Bravo!
Un immense merci pour ce billet, une raison supplémentaire pour un petit voyage à Paris qui je l'espère pourra se faire bientôt, l'avant-goût est extrèmement motivant!
Merci de ce partage si bien illustré
Amicalement
Jacqueline
Déplorable en effet, ainsi va le monde... Pour ma part, et même si j'ai une page facebook (2 amis, un vrai bolosse comme disent les jeunes !), je ne la consulte que très rarement et ne communique pas dessus (j'y mets toutefois parfois des liens pour des causes humanitaires, et que je juge dignes de foi). Merci pour votre avis élogieux pour mon billet destiné aux membres d'Arts et Lettres, c'est pour moi un réconfort et l'assurance de toucher des personnes, des amis avec qui j'ai des goûts et des valeurs en commun. Je n'utilise pas A&L comme vitrine (je n'ai rien à vendre, et je ne promeus pas cette exposition, qui m'a simplement intéressé et ébloui. J'essaye juste d'apporter de l'information et partager mes émotions. Merci Robert Paul. Bien amicalement à tous.
Tous mes remerciements à Michel Lansardière pour son magnifique billet.
Mais un nouvel élément intervient pour ternir la joie qu'offre cette communication: j'ai en effet publié le lien de ce billet sur mon compte facebook, et, pour la première fois est apparu un lien facebook "promouvoir", comme vous pouvez constater sur cette copie d'écran:
et quand je clique sur ce lien "promouvoir", voici qu'on me demande de payer pour cela:
copie d'écran (avec mon numéro de téléphone masqué):
Voilà, ce ne sont plus dorénavant des "essais" de facebook: c'est devenu une réalité qui va progressivement se déployer pour tous les membres de facebook: si vous désirez que votre lien ne soit plus vu que par une infime partie de vos amis comme c'était le cas jusqu'à présent, il vous faudra débourser monnaie sonnante et trébuchante pour que cela soir lisible par un plus grand nombre de vos amis.
Je rappelle avec insistance que sur arts et lettres, ce billet sera non seulement vu par les membres, mais également par tous les consultants extérieurs du réseau non membres. J'insiste sur le fait que plus de 100 000 pages du réseau sont consultées mensuellement par tous les visiteurs du site, membres et non membres.
Vous jugerez aisément qu'il est en train de se passer une mutation considérable en ce qui concerne la communication dans les réseaux sociaux.
Et bien, pour ce qui est de ma part, ce beau billet de Michel Lansardière sera visible par bon nombre de personnes et je demande expressément de donner votre avis sur cette précieuse communication.
Merci d'avance
Robert Paul
Merci pour vos appréciations. J'ajouterai ce week-end quelques photos et informations, notamment sur les mosaïques de pierres dures et autres objets de curiosité.