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Du bonheur d'être mortel

La conscience de notre mortalité donne tout son sens à la vie, elle participe pour ainsi dire de son essence.
La pressentent bien aussi, ceux qui se refusent pourtant à concevoir l’idée de la mort, qui tentent de fuir leur vie durant et jusqu’aux derniers instants cette ombre qui les accompagne discrètement tout au long de leur route quoiqu’ils fassent, cette finitude inéluctable, seule certitude qu’ils partagent tous dans l’avenir.
Toute pensée de soi n’est-elle pas une pensée de soi en tant que mortel ?
« On ne cesse de penser à la mort qu’en cessant de penser » … (Marcel Conche, La mort et la pensée). « L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort mais de la vie »… (Spinoza, L’Ethique).
La conviction de notre mortalité est inscrite en filigrane dans l’exigence qu’on ressent à accomplir des actions, dans les projets, les priorités qu’on se fixe, dans les attitudes qu’on adopte envers soi-même ou autrui, dans le questionnement même de savoir où l’on va.
Ce qui caractérise peut-être le plus la vie humaine, c’est le pouvoir des choix innombrables que l’on doit arrêter tout au long de l’existence. La vie entière apparaît comme un foisonnement, une arborescence de possibles dont les rameaux de plus en plus touffus s’emmêlent aux caprices du hasard.
Parmi toutes les voies qui s’offrent à nous, nos choix nous engagent sur celle qui accomplira le plus souvent notre destinée. On ne peut retourner en arrière, défaire ce qui a été…
Quel sens pourrais-je donner à ma vie si j’étais immortelle ? Qu’importerait alors, si je ne fais rien, ou mal, si je me trompe, puisque j’aurais de toute manière l’éternité -ce qui peut vouloir dire jamais- pour tout refaire, construire enfin quelque chose, être moi en mieux ?
Plus rien n’aurait vraiment de valeur. La liberté même n’aurait plus aucune signification puisqu’on disposerait d’un temps illimité pour s’engager dans une infinitude d’autres chemins.
Comment jouirait-on de l’instant présent, quel serait le sens d’une suite indéfinie de plaisirs ou de résolutions qu’on n’aurait jamais à choisir, auxquels il ne faudrait jamais renoncer, que voudrait dire encore vouloir, désirer ?
Tout serait futile, vain, sans importance.
La conscience d’être mortel est une incitation, dans une certaine urgence, à vivre, créer, agir, ne pas se gaspiller, à tenter d’accroître son savoir, à perfectionner son être tant qu’il est temps, se hâter à se dépasser un peu…
Ce qui donne son sens, sa valeur à la vie, c’est qu’elle est un tout avec un début et une fin, c’est qu’elle parvienne à son accomplissement, entre la naissance et la mort.
Ce que je crains, ce n’est pas tant l’état de mort, ce rien que nous ne ressentirons de toute façon pas, que le passage vers ce néant.
Il y a bien des manières de mourir et c’est plutôt la perspective de la douleur, fréquente avant-coureuse du trépas, qui rebute et désespère.
Mais ce qui est finalement le plus douloureux, c’est la mort de ceux qui me sont chers, et aussi, lorsque j’envisage ma propre disparition, la peine que j’infligerai à quelques personnes, celles dont justement le bonheur m’importe le plus.
Mais en dépit de toutes les souffrances et incertitudes inséparables de notre grand saut dans l’inconnu, je pense, avec soulagement, qu’il ne faut en aucun cas regretter d’être mortel.
L’idée d’immortalité m’apparaît comme un abîme, une éternité angoissante de vide et d’ennui où on se consumerait sans jamais disparaître tout à fait.
Un fardeau en fin de compte bien lourd à porter, non?

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Commentaires

  • Merci Adyne pour ton avis et tous nos partages,amities
  • Bonsoir Martine,

    Effectivement, je n'ai jamais pensé à cette hypothèse, mais très juste conclusion!

    Merci pour ce partage.

    Amitiés.

    Adyne

  • Merci chère Marcelle
  • Belle réflexion.

    J'adhère !

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