Les "Lettres à un jeune poète" (1929), qui peuvent être comptées parmi les plus belles oeuvres de Rilke, forment une sorte de "guide spirituel" d'une valeur inestimable. Répondant à son jeune correspondant, Rilke ne traitera dans ces lettres que de questions essentielles, celles-là même que connaît inévitablement tout poète et, plus généralement, tout être dont la vocation est de créer. Une affirmation centrale, sur laquelle Rilke ne cesse de revenir, confère à ces lettres une étrange gravité: à savoir que nous devons sous abandonner sans réserve à cette nécessaire solitude que nous découvrons en nous-mêmes, car c'est d'elle que jaillit toute clarté. En effet, il n'est d'autre certitude que cette réalité première, et rien de ce que nous entreprenons ne sera promu à un avenir durable, si nous ne l'avons tout d'abord éprouvé en ce lieu retiré de nous-mêmes que n'atteignent point les bruits du monde.
Etes-vous poète? Interrogez-vous sur les mobiles qui vous poussent à écire; déterminez avant toute autre chose s'ils sont d'une importance absolument vitale pour vous; "Etre artiste... c'est croire comme l'arbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant aux grands vents du printemps, sans craindre que l' été puisse ne pas venir. L'été vient. Mais il ne vient que pour ceux qui savent attendre". On mesurera l'importance de ces phrases, si l'on se souvient qu'elles sont le fait du poète des "Elégies de Duino", ces élégies dont il désespéra de venir à bout et qu'"une étrange puissance" lui dicta soudain, en moins de quelques jours. Mais comment ne pas affirmer, parallèlement à cet ordre profond de la solitude, cette autre loi qui nous gouverne: celle de l' amour. Et c'est tout naturellement que Rilke passe du problème de l' art à celui de la sexualité. Comme Platon l'avait déjà fait dans le "Banquet", Rilke reconnaît une égale valeur à la fécondité de la chair et à celle de l'esprit; leur origine est la même; la volupté de la chair ne nous offre-t-elle pas une connaissance illimitée, totale, une prise de possession de l'univers tout entier. "En une seule pensée créatrice, revivent mille nuits d'amour oubliées qui font la grandeur et le sublime". L' amour est connaissance et si, pour l'homme, engendrer est une manière d'enfanter, n'est-ce pas enfanter que de "créer de sa plus intime plénitude"? Estimant que les sexes sont plus parents l'un de l'autre qu'on ne le pense généralement, Rilke développe ici cette idée, qui sera appelée à tenir tant de place, par la suite, dans son oeuvre, et qui constitue à penser que le renouvellement du monde sera le fait d'une attitude nouvelle de l'homme en face de la femme: pour lui, l'un et l'autre, oubliant leurs erreurs, ne se rechercheront plus pour s'opposer, mais uniront leurs solitudes, conservant ce respect mutuel, cette distance nécesaire à un développement parallèle de tout leur être. Dans les dernières lettres, Rilke revient avec une insistance accrue, sur cette notion de solitude que le poète, plus que tout autre, se doit de préserver intacte (lettre VIII notamment). Certes, la solitude n'est pas sans faire lever en nous un cortège de tristesse, mais pourquoi s'effrayer? Nos regards porteraient-ils au-delà des limites de la connaissance, peut-être alors percevrions-nous que ces tristesses sont comme des "aubes nouvelles" "où l'inconnu nous visite". Et le poète, parvenu au seuil de ce monde mystérieux, d'abandonner son correspondant à lui-même. Il apparaît donc que se dessinent tout au long de ces "Lettres", comme en filigrane, la plupart des thèmes qui formeront les "Elégies de Duino" ou les "Sonnets à Orphée"; à ce titre, les "Lettres à un jeune poète" sont peut-être la meilleure introduction à l'oeuvre poétique de Rilke.
Commentaires
Pour pouvoir éclaircir les propos de ce beau texte, que je trouve qu’il a un aspect en même temps lettéraire, poétique, et philosophique, mais aussi bien structuré, je vais essayer de le traiter par une sorte d’approche, que j’espère bien qu’elle pourra toucher son âme, en essayant bien sûr de marquer, ces grands axes fondamentaux.
Premièrement, ce texte parle de deux sujets, différents.
Le premier sujet, traite la question de la poésie, ses conditions de naissance, la nature du poète, son état interne, et sa relation avec le milieu extérieur (le monde).
"Réalité première" :
"Solitude" (Lieu retiré du soi → Loin des bruits du monde),
→ Clarté,
→ Avenir durable (Pour la poésie).
"Deuxième Réalité" :
Être poète :
Avoir un mobile d’une grande importance (Absolument vitale),
→ Ecrire de la poésie.
"Troisième Réalité" :
Ecrire la poésie → Avoir de la patience (Attendre le bon moment).
A mon avis, c’est vrai. Ce sont les bases fondamentaux pour écrire de la poésie est pour être un poète.
Le deuxième sujet, traite le thème de la Liberté de la Femme, est surtout au début du 20ème siècle (1929):
« …Les sexes sont plus parents l'un de l'autre qu'on ne le pense généralement »,
« …Le renouvellement du monde sera le fait d'une attitude nouvelle de l'homme en face de la femme: pour lui, l'un et l'autre, oubliant leurs erreurs, ne se rechercheront plus pour s'opposer, mais uniront leurs solitudes, conservant ce respect mutuel, cette distance nécessaire à un développement parallèle de tout leur être. ».
Oui, je trouve que c’est un grand courage, de traiter le sujet de la liberté de la femme à cette époque là, car il y avait encore une grande résistance au vote de la femme, et aussi à la présentation aux élections. Mais le poète Rilke a su traiter le sujet de sa propre façon, qu’on peut dire, qui est intelligente, mais aussi dissimulé. Bravo !
En vérité, la relation faite entre la "solitude" interne et l’amour, n’été qu’un alibi pour traiter le sujet de la liberté de la femme, car autre que l’amour, il y a d’autres sentiments qui poussent le poète à écrire de la poésie (la position, la haine, le souci, le mépris…).
Ma contribution dans ce sujet concernant le poète et la poésie sera par mes interventions dans d’autres lieux dans ce beau réseau. Mais avec une légère modification dans le sens di dialogue, pour garder la cohérence du texte :
«Le vrai poète, c’est celui qui possède et contrôle bien, la selle de la langue. Cherche les vérités perdues, et nage dans leurs univers. Cueillit les plus belles d’entre elles, et les présentes au lecteur. C’est une lettre qui se transmet du cœur au cœur ». (1)
«…Le sentiment (l’amour par exemple…), est très lié à l’Art, et à l’expression artistique…
c’est un sentiment de "Besoin". Un besoin de s’exprimer, de dire ce qu’on veut dire, et de vider cette quelque chose qui est en nous. Elle nous chatouille, elle nous guette, et elle nous pousse à perdre, la notion du temps et du lieu, là où on se trouve. Tout l’entourage, devient étrange, invisible…
"Un état d’âme", oui aussi. Mais à une légère différence, du point du vue, l’angle de vision.
Cet état d’âme, représente, un ensemble de sensations, et de sentiments, qui s’interpellent, les unes aux autres, elles se frôlent.
Le résultat de tout ça, et bien sur, ce sentiment de "Besoin",... Il met en état d’enclos, tous les autres sentiments, et il nous nous quitte, que si on vide notre petit trésor. Et c’est à ce moment là que vient l’expression artistique (Ou d’autres genres d’expression, Poésie par exemple…). ». (2)
« Lorsque l’inspiration poétique arrive, alors « on » doit lâcher les "manettes", pour laisser place à la création libre, sans freinage nuisible, qui peut frôler l’âme du texte poétique. Mais après la naissance du texte, de petites rectifications finales, peuvent se faire, mais sans dénaturer le texte original. Et cela doit se faire, au moment ou l’inspiration poétique est toujours présente. Si non, « on » doit laisser le texte à une autre occasion, lorsque l’inspiration poétique se présente. Alors dans ce cas, « on » pourra faire les rectifications nécessaires. ». (3)
Merci pour le sujet.
Amicalement,
Abdeslem Sbibi
Source :
(1) : Voir le groupe « Le Testament des Poètes »
Créé par Mr Robert Paul
Commentaire par Abdeslem SBIBI le 11 Mars 2010 à 4 48
(2) : Sujet de discussion :"Art et Sentiments...Quelle relation..?!"
Publié par Abdeslem SBIBI le 6 Mars 2010 à 4 33 dans la catégorie Les Arts et Lettres
Réponse de Abdeslem SBIBI le 12 Mars 2010 à 1 08
(3) : Voir le groupe « Le Testament des Poètes »
Créé par Robert Paul
Commentaire par Abdeslem SBIBI le 11 Mars 2010 à 4 48