Une critique de Stéphanie Bocart.

Un appartement modeste, avec son phonographe posé sur le manteau de cheminée, son petit salon et son escalier de secours qui donne sur les gratte-ciel de Saint-Louis. Nous sommes en 1937, dans le Missouri (sud des États-Unis). Amanda Wingfield (Patricia Ide) y vit avec ses deux enfants, Tom (William Clobus) et Laura (Sarah Lefèvre). Comme pour se rappeler la source de leurs difficultés, trône, en grand, le portrait d’un homme  : le mari, le père, “un employé du téléphone, amoureux des longues distances”, qui les a abandonnés. Alors, depuis, c’est la galère pour joindre les deux bouts.

Si Tennessee Williams a écrit La ménagerie de verre en 1944, sa pièce demeure plus que jamais d’actualité  : comment survivre quand on est un parent seul, sans emploi, avec deux jeunes adultes sous son toit  ?

Servi par un texte brillant et limpide (traduit par Isabelle Famchon), Thibaut Nève propose avec tact et justesse une mise en scène entre ombre et lumière, désespoir et rêve, nostalgie du passé et espoir d’un avenir meilleur, gravité et humour, réalité et insouciance, solitude et amour. L’élégante scénographie signée Vincent Bresmal permet au spectateur de ressentir la détresse profonde de cette famille ordinaire qui, sur fond des prémices de la Seconde Guerre mondiale, cherche par tous les moyens à échapper à son quotidien de misère.

Il y a d’abord la mère, Amanda, nostalgique du passé sudiste et angoissée à l’idée que son fils Tom, sur qui elle a “tout misé”, ne flanche et ne s’engage sur les traces de son père. Tom, lui, employé à la fabrique de chaussures pour 65 $ par mois, noie tous les soirs son ennui “au cinéma” et ne rêve que de quitter son “trou à rat”. Quant à sa sœur, Laura, jeune infirme et d’une timidité maladive, elle vit recluse dans l’appartement à écouter des disques et collectionner des bouts de verre pour constituer sa “ménagerie de verre”. Désespérée de ne pas voir un avenir se dessiner pour sa fille, Amanda se met en tête de lui dénicher un galant. Arrive Jim O’Connor (Louis Sylvestrie), jeune homme à l’esprit visionnaire et décomplexé…

À l’heure des gilets jaunes, ce portrait de famille fait d’autant plus sens et ne peut qu’inciter à prendre conscience que la précarité peut, à tout moment, frapper à toutes les portes.

Bruxelles, Le Public, jusqu’au 31 décembre. Infos et rés.  : 0800.944.44. - www.theatrelepublic.be