Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

Destination ailleurs.

On est souvent l’ailleurs de quelqu’un, d’un être cher, d’un ami qui nous a quitté, d’un endroit solennel où l’on a vécu de grands moments de sa vie. Un ailleurs où l'on a grandi et fait des efforts titanesques pour arriver enfin à être adulte.

Adulte comme le revenant d’une guerre intérieure, la peur au ventre, les yeux mouillés, le rouge aux joues mais enfin libre dans sa tête. L’amour nous attend, plein de promesses et de moments inoubliables. Il frappe à la porte à la nuit et à nos sens. Il nous appelle si fort qu’on en oublierait presque notre destination.

On se souvient surtout de cette porte cochère qui abritait nos premiers émois. L'ailleurs est une fin où la pénombre entoile les lieux et où les méandres du bonheur cherchent en vain nos ébats platoniques. Combien de fois n’y sommes-nous pas retournés en pensée, en rêve dans ces endroits.

Consommer sans regret, ni remord ce bonheur trouvé. Le boire, le manger à pleine bouche. En remplir ses poches, ses paumes. Le laisser nous envahir et glisser délicatement le long de notre corps de peur ne n’en avoir jamais assez. Le goûter aux milles goûts, aux milles saveurs, le mordre enfin et l’aimer toujours.

Parfois aussi, adulte comme le revenant d’une bataille perdue, laisser sur place les peines et les chagrins d’une histoire trop vite passée. Se charger de nos chimères. Ne pas abandonner nos pardons afin d’arriver comme nous sommes de chair et de sang dans un ailleurs d’une plénitude conquise de tout notre être. Oublier les jours plein de tristesses, livrés à soi-même le cœur aux bords des larmes.

Ce matin, je pars. Je pars encombré de valises, de sacs, de souvenirs qui ne me retiennent plus ici, qui ne m’intéressent plus. Je pars fatigué vers un ailleurs qui ne m’attend pas encore. Je rêve pourtant qu’il sera meilleur. Ailleurs si souvent convoité, désiré, aspiré et plus abandonné sur une étagère poussiéreuse avec les documentations envahissantes de tout et de rien. Je pars découvrir la vie qui me colle à la peau et que mes frêles épaules ne portent plus que par intermittence à force de renoncements, d’exigences sans lendemain, d’amours déçus. Partir vers un ailleurs meilleur et ne plus se retourner, ne plus regarder derrière soi. Aller toujours de l’avant. Trouver cet ailleurs chéri.

Surgir in extrémiste dans l’ailleurs des autres. Se trouver une petite place en tant que nouvel arrivant, être humble, sage dans une richesse humaine et culturelle autre.  Se sentir étranger. S’ébrouer dans ce lieu où mon étonnant voyage m’a mené pour découvrir ce monde rêvé. Ressentir les éclaboussures de soleil sur ma peau et voir ces mirages chamarrés au loin, entre ciel et terre, entre ciel et sable. Regarder tout azimut pour mieux comprendre la réalité et me confondre à mon passé. Quelle délectation d’être au milieu de mioches courant et jouant gaiement, s’émerveillant de tant de beauté nue.

Oreilles peu habituées à la frilosité ambiante sont vite remplies de cacophonies et de fêtes homériques. Cet ailleurs assis prés d’un olivier séculaire est vite secoué de soubresaut et se transforme en boutade laconique.

Destination ailleurs semble parfois un paradis pour ces hommes et ces femmes qui vivent, de grandes misères, de tolérance en transe, de guerres révolues, les affres d’une vie qui se font sentir plus cruellement encore. Ceux qui, de pays lointains, paient de leur vie leurs rêves de liberté pour un ailleurs meilleur. Ceux qui s’agglutinent aux frontières et qui sont refoulés brutalement ou ramenés chez eux comme des bêtes. Ailleurs d’une misère froide, de litanies funestes affligeantes où l’odeur pestilentielle retourne les tripes, où des chèvres squelettiques se morfondent auprès d’hommes décharnés. Ailleurs d’une apocalypse dévorante de vie et de mort, faramineuse, pharaonique sous les yeux d’hommes où la grisaille démythifie les pensées les plus attristantes.

Ailleurs où les hirondelles dentèlent les fils électriques avec délectation et s’ébrouent eux aussi dans un ciel plus que bleu. Où les hommes ont les yeux d’un noir minéral, limpide comme la logique qui les habite, la fatalité d’être pauvre.

Ailleurs de guerre fratricide où les hommes sont chassés de leur terre et doivent rassembler une vie de plusieurs générations dans des sacs de misère entassés à même le sol avec par dessus femme et enfants. Terre familiale qui a vu couler la sueur des hommes et des femmes et qui a donné au fil du temps des vallons gorgés de vie. Les voici assis sur le rebord d’un quai, laissant leur présent à d’autres et en partance pour un ailleurs courroucé et blême. Ignorant le jour de leur retour et sachant au fond d’eux-mêmes qu’ils ne reviendront jamais. Quitter ce qui a fait leur vie, cette douceur de vivre pour un ailleurs gris et sans espoir.

Espoir aussi d’un petit garçon sur son lit d’hôpital et qui vit sa vie finissante avec beaucoup de courage. Qui s’invente des histoires à sa mesure et où une heure, un jour est la vie. Sa dernière destination est là, et il doit la vivre comblant chaque seconde. Partager encore un peu avec ceux que la vie a réunis et où seules les fenêtres donnent sur le monde. N’avoir pas eu le choix de sa destinée et n’avoir pas eu le temps nécessaire de choisir un ailleurs loin de cet endroit clos.

Ailleurs pour les parents criant leurs chagrins, leurs tristesses, leurs colères, leurs incompréhensions avant d’accepter ce malheur. Ils resteront dans le souvenir d’une vie qui aurait pu être tout autre.

Mais une destination ailleurs où la vérité nous venge de toutes les autres et où il y a une fin à toute chose et où aucun malheur n’est éternel. Ailleurs sans condition, débarrassé d’époustouflantes pérégrinations de la vie où enfin on trouve le repos. Où les larmes se transforment en buée et où les chagrins et les peines ont muté en effluve pour laisser place à l’éternité ou au néant.

Ailleurs de paix, de repos où l’esprit rebelle est enfin libéré de ce corps lourd à porter et vieillissant. On s’assoupit dans une sérénité bienveillante avec l’espoir qu’enfin tout soit fini.

Envoyez-moi un e-mail lorsque des commentaires sont laissés –

Vous devez être membre de Arts et Lettres pour ajouter des commentaires !

Join Arts et Lettres

Commentaires

  • Merci Laurence pour votre passage et merci à Yvette de commenter mon texte

    Amicalement 

    Josette

  • Merci Laurence,

    En effet, pour ne jamais perdre espoir...

    Amitiés,

  • merci Marcelle. amicalement josette

  • Un beau texte, une réflexion sensible sur cette destination ailleurs ...

  • merci Yvette. Pareil pour ton texte..C'est partie remise

    amicalement

    Josette

  • Je vois que nous avons participé au même concours... Ma destination n'a pas été retenue. Je suppose que la tienne non plus. 

    Deux versions différentes avec un seul même but: le bonheur... avec deux visions différentes de ce qu'il pourrait être.

    J'ai beaucoup aimé, Josette.

    Bonne journée,

    Yvette

  • Merci de votre visite, cela me fait plaisir de votre lecture et appréciation.

    amicalement

    Josette

  • Poignant et magnifique texte!

  • merci Adyne.

    Amicalement  josette

  • Bel et complet exposé sur" Destination ailleurs" Très bien pensé! Félicitations Josette!

    Merci pour ce partage.

    Amicalement.

    Adyne

This reply was deleted.

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles