Collegium Vocale Gent
Philippe Herreweghe direction - Dorothee Mields soprano - Damien Guillon alto - Thomas Hobbs ténor - Peter Kooij basse - Collegium Vocale Gent
Johann Sebastian Bach Cantate BWV73, Cantate "Herr, wie du willt, so schicks mit mir", Johann Schelle “Komm, Jesu, Komm”, Cantate BWV 44 "Sie werden euch in den Bann tun", Cantate BWV 48 "Ich elender Mensch, wer wird mich erlösen", Cantate BWV 109 "Ich glaube, lieber Herr, hilf meinem Unglauben"
Dès son entrée en fonction à Leipzig en 1723, Bach se lance dans sa tâche principale : fournir pour chaque dimanche et jours de fête une cantate…c’est-à-dire environ 300 œuvres dont à peine 200 nous sont parvenues. Les œuvres vocales programmées pour ce concert datent de son entrée en fonction. Bach parvient toujours à combiner sa virtuosité d’écriture à une richesse de couleur instrumentale. Pur, beau, envoûtant !
Après l’Oratorio de Noël au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles qui avait soulevé l’enthousiasme ce 20 décembre dernier, voici que le Collegium Vocale Gent toujours dirigé par Philippe Herreweghe est de retour sur la scène de la salle Henry le Bœuf. Douze solistes entremêlent leur voix pour interpréter quatre cantates de Bach et un motet de Johann Schelle. Les quatre solistes principaux sont prestigieux et viennent des quatre coins de l’Europe. Dorothée Mields, la soprano allemande spécialisée dans la musique du 17 et 18e siècle, nous revient avec une voix aussi radieuse que juvénile. Un timbre inoubliable et une émotion transparente animent chaque cantate du programme. C’est aussi Damien Guillon, un des contre-ténors les plus talentueux de notre époque, qui apporte sa palette particulière pour transmettre l’esprit de la musique baroque. Il a débuté son apprentissage musical en 1989 à la Maîtrise de Bretagne. Nourri très jeune du travail qui a été fait par William Christie et Philippe Herreweghe sur la musique ancienne, il nous apporte la fraîcheur de sa voix et sa technique musicale affirmée. Il est par ailleurs aussi organiste, claveciniste et chef d’orchestre… La voix de ténor est celle de Thomas Hobbs, une voix fluide, forte, aux accents de miel qui mobilise le spectateur. Il est né à Exeter. Enfin le conservatoire d’Utrecht et le Conservatorium d’Amsterdam ont formé le talent de Peter Kooij (basse) qui fera une fois de plus merveille dans ce programme dédié à Bach. Il a l’art d’investir les textes avec ardeur et passion, la qualité de sa voix faisant vibrer les âmes et les coeurs : « Du bist mein Helfer, Trost und Hort…» (cantate BWV 73)
Ces cantates écrites par JS Bach entre 1723 et 1724 présentent une méditation personnelle sur la confiance que le chrétien met dans le Christ qui le met à l’abri de tout danger. La musique est faite pour soutenir un texte spirituel engagé. Textes éphémères qui durent le temps d’un dimanche, mais qui sont nourriture vivante et écho mélodieux dans le cœur de l’homme. On y retrouve la piété mystique et la douceur du fidèle qui s’entretient directement avec Dieu, lui confiant le mal-être qui s’enracine dans ses doutes et lui demandant la grâce d’être sauvé par l’indulgence divine.
Ainsi la cantate BWV 48 se termine par un choral d’une incroyable sérénité : « Dein bleib und will ich bleiben ! »
Seigneur Jésus Christ, ô mon seul réconfort,
Je me tourne vers Toi;
Tu connais bien mon affliction,
Tu peux y mettre un terme, oui, tu y mettras fin.
Qu'il en advienne suivant Ta volonté;
Tien je suis et tien je veux demeurer.
Au centre de l’écrin formé par les 4 cantates de Bach, il y a ce bijou absolu que nous propose Philippe Herreweghe et ses chanteurs : un œuvre délicieuse à 5 voix de Johann Schelle, un prédécesseur de Bach « Komm, Jesu, Komm ». Un coin de paradis. C’est une sorte d’a capella, faisceau de sonorités exquises, à peine soutenu par l’orgue seul qui égrène une mélodie pure, légère et gracieuse sur une vérité spirituelle évidente: « Weil Jesu ist und bleibt der Wahre Weg zum leben ». Musique lumineuse et victorieuse comme une source d’eau vive.
Mais Philippe Herreweghe se penche sur l’humain, avant toute chose. Ainsi il n’hésitera pas à redonner en « bis » la phrase poignante au rythme pesant qui décrit la détresse humaine et sert d’ouverture à la splendide cantate BWV 48. Une plainte multiple et entrecroisée des douze choristes exprime tour à tour l’émoi devant « le corps de la mort » qui s’avance, inexorable … et la victoire de l’âme, pourvu que Dieu y mette sa grâce, « Ich, elender Mensch, Wer wird mich erlösen vom Leibe dieses Todes ? » Question rhétorique on le suppose, puisqu’après tout, Jésus est la réponse.
La cantate BWV 109 concluant le concert était jubilatoire. Elle débutait par un feuilleté lumineux et complexe de toutes les voix qui annoncent le thème : « Ich glaube, lieber Herr, Hilf meinem Unglauben ! » Le festin de voix répétait comme une multitude assoiffée de vérité l’incantation très touchante, jusqu’à ce que l’orchestre prenne la relève. Parfois, les mots viennent à manquer… Les violons seront brûlants d’énergie dans le récitatif. Puis l’aria du ténor appuyée par le dynamisme passionné des violons exprime toute l’angoisse humaine « Wie wanket mein geägnstigt Herz ! » Mais la conclusion du choral est joyeuse et festive et les bois exultent. Tout comme le public, totalement conquis.
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http://www.bozar.be/activity.php?id=12070&selectiondate=2013-01-29
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