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Déconstructivisme

A l’heure du coucher, visage figé sous l’insulte encaissée sans broncher. Dans le sommeil, fendillements. Draps défaits du petit matin. Traits reconstitués avec patience, morceau par morceau, à la colle repositionnable.

Se refaire une tête, une autre. Battre les cartes, les redistribuer. Fragmenter l’ancien visage en mille facettes mouvantes et moirées.

Reconstruire au hasard : l’œil écoute, la bouche regarde et une oreille se fait langue pour mieux circonvenir les attentes de l’autre. Des cheveux plein la voix, discours tissé de scories, lapsi et zézaiements, pour la plus grande incompréhension de ceux qui, de toute manière, n’écoutent jamais rien.

Mitose, méiose, les mots se subdivisent, les syllabes prolifèrent, s’engrossent mutuellement. Sens seconds et sourds-entendus. Sabir et charabia, qui par hasard passaient par là, entreprirent un jour de construire une tour, à l’aide de langues de bois. Tenons et mortaises, dictons et foutaises, le grand colloque international s’y tient tous les dimanches entre hoquet et colique, à deux heures du matin.

La vestale en robe blanche, aux yeux cernés par des nuits sans soleil, ne cesse de ranimer les flammes défaillantes d’une pentecôte prolongée au-delà de toute décence. C’est à la lueur des bougies que les visages se décomposent pour de bon. Dans le public, Francis Bacon jubile et son menton tremblote avant de se répandre en gélatine rosâtre sur son plastron. Autour de lui, les gens s’efforcent de faire bonne figure sans trop perdre la face. En vain. Les joues s’affaissent et les sourires hypocrites se désagrègent aux avant-postes des assentiments convenus.

Dieu rallume le feu sous le chaudron de la bouillie primordiale. En matière de création, tout est toujours à recommencer.

Josiane Hubert.

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Commentaires

  • Faire bonne figure... Perdre la face... 

    Le chacun pour soi... personne n'écoute personne... Des mots forts pour décrire la plupart des assemblées qui n'ont d'importance que celle qu'on veut bien leur donner. Surtout aux petites heures...

  • Le hasard m'a fait découvrir ce texte écorché à vif et où plus d'une se reconnaitrait. Faire bonne figure sans trop perdre la face jusqu'au moment où tout vole en éclats sous l'insoutenable pesanteur des mots.

     Face à face avec ceux qui, de toute manière n'écoutent jamais rien, perdus qu'ils sont, repliés qu'ils sont dans leurs propres magmas.

    Merci pour cette reconnaissance de dialogues de sourds où nous nous enlisons. C'est magnifique. 

     

     

  • Merci, Carl. Cela fait longtemps que je ne suis pas venue sur le site, si bien que je découvre seulement maintenant ton commentaire tellement élogieux. J'en suis très touchée et heureuse que le texte t'ait plu !
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