Donné à La Clarencière, en route vers Avignon, 2018
"La Grande Veuve", un spectacle minéral: dur et brillant. Rien à voir avec la Guillotine ou une cuvée de champagne. C'est ainsi que Thomas Mann appelait Alma Mahler, née Schindler à Vienne le 31 août 1879 et morte à New York le 11 décembre 1964. Une artiste peintre et compositrice surnomée « La Fiancée du vent» par Kokoshka ! Sans doute pas celle d’une brise légère mais celle d’un vent de rafales amoureuses violentes et passionnelles. Elle est AEIOU ... Ambitieuse, Égocentrique, Insoumise, Orgueilleuse, Utile… à la cause des femmes mais décrite par ses contemporains avec une bonne dose de fiel.
Sculpturale, intelligente, indépendante d'esprit, Alma est courtisée par le Tout-Vienne et devient successivement l'épouse du compositeur Gustav Mahler, de l'architecte Walter Gropius et du romancier Franz Werfel. Ses relations de couple sont truffées d’infidélités conjugales tumultueuses qui lui donnent l’espoir de compenser ses propres aspirations artistiques en musique et en peinture qu’elle s’est vue forcée d’abandonner en vertu du mariage. Alcoolique en plus ! Pour faire « homme ? » Comme Georges Sand et son cigare ? L’époque nie la femme et négocie la féminité comme valeur marchande mais Alma est ravageuse.
En 2018, c’est un homme - Jean-Claude Humbert - qui la joue, ainsi que la valse des noms prestigieux de ses amants: Gustav Klimt, Kokoschka… dont elles aime les étreintes et la soumission. Signe des temps ? C’est un homme encore, le même Jean-Claude Humbert, qui a écrit et composé cette biographie passionnée de "La Grande Veuve". Signe de nouvelle sensibilité? Signe que les rôles deviennent interchangeables? Que l’art est le ferment qui change les époques?
Et la voix, qui chante les lieder qui interceptent les maux et la couleur des mots, c’est celle de la mezzo Sophie de Tillesse en robe de paillettes noires et les yeux en étoiles, très présente, douée d'une remarquable diction et dotée d' belle puissance vocale. Tour à tour, bucolique, romantique, ingénue bien sûr, et aussi impressionnante avec sa tessiture large et impérialement gérée, qu’ait pu l’être le personnage d’Alma Mahler, la croqueuse d’hommes à qui on a intimé de privilégier sa « vie sociale » et au diable « la compositrice »! Parfois, réfugiée dans ses fantasmes ou fascinée, le regard tourné vers l’intérieur des douleurs.
Bref, la théâtralité et la connivence bien réglée des deux comédiens ont de quoi épater. Comédiens? puisque le masculin que l'on prétend neutre l’emporte, ainsi le veut la grammaire! Le spectacle bien ficelé invite au voyage dans univers de la musique et du romantisme allemand et appelle à la rencontre des artistes d'une époque bouleversante de créativité et de changements, mais révolue. Éprouve-ton une certaine noces-talgie pour le Sehnsucht allemand, un creuset infaillible d'émotions? Sûrement. … Face à notre époque délirante de consommation sans transmission… voici une belle ivresse où la musique et les planches font excellent ménage.
Mise en scène : Daniela de La Hoz Production : Théâtre Hall - Genève.
Texte original: Jean-Claude Humbert
- Du 25/04/2018 au 28/04/2018
- Théâtre de la Clarencière
Rue du Belvédère, 20
1050 Ixelles - Bruxelles - Belgique - http://leverbefou.fr ; Avignon
- Phone : 02-640.46.70.
- Website : http://www.laclarenciere.be.
- Email : fabienne.govaerts@skynet.be.
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