La politique de Thierry Debroux à la tête du Théâtre du Parc porte indubitablement ses fruits : le public répond en nombre, toutes générations confondues, à ses propositions puisées tant dans le répertoire que dans la création pure, souvent nourrie de figures populaires.

Ouvrant sa saison 2017-2018 avec "Hamlet", il en livre une adaptation volontairement accessible à tous, dès dix ans. "S’ils ont compris ‘Le Roi Lion’, ils comprendront ‘Hamlet’", sourit volontiers le metteur en scène. De l’indéboulonnable tube de Shakespeare, voici une version raccourcie, recentrée sur l’intrigue première : le prince Hamlet est convaincu par le spectre de feu son père qu’il a été assassiné par son oncle Claudius, le frère du roi, s’adjugeant d’abord sa couronne et bientôt son épouse. De la folie qui le guette, Hamlet fait son alliée, son costume, l’arme de sa vengeance, erreurs et dommages collatéraux inclus, jusqu’à l’hécatombe.

Du XVIe au XIXe siècle

Pièce gigogne composée entre 1599 et 1602, probablement sur base d’une légende scandinave elle-même diversement adaptée, "La Tragique Histoire d’Hamlet, prince de Danemark" demeure une énigme passionnante à laquelle maints metteurs en scène brûlent de se mesurer. Le parti pris par Thierry Debroux, pour généreux qu’il soit, gomme bien des aspérités affûtées par Shakespeare. Quant à l’option d’inscrire l’intrigue dans la Russie du XIXe siècle - si l’on admet qu’une grande œuvre traverse avec puissance les époques qui l’embrassent -, elle ancre le spectacle dans une esthétique séduisante sans guère en étendre ou en creuser le sens. Tout au plus le registre dramaturgique s’étend-il jusqu’à la farce (pour les scènes de folie) et au grand-guignol (le spectre et sa voix d’outre-tombe).

C’est là qu’à nos yeux pèche cette production, ou du moins là qu’elle rencontre sa limite. Sa visée large (noble aspiration) s’assortit de tiédeur, en dépit de l’incandescence du personnage et de son interprète. L’Hamlet d’Itsik Elbaz scintille et se consume tout à la fois. Brillant, ombrageux, fantasque, l’acteur condense dans cette figure de prince orphelin, d’amoureux cruel, de vengeur masqué, le théâtre lui-même : le trouble qu’induit celui qui feint la folie, la tromperie et la sincérité, le tourment et la spontanéité, l’enfance et la manigance.

L’ensemble de la distribution est à l’avenant, avec notamment Jo Deseure (Gertrude), Serge Demoulin (Claudius), Christian Crahay (Polonius), Anouchka Vingtier (Ophélie), Fabian Finkels, Camille Pistone, Adrien Letartre, Valentin Vanstechelman, rejoints par des stagiaires du Conservatoire de Bruxelles.

Vincent Bresmal à la scénographie et Anne Guilleray aux costumes signent la cohérence visuelle, la belle élégance de l’ensemble, sous les lumières de Laurent Kaye. Sans oublier la chorégraphie du combat final par le maître d’armes Jacques Cappelle.

---> Bruxelles, Théâtre royal du Parc, jusqu’au 21 octobre, à 20 h 15 (dimanche à 15h). Durée : 2 h 30, entracte compris. De 5,5 à 27 €. Infos & rés. : 02 505 30 30, www.theatreduparc.be