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Poète et romancier, Francis Jammes ne quittera jamais son Béarn natal, et il y trouvera les sources de son inspiration. Après des études à Bordeaux, il s'installe à Orthez auprès de sa mère ; travaillant comme clerc de notaire, il mène la vie paisible d'un provincial en harmonie avec la nature et les hommes. Il se promène dans la montagne, discute dans les salons et écrit des poèmes. Sans aucun artifice de style, il dit la vie quotidienne et les menus incidents qui en modulent le cours. Il publie quelques plaquettes que Mallarmé et Gide remarquent, et le Paris littéraire commence à s'intéresser à ce poète qui, au déclin du symbolisme, exprime son amour pour la vie et pour la nature, sans redouter d'être désuet et presque en affectant de l'être. En 1895, Gide publie dans le Mercure de France  son poème Un jour  et provoque la mode du «jammisme». Mais Jammes lui-même ne se laisse pas aller à la recherche de cet effet de simplicité où, à Paris, on voit son originalité. Et le recueil de ses vers, De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir  (1898), illustre surtout la liberté de son inspiration poétique. Il évoque son enfance, ses rêves d'aventure avec une ingénuité et une ironie insolites, il emprunte aux symbolistes le vers libre qui convient à son exubérance. Mais d'aucuns diraient que sa naïveté représente un parti pris d'enfantillage, que son vers-librisme est avant tout une prosodie complaisante. Cependant, le charme de ses premiers poèmes ne peut venir que d'une sincérité et d'une sensualité heureuses, sans qu'elles aient besoin de s'organiser en un art poétique de la gaucherie. Le Deuil des primevères  (1901) accentue parfois les aspects de ce lyrisme discret, au point que la gaieté semble quelque peu appuyée et narquoise.

Dans les nouvelles de cette période apparaissent d'ailleurs une préciosité et une mélancolie qui nuisent à la fraîcheur de son inspiration. A la suite de sa conversion, il trouve dans Clairière dans le ciel  (1906) plus de gravité pour exprimer sa foi. Sa vie intérieure n'aura jamais la profondeur ni l'originalité de celle des grands poètes chrétiens : Claudel, qui a obtenu sa conversion, ou Péguy. Les Géorgiques chrétiennes  répondent à un développement de sa foi, mais la constante présence de la terre et du monde paysan ne les sauve pas de la sécheresse et du didactisme. Il abandonne le vers libre au profit de l'alexandrin, forme classique pure, seule capable d'exprimer sa dévotion. Son sens de la musicalité et son plaisir des mots se retrouvent alors dans ses contes et récits en prose. Après la guerre, d'autres mouvements prennent le relais de l'avant-garde poétique, et les libertés de Jammes semblent alors bien modérées, d'autant plus qu'il s'érige à présent en censeur sévère des formes nouvelles. Le Livre des quatrains  (1923-1925), De tout temps à jamais  (1935) sont de longs poèmes narratifs écrits en décasyllabes, où se développe une sorte de dialogue avec la nature et avec un Dieu paternel et bienveillant ; ils n'évitent pas toujours la monotonie. Cependant, la fraîcheur et l'originalité de ses premières oeuvres leur gardent un charme certain.

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De l'angélus de l'aube à l' angélus du soir.

C'est le grand recueil de poèmes de Francis Jammes (1868-1938), publié en 1898. Le poète s'adresse à Dieu et lui confie les rêves les plus chers de son âme contemplative: il souffre, mais ne cesse d'aimer son créateur à travers les splendeurs de la nature. La vie des humbles, la vie de tous les jours est le sujet de son inspiration: elle cèle ses trésors au profane, mais les révèle à celui qui sait voir la vérité avec des yeux purs. Notre journée est une aventure qu'il faut considérer selon la foi divine: chaque geste s'insère dans la vie universelle et confère aux sentiments, aux aspirations, la certitude d'une réalité. Dieu seul peut nous donner la faculté de connaître la vie: dans la paix du monde, le plus sûr moyen d'y parvenir est la prière. Les voies du Seigneur sont parsemées de bienfaits: si l'homme sait approcher les choses de la création avec un coeur sincère,

il en connaîtra les secrets. Il est deux miracles quotidiens dans l'existence du chrétien: l' aube, si douce dans sa splendeur, si tendre sous les premiers rayons de soleil, et le crépuscule où le bleu du ciel fait place à la clarté lunaire et au silence de la nuit. Les fleurs, les plantes, les lacs, les prés, les glycines, les glaïeuls et les lilas exhaltent une douce mélancolie. Tout est miracle pour qui sait contempler les choses avec innocence: un simple animal ("J'aime l' âne..."), la pensée de la mort et le souvenir de la femme aimée ("Lorsque je serai mort..."), même la vue du logis et de ceux qui nous sont chers ("La maison

serait pleine de roses..."). Le poète évoque la rencontre d'une pauvre malade qui attend vainement un miracle ("J'allai à Lourdes"); il pense à des mots d'amour entendus ("Que je t'aime"); il admire la vie subtile de la nature qui, par une loi unique, transforme sans cesse toute chose ("Une feuille morte tombe..."). Bien d'autres poèmes révèlent toute la douceur élégiaque de Jammes; on trouve même une petite comédie symbolique, en vers, sur "La naissance" et "La mort du poète", cet être qui possède le don de comprendre l'univers. Ce recueil découle d'un seul motif: l'amour de la nature. Il éternise les thèmes poétiques de Francis Jammes et le caractère agreste de sa muse.

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PRIERE POUR ALLER AU PARADIS AVEC LES ANES

Lorsqu'il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites 
que ce soit par un jour où la campagne en fête 
poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas, 
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira, 
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles. 
Je prendrai mon bâton et sur la grande route 
j'irai, et je dirai aux ânes, mes amis : 
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis, 
car il n'y a pas d'enfer au pays du Bon Dieu. 
Je leur dirai : " Venez, doux amis du ciel bleu, 
pauvres bêtes chéries qui, d'un brusque mouvement d'oreille, 
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles." 
Que je Vous apparaisse au milieu de ces bêtes 
que j'aime tant parce qu'elles baissent la tête 
doucement, et s'arrêtent en joignant leurs petits pieds 
d'une façon bien douce et qui vous fait pitié. 
J'arriverai suivi de leurs milliers d'oreilles, 
suivi de ceux qui portent au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques 
ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bossués,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l'on met de petits pantalons
à cause des plaies bleues et suintantes que font
les mouches entêtées qui s'y groupent en ronds.
Mon Dieu, faites qu'avec ces ânes je Vous vienne.
Faites que, dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
qui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l'amour éternel.
 

 

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Commentaires

  • A la "Prière pour aller au paradis avec les ânes", par trop naïf, je préfère celle dont Michel cite un extrait, mis en musique par Brassens (je crois) et dont j'ai retenu le début :

    Par le petit garçon qui meurt près de sa mère

    Tandis que les enfants s'amusent au parterre

    Et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment

    Son aile tout à coup s'ensanglante et descend,

    Par la soif et la faim et le délire ardent

                                Je vous salue  Marie.

    Quelqu'un d'autre pourra peut-être compléter.

  • Par le gosses battus par l'ivrogne qui rentre,

    par l'âne qui reçoit des coups de pied au ventre,

    par l'humiliation de l'innocent châtié,

    par la vierge vendue qu'on a déshabillée,

    par le fils dont la mère a été insultée :

    Je vous salue Marie.

    Les mystères douloureux, extrait,

    Francis Jammes.

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