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Des « OGM » ou l’hybridation débridée

De l’Informel par le Surréalisme

                                                  

               Présenter un travail artistique qui s’est construit à la fois en dehors de toute pratique reconnue et de tout tropisme d’avant-garde, n’est pas chose aisée, mais c’est aussi ce qui  en fait la singularité, sinon la pertinence…

               Bien sûr, quelques aspects de ce travail entrent en résonnance avec certains pôles de l’art moderne et contemporain (par exemple celui de l’art informel mais aussi celui de Marcel Duchamp… qui est d’ailleurs presque toujours assimilé de manière expéditive à ses ready-made, alors que sa contribution au renouvellement de l’Art pourrait être tellement plus fertile), mais à aucun moment ils n’ont fait l’objet de choix préalables à ma recherche : ils se sont signalés à mon questionnement comme des révélations fraternelles. A présent, ils peuvent s’envisager à la manière d’un inventaire a posteriori, même si à l’évidence, mon inclination naturelle de jeunesse m’avait entraîné du côté de l’image surréaliste, d’abord écrite puis visuelle grâce à Ernst, Dali et Magritte.

               Ma créativité actuelle s’apparente aux impulsions de l’Action Painting mais, ma gestuelle étant exclusivement digitale (au sens propre), adaptée à un espace qui n’excède guère la surface d’une carte de visite, il m’est très difficile d’en faire une référence à part entière. Il faudrait sans doute chercher davantage du côté du dessin automatique dans la lignée de Masson, Tanguy voire du cycle de  l’Hourloupe mais, bien que je l’aie enseigné (après l’avoir longtemps pratiqué), les conditions d’élaboration d’un « monotypon » ne peuvent être comparées à celles qui déterminent le tracé en contours propre à ce genre de graphisme.

               Certes des apparences issues d’une conjugaison de textures demeurent sur le support de  réception des substances, mais elles sont souvent instables et génèrent par conséquent un potentiel supplémentaire d’aléatoire… qu’il s’agit ensuite d’interpréter.

               Certes la main intervient, ou plus exactement la motricité « hyperfine » des doigts, mais ce n’est pas « la main inspirée », ni la main affirmant son style ou sa « patte », c’est une main libérée de toute intention narrative, une main qui se moque de tout antagonisme entre figuration et abstraction mais qui cherche plutôt à capter l’invisible, à tendre des pièges aux forces de l’Esprit à la manière d’un médium. En cela, je me sens assez proche de l’attention que les voyants portent à la préparation d’une matière qui doit servir à témoigner et présager d’un destin.

                              Ce n’est donc ni de la peinture ni de la photographie, encore moins de l’art numérique pur (qui n’engendre que les potentialités contenues dans les algorithmes de ses programmes) mais c’est un peu la « trans-fusion » de tout cela : il faudra par conséquent cocher la case « autre » sur le formulaire  annuel d’identification des plasticiens, parce qu’il s’agit d’une composition d’artefacts, par nature hybrides, produisant des « œuvres ouvertes », dont les titres fonctionnent plutôt comme des indications « sur la route de l’aventure mentale »…

               Au départ, il y avait eu seulement en 1979, la rencontre entre la flamme d’un briquet et un film photographique, acte pyromaniaque primaire, assez hasardeux en soi, mais dont la pratique assidue se révéla capable de métamorphoser d’obscures diapositives en matière « plastique », à quoi s’ajouta cette alchimie d’apprenti-voyant, destinée à conjuguer  les effets aléatoires de substances sur une surface à peine plus grande qu’un timbre-poste….

 A la projection, ces transparences s’éclairaient comme des vitraux, et dévoilaient une  « pro-fusion » de figures qui semblaient émerger d’un Lascaux surréel,  révélant à perte de vue un univers d’outre-rétine pour lequel les regardeurs  devaient mobiliser leurs capacités à produire en eux une imagerie de l’étrange. Mais, en 1980, les techniques de reproduction analogiques ne permettaient pas encore de capter cette trans-figuration sauvage, qui allait devoir attendre la révolution informatique…

Trente-cinq ans plus tard, avec la numérisation digitale, c’est un peu comme si « Hubble » avait remplacé la lunette de Galilée… Les possibilités d’interprétation d’une même image et de son enregistrement sous forme de fichier de haute densité, ouvrent la voie à toutes les fantaisies et débrident littéralement les potentialités plastiques d’une trace (qui n’est jamais le fruit informatique engendrée par l’ordinateur, mais qui utilise celui-ci pour amplifier ses possibilités).

Ici, rien n’a été prémédité, aucune vision n’a été représentée,  aucune figure n’a été « figurée » car les traces laissées à la surface ne sont qu’une manière de « dessiner sur le hasard », selon la formule de Duchamp. Et c’est bien ce qui caractérise la vraie richesse de ce type d’œuvre informelle, presque « génétiquement modifiée » par sa numérisation (OGM) : offrir à celui qui en est le récepteur une authentique liberté de perception, vérifiant ainsi sa célèbre formule du «regardeur qui fait autant le tableau que l’artiste ».

               Dans cette perspective, la jouissance mentale de l’œuvre s’acquiert par l’invention renouvelée d’une scène ou d’un visage, qui doit à chaque regard reprendre corps dans l’esprit : c’est ainsi qu’il y a une véritable activité cérébrale chez le regardeur et non pas seulement la consommation superficielle de la mise en scène d’un pseudo commentaire, qui n’est trop souvent « conceptuelle » que du côté de l’artiste….

               C’est en cela que l’appropriation de l’œuvre est avant tout une expérience qui réconcilie un plaisir émotionnel (lié à une séduction plastique) avec une « inquiétude métaphysique ».

 

 

                                                                     D. Jonhière artiste digital

                                                                     Juin 2015

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