Publié(e) par Serge ULESKI le 12 décembre 2010 à 3:30
« Les sociétés démocratiques ont besoin de médias forts, et WikiLeaks fait partie de ces médias. Les médias aident à préserver des gouvernements honnêtes. WikiLeaks a révélé des vérités solides à propos des guerres d'Irak et d'Afghanistan, et a sorti des affaires de corruption de la part d'entreprises ».
Julian Paul Assange, spokesperson and editor in chief for WikiLeaks
La chasse est ouverte. La guerre contre Wikileaks est engagée.
Un certain nombre d'actions » pourraient être menées.
Victime de nombreuses attaques informatiques, sous la pression des autorités de plusieurs pays, le site a perdu son adresse Wikileaks.org et a été transféré sur Wikileaks.ch.
Wikileaks est décrété « menace pour l’armée » par le pentagone...
La France par l’intermédiaire d’Eric Besson, nain politique et ministériel, propose de mettre un terme à l’hébergement sur le territoire français du site Wikileaks ; une France qui est passée en cinq ans, dans le classement de Reporters sans frontières, du 11e rang au 44e rang de la liberté d'informer…
Jusqu'où la classe médiatique et la classe politique dans son ensemble entendent-elles laisser filer cette liberté ?
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« Dans une décision-clé concernant les documents du Pentagone, la Cour suprême américaine a déclaré que “seule une presse libre et sans restriction peut efficacement révéler ce que cache un gouvernement”. Aussi, la tempête qui entoure WikiLeaks aujourd'hui renforce le besoin de défendre le droit de tous les médias de révéler la vérité. »
Julian Paul Assange, spokesperson and editor in chief for WikiLeaks
Certes, WikiLeaks n'est pas à l'abri de critiques, pas plus que n'importe quel autre média.
Mais qu’il soit ici permis de rappeler ce qui suit :
Sans briser le off, sans « indicateurs », sans le vol, sans le recel, sans la dénonciation de clause de confidentialité ou du devoir d’une quelconque réserve, sans la rupture de la loi du silence, sans « traitres "...
PAS D'INFORMATION !
Ou bien alors : quelle information ?!
Celle qu'on aura bien voulu nous concéder au journal de 20H ?!
En France, les 50 ans d’activité du “Canard enchaîné” (Claude Angeli, son rédacteur en chef, parle d’une "société molle" dans sa défense de la liberté d’information et d’opinion) et plus récemment le journalisme d’investigation de Rue89, Bakchich et Mediapart sont là pour nous le confirmer.
Quant à ceux qui tentent d’amalgamer (*) le souci de transparence chez ceux qui soutiennent mordicus Wikileaks (souci propre au régime démocratique : droit à une information indépendante et honnête pour le plus grand nombre) avec le fascisme et les régimes nazi, stalinien et maoïste, on leur rappellera que ces régimes n’ont jamais cultivé cette transparence mais bien plutôt la propagande, la falsification, le mensonge, l’intimidation, l’assassinat et le meurtre de masse.
* – Ce sont l'identité et l'idéologie mêmes des détracteurs de Wikileaks (la droite autoritaire et toute la classe médiatique) qui nous poussent aujourd'hui à soutenir cette agence d'information : à ce sujet, il suffit de se reporter à la revue La règle du jeu de BHL qui publie un article d’une imbécilité sans nom.
En revanche, si on oublie un moment les amalgames malhonnêtes ou plus simplement des rapprochements qui ne sont que le fruit d’une ignorance crasse, un parallèle peut être fait : le parallèle entre certaines des révélations de Wikileaks et les « Pentagon papers », diffusés à l'époque de la guerre du Vietnam, et qui ont joué un rôle important dans l'évolution de l'opinion publique américaine contre cette guerre aussi cruelle que stupide.
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Les journaux partenaires qui se font les relais de Wikileaks - Der Spiegel, The Guardian et The New York Times l’attestent : Wikileaks fait vivre la démocratie bien plus sûrement que ceux qui comptent dans les mois et les années à venir, s’acharner à détruire cette agence.
Et même si de nombreuses défections sont déjà attendues à Gauche (et plus particulièrement au Parti Socialiste qui n'a de cesse depuis trente ans de cultiver non pas le courage mais... la dérobade et les compromis proches du déshonneur politique et moral)...
Il semble bien que l'heure soit venue pour chacun de choisir son camp.
Publié(e) par Serge ULESKI le 31 octobre 2010 à 11:16
Ô Seigneur ! Est-il possible que le calice passe loin de moi, qu’il ne me soit jamais permis de le saisir ? Moi qui suis à la tâche, jour après jour, indéfectible, comme d’autres... au temple, zélés et fervents !
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A quinze ans, la terre ne nous appartient pas encore mais le monde n'existe que pour nous - du moins, pour nous qui sommes capables de lui répondre par l’affirmative : « Oui, je le veux ! Oui, je le peux ! »
A quinze ans, on aime tout ce qui a été pensé pour notre âge, tout ce qui nous est destiné, proposé, offert - pour peu qu’on puisse se l’offrir. On espère, on supplie, on désire, on ordonne, on convoite ; et que dire de toutes ces attentes erratiques, confuses qui ne savent pas vraiment ce qu’elles attendent...
A quinze ans, on dépense tout comme de l’or car la pacotille se vend chère puisqu’elle ne s’affiche jamais comme telle : commerce oblige ! On jette les mots par la fenêtre et les parents, leur argent : la paix est à ce prix et le compromis, maintenant historique... aussi. C’est le joueur de flûte avec sa sérénade brillante et vive ; une sérénade hypnotique et luisante que personne ne lui interdira de jouer car, ceux qui ne souhaitent pas y succomber, sont déjà sans voix.
Un monde fait sur mesure donc, un monde voué à tous les commerces et à tous les rackets : demander, exiger, recevoir, arracher... c’est la seule préoccupation qui ordonne tout le reste. Et là, le monde est d’une clarté totale ; un point aveugle cette clarté au-delà de laquelle plus rien n’est visible.
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A quinze ans, on se nourrit d’un rien, d’une précipitation de jouissance, sans autre souci que d’aller à la rencontre - à toutes les rencontres -, pourvu qu’elles nous mènent au plus près du but : à la découverte d’une floraison soudaine de possibilités nouvelles porteuses de mille transgressions.
On rêve, on mime, on improvise sur un emploi non contraint du temps et toujours trop court. La nuit n’est qu’un mal nécessaire à l’heure où il nous faut rentrer même si ce refuge nous est bien utile parfois car, on peut encore y trouver la sécurité après une conduite porteuse de tous les risques face aux dangers d’un monde qui n’est qu’un loup pour son propre monde. Elle signifie à peine le repos cette nuit qui s'annonce déjà ; à l’aube, tout sera à recommencer ou bien, à poursuivre : on reprendra le cours là où on l’a quitté, le long d’une pente tantôt douce, tantôt brutale.
A quinze ans, on occupe tout le temps dont on dispose. Aucune culpabilité. Tout est promis à l’oubli et pourtant, tout semble inoubliable, dans un monde qui a une bonne mémoire, la meilleure des mémoires : une mémoire courte ; celle qui ne vous autorisera aucune retour en arrière au delà de l'heure qui s'est écoulée et qui s'est achevée dans la plus parfaite absence de mémoire et dans une indifférence insolente face à cette lacune qui n'en est plus une aujourd’hui.
Quant à la prochaine heure... celle qui s'écoule là, maintenant, sous nos yeux, le monde n'ose déjà plus y penser, de peur de devoir s'en souvenir.
Une génération entière s’est ennuyée, la suivante a tout juste le temps pour elle ; elle va à l’aventure sur un écran de dix sept pouces ou sur un écran géant, le temps de passer de la lumière à l’obscurité... mais la lumière revient toujours à la fin de la séance ! La prochaine épopée chassera la précédente. Hallucinés, du rêve, on passe au songe, du songe à la réalité jusqu’à taire la peur qui nous taraude face à cette inconnue immense : notre vie de demain dans dix ans dans un monde instable et sans remords ; et là, c’est déjà une autre aventure, une tout autre histoire.
A quinze ans, Dieu ! Qu’est-ce qu’on fait comme bruit ! On ne s’entend plus et pour peu qu'on nous conseille vivement de nous taire et d'écouter... en classe, soudain, tout devient difficile ou bien, incompréhensible ; en cours, on ne participe plus, on s'éloigne, on se retranche dans les derniers rangs, on quitte la classe avant tout le monde ; et c'est alors que le collège ou le lycée ne vous appelle plus le matin et ne vous promet plus rien sur le trajet qui y mène.
Sans illusion quant à l’usage qu'ils peuvent espérer faire de cette disgrâce, les adolescents connaissent le prix d’un tel échec et sa récompense : les portes qu'il vous fermera au nez avant même que vous ayez eu le temps d'y frapper car on vous aura vu venir de loin et... nombreux ; et personne ne nous sera d’aucun secours, prisonniers d’une solitude intouchable.
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L’adolescence tient en trois mots, trois séismes : le désespoir impalpable aux causes aussi multiples qu'indéfinissables, l'amour toujours à refaire et la joie infinie, sans antécédent, sans passé, sans avenir, fruit d'une insouciance sans conséquence pour l'heure.
Oui ! La joie ! Joies qui se succèdent, courtes, spontanées, sans raison, pour un rien et pour un peu. Une lumière cette joie ! Une lumière même quand la lumière fait défaut. Intouchables on est ! Indestructibles ! Il ne manque plus rien aussi longtemps qu'elle est là, à nos côtés. Une vibration cette joie ; une vibration venue du centre de la terre ; aussi vieille que la croûte terrestre et les danses tribales cette joie qui accroît notre être, l’étend, l'enveloppe. Son souffle nous rend légers et nous permet de franchir bien des obstacles en les ignorant, tout simplement. Joie d’être, joie de vivre ! Et ce sourire qui nous illumine ! Regardez-le ce sourire si précieux ! Regardez-les ! Regardez-nous à quinze ans déambuler le long des rues, dans ces avenues qui nous appartiennent le temps de les traverser. Et cette lueur dans les yeux : c'est encore la lumière de la joie bien sûr ! La joie de l’instant qui va nous combler, tout ce qu’on se promet, là, maintenant ou bien, dans l’heure qui suit.
Allez ! Rendez-la-nous cette joie, ce chahut salutaire !
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Enfant, tout est immense. A quinze ans, on mesure le monde à l’échelle de ce qui sera possible d’y accomplir. Signe de notre temps : aujourd’hui, très vite, c’est déjà trop tard. Jadis, on pouvait s'offrir quelques années d'insouciance, aujourd’hui, on nous conseillera de tout prévoir, de tout envisager, même et surtout le pire en cas d’échec que l'on pressent très tôt ; le succès aussi, pour peu qu’on ait de bonnes raisons de l’espérer.
A quinze ans, ce qui se passera, on ne le voit pas toujours et aussi, ce qui ne se passera pas. Voués au meilleur et au pire, on vit de ce qu’on prend et reçoit du monde, de ce qu'on lui arrache aussi quand il nous oublie au passage ou nous ignore car, si l’abondance nous empêche de voir, le manque, lui, nous couvre de honte : on réclamera son dû. Et c’est alors que la colère et l’impatience nous conduiront tout droit à la révolte et au scandale pour s'empresser de jeter sur la douleur de vivre cette indigence qui surplombe tout et dont on ne saurait porter la responsabilité, notre dévolu d'insultes, d'intimidations et de menaces. Stratégie de survie avec soi-même et les autres qui nous le rendront bien et au centuple, avant longtemps.
A cet âge, tout le mal que l'on se fait, on l'ignore jusqu'à la cure qu'est l'âge adulte, pour peu que l'épuisement nous y aide et puis… parce qu'il faut bien se faire une raison ; la résignation est pareille à l'usure du temps qui guérit bien des maux ; elle prend sa place sur la pointe des pieds alors qu'il fait encore sombre ; et plus elle arrive tôt, plus ses chances de mater cette révolte sont grandes.
A quinze ans, de l’âge adulte, on se rapproche, même si c'est pour mieux nous en éloigner. On se complait de tout. Aucun retrait, aucun recul, c'est la vie qui nous submerge. On hurle. On crie. On bouscule son entourage. On l’ignore.
Autre signe de notre époque : à quinze ans, dehors c'est dedans ; on est partout chez-soi. Au delà du périmètre dans lequel notre action se déploie, rien d’autre existe, rien ni personne ; et tant pis pour les autres qui devront prendre leur mal en patience ou bien, se retirer sans broncher.
A quinze ans, on se cherche un visage, un vrai visage : le sien. Mille essais, mille emprunts, preuves d’une fertilité et d’une inventivité ingénieuses et brouillonnes qui peinent à trouver sa forme. La maturité y pourvoira pour peu qu’il en soit toujours question. Car, si on n'a pas encore à trouver sa voie, en revanche, on se doit de trouver très vite sa place.
Quand on est seul, c’est l’ennui et le désarroi. En bande, on échappe à l’angoisse d’aujourd’hui qui n’est que la négation des responsabilités et des incertitudes de demain. Menu indigeste que demain ! Novice, on avance par à-coups dans un couloir plongé dans le noir. Quand on trouve l'interrupteur et la lumière, c'est le soulagement : on n'a plus peur jusqu'à la prochaine épreuve.
A quinze ans, on veut plaire, être comblé jusqu’à la saturation. Être vivant à quinze ans, c’est être vu et reconnu, escorté du regard et du cœur, mille cœurs entre tous, si possible... et pourquoi pas ! On recueille toutes les faveurs quand on sait les susciter. On vit sans ordre. On a des colères soudaines, sans arrière-pensée et puis, on sait calculer, manipuler, manœuvrer en expert aussi. On s’enflamme, on étouffe, on suffoque, l’amour est minuscule, infini. Et puis un jour, on le fait. Ce jour là, on devient quelqu’un d’autre. Quelque chose a été percé. Quelque chose en nous a fondu. C’est la mue. Une autre peau émerge. On n’y comprend pas grand-chose mais... c'est sûr : on a changé !
Un mystère qui n’en était pas un, cette interrogation - du moins, pas longtemps, car bientôt, tout ça n’aura plus d’importance ; l’essentiel est ailleurs, bien sûr : dans ce qui nous attend, dans cinq ans, dans dix ans d'ici...
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A quinze ans, c’est fini, plus rien à faire dans la vie, sinon la vivre. Une vie détachée de soi, prodigue d’elle-même et de ceux dont on partage la même vie, au même âge, au jour le jour, d’heure en heure... jusqu’à la suivante. Ce qui doit arriver arrivera toujours assez tôt ; on aura bien le temps de faire face à cette insécurité qui nous attend, une fois que l'on ne pourra plus compter sur ceux qui nous ont mis au monde et qui avaient toujours su nous en protéger.
Si à quinze ans on connaît la peur, on sait la contourner. Si on la frôle, on l'oubliera très vite pour s'empresser d'en chercher une autre ailleurs : ses jouissances sont trop grandes pour qu'on les abandonne à la première alerte, le goût de vivre, plus fort encore. On compose avec la peur comme on compose avec tout le reste : la peur des mauvaises notes, la peur d’être découvert, la peur de l'humiliation, la peur du rejet, la peur de la violence de ceux qui ne craignent rien, ni personne, et surtout pas, ceux qui ont peur.
Parfois, les adultes contribueront à diffuser cette peur qui leur va si bien depuis qu’elle les mène et les force à resserrer leur vie pour diminuer le rayon de son action et réduire le champ de ses ambitions et de son influence.
Adolescent, cette peur est sans doute l’information la plus importante que nous recevons du monde ; une des premières ; s’y soumettre annonce des lendemains plus alarmants encore.
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Volonté de prendre, de jouir ! Volonté exténuante, désirs insatiables ! A quinze ans, on mixe, on brasse, on mélange tout, même si ce sont les autres qui distribuent les cartes à notre insu. C’est notre façon d’y voir clair en ne voyant rien de ce qui se trame au loin, sans guide pour nous accompagner.
Et tout nous y encourage. "On a le temps !" nous assènent les ondes de la voix du monde et les pixels de sa représentation, là où toute parole vers le haut est impossible. Une voix sur mesure, pour notre immaturité qui ne peut qu’écouter cette voix. Tellement dans son époque cette voix qui jamais ne se trompe ni ne s’égare, au plus près, serrée, collée à notre inconséquence juvénile, telle une sangsue. Pas d’époque sans voix quelle qu’elle soit, aussi dévastatrice soit-elle. Toujours !
Qui possède le Verbe et les décibels, conduit le Monde. Une voix d'usuriers du désert, trompeuse et assourdissante, cette menace proférée sous le couvert d’une attention désintéressée ; une voix condescendante qui absorbe très vite la meilleure part de l'esprit et empêche tout exercice d'une attention claire envers soi-même ; une voix aux éclats incessants telle un marteau sur l’enclume, qui obstrue toute perspective d'élan en nous privant d'un tremplin pour rebondir plus loin, plus haut ; et peu nombreux sont ceux qui sauront le faire à temps.
Une nuisance cette voix pour quiconque souhaite la faire taire. Dans ces moments là, c’est toute la vie qui vire à la lutte, une douleur dans le dos - dans le bas des reins, plus précisément - à force de résistance, en parents confrontés à un âge sans discernement, et à un prix bien plus élevé aujourd'hui qu’hier : pas de conte de fées et pas de happy end pour nous rassurer : dans le meilleur des cas, happés ils seront, au passage de l'écho de cette voix, et dans le pire, broyés, pris en étau entre les incisives et les molaires de sa mâchoire d'ogre.
L’autre voix, elle, est inaudible pour l’heure. Le moment venu, elle n’aura pas besoin de porte-voix. Bientôt, une autre réalité se chargera de nous la faire entendre car, à quinze ans, on est de l’autre côté de la vitre, à l’intérieur ;
Dehors nous attend une surprise : tout ce qui aura été tu des années durant et qui nous est maintenant hurlé.
Publié(e) par Serge ULESKI le 31 octobre 2010 à 11:15
Qu’est-ce que le style chez un auteur ?
Le style, c’est un point de vue, un regard sur le monde qui lui est propre ; c’est un angle de vue particulier sur les choses, les êtres, la réalité ; un angle d’attaque aussi, pour peu que l'auteur soit guerrier.
Le style, c'est la culture de l'auteur : histoire et apprentissage.
En littérature, il y a « style » à chaque fois qu’il nous est donné à lire une langue re-construite, une langue recomposée et ré-assemblée.
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Prenons Proust dont la tentative de réconciliation (même inconsciente !) des humanités avec les sciences sociales - la littérature avec la sociologie -, est un des grands mérites de l’auteur.
Proust donc ! Et à son sujet… tout ce qu'il n'a pas écrit et tout ce qu’il ignorait de et sur lui-même, ainsi que la question : pourquoi a-t-il fait cette œuvre-là et pas une autre ?
Proust et la fulgurance du passé ; fulgurance du souvenir - celui de l’enfance, de l’adolescence et des premières années de l’âge adulte -, qui vient comme un boomerang terrasser Proust et le clouer au lit.
Chez Proust, tout est passé, tout appartient au passé : ses personnages aussi - figures du passé de Proust, s’entend. Son présent ne lui sert qu’à se rapprocher du passé. Proust ne disait-il pas : " Un livre est un cimetière" ? Et ce passé, indissociable de sa personne, commence dès son plus jeune âge : à 20 ans, il est déjà dans le passé de ses 10 ans ; à 30, dans celui de ses 20 ans.
Pathologiques cette situation et tous ces souvenirs qui, sans contrôle, viennent envahir sa conscience d'être au présent. Chez Proust, le moindre rappel du passé lui fait l'effet d'un événement capital, d'une importance démesurée : une importance extra-ordinaire ; chez lui, chaque souvenir est un traumatisme en puissance, car son présent et son avenir, ne seront jamais à la hauteur de son passé, puisqu’il ne s’investit pas dans son propre avenir, faute d'en reconnaître la nécessité.
En tant qu’être humain - être humain au sens moderne du terme : s’entreprendre et advenir -, Proust a cessé d’avoir un avenir, très tôt. Pour cette raison, Proust ne peut que se retourner sur lui-même. Et plus il se retourne, plus il souffre, ou bien, plus ses souvenirs le terrassent d’émotion : ce qui revient au même.
Proust est né très vieux dans un monde très jeune. C’est le paradoxe. N’oublions pas que Proust a 29 ans en 1900 ; et ce siècle qui arrive est le siècle d’avenir par excellence, quand on sait ce qu’il adviendra. A l’entrée de ce nouveau siècle qui grandira très très vite, Proust est déjà un homme du passé dans sa manière de conduire son existence, de l’acheminer, en ne donnant… justement, aucune direction à cette existence, sinon une seule : celle qui le renvoie à son passé ; alors que l'avenir est la seule direction envisageable pour un individu de son âge - normalement constitué.
De là à penser que Proust (rentier-boursicoteur) serait la négation même de "l’Homme Moderne" : s’entreprendre, advenir, mettre en échec tous les déterminismes...
D'autre part, on ne manquera pas de noter que l'oeuvre de Proust est le plus souvent une oeuvre-refuge pour ses admirateurs inconditionnels ; un rempart, l'oeuvre de Proust, contre ce monde moderne dont la nécessité historique leur échappe : tout ce qui nous y a conduit et continuera de nous y conduire ; même si l’on se gardera bien de leur demander d’y adhérer.
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En effet, comment pourraient-ils, comment pourrait-on, nous tous ?
Sans oublier ceux pour qui Proust n'est plus qu'un auteur vers lequel on se tourne une fois que l’on a baissé les bras et que l’on s’est juré de ne plus porter aucun livre – à bout de bras, justement ! –, en y cherchant dans la lecture de son oeuvre, sa propre terminaison, prisonnier d’une chambre tombeau ; dernière sépulture de vie pour les convalescents et les agonisants de l’existence.
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Certes, vivre, c'est accumuler du passé. Etre capable, à tout moment, de convoquer ce passé, c'est prétendre à l'immortalité : adoration perpétuelle de soi jusqu'à l'extase ; grandissement épique de sa propre histoire familiale et sociale avec l'éternité pour leurre et le mensonge comme clé de voûte car, le plus souvent, se souvenir, c'est se mentir...
L’expérience existentielle de Proust - expérience initiatique -, c’est une vérité sur lui-même, et cette vérité le désarçonne, lui fait perdre tous ses moyens et le condamne très tôt, à son insu et tous ses personnages avec lui, à l'immobilisme, l'oisiveté et la mort - et pas seulement à cause d’une santé fragile...
Avec pour seul secours : l’écriture ; et seul recours : le souvenir et l’émotion suscitée par cet exercice épuisant de remémoration qui a tous les accents d’une... auto-commémoration.
Tel est son style.
“La nausée” de Sartre, à côté de cette expérience fulgurante qui frappe Proust de plein fouet et au plus profond, c’est trois fois rien : juste une petite déprime.
Publié(e) par Serge ULESKI le 31 octobre 2010 à 11:12
En continue ; éternel retour de l’être cyclique... face à lui-même, ressassements après ressassements compensatoires qui ne le sauveront pourtant pas.
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Si une bonne partie de l’œuvre de Nietzsche annonce l’homme sans Dieu et les totalitarismes du 20è siècle - crimes de guerre, crimes contre l’humanité, holocaustes et génocides, en veux-tu en voilà…
Sa « pensée » annonce une nouvelle ère : celle des grands malades mentaux à la tête d'Etats totalitaires.
Maniaco-dépressif syphilitique puis psychotique faute d’attention et de soins - si tant est que la médecine et la pharmacopée de son époque aient été capables de lui venir en aide ; on a parlé de schizophrénie à son sujet...
Si Nietzsche est si populaire auprès des pensionnaires des hôpitaux psychiatriques qui sont, ne l’oublions pas, non seulement occupés par de pauvres bougres disgraciés mais aussi par des apprentis dictateurs et psychopathes car, on se soigne comme on peut - soit à l’hôpital, soit à la tête d’un Etat…
C’est que les fous n’aiment rien tant que l’ordre et la force.
Vous en doutez ?!
Ecoutez-les donc s’exprimer lorsqu’ils se mêlent de ce qui ne les regarde plus vraiment, à savoir de politique ! Leurs propos vous donneront la chair de poule même si l’on sera toujours tentés de se dire : « Bah ! Les pauvres, ils ne savent pas ce qu'ils disent : ils n'ont pas idée ! »
Et Nietzsche ne déroge pas à cette règle : quand il se pique de philosophie politique… la catastrophe n’est jamais bien loin.
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Si Nietzsche était né 50 ans plus tard, nul doute qu'il nous aurait quittés cinq et six ans plus tôt (faites le calcul, et vous comprendrez d'autant mieux pourquoi !) ; et nombre de nos contemporains se garderaient bien aujourd’hui de nous le servir à tout bout de champ et à toutes les sauces car… il n’est pas difficile de deviner sous quelle bannière notre poète-philosophe se serait rangé…
Même si… maigre des épaules et la poitrine creuse, Nietzsche serait sans aucun doute passé à la trappe le premier.
Pour une fois, les conseilleurs auraient subi le sort des payeurs...
Qui donc s’en serait plaint ?
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Nietzsche est coupable... a priori, comme tous les philosophes, auteurs et poètes qui se mêlent de politique ; et c'est une bonne chose car, les gens innocents n'intéressent personne.
Grand philologue mais… piètre penseur, si par penser on entend être un tant soit peu capable de poser les bonnes questions (ça, c’est pour la philosophie), tout en étant à même de proposer des solutions (ça c’est pour la politique) quant à l’organisation pacifique de notre existence à tous au sein de l’imbroglio politique, économique, religieux et psychique propre aux sociétés humaines...
Des solutions autres que les camps de la mort, la loi de la jungle et l’extermination de tous ceux qui traîneraient la patte - cela va sans dire ; mais tellement mieux en le précisant…
Nietzsche était un grand marcheur ; aussi pensait-il avec ses pieds et marchait-il le plus souvent sur la tête ; ce qui n’arrange rien, on en conviendra tous.
Que Nietzsche soit "à la mode" depuis une cinquantaine d’années dans cette partie d’Europe sur-protégée, ne change rien à l'affaire ! Europe repue, un rien blasée, peuplée d’européens courageux à souhait depuis qu’ils savent que l’on n’attend plus d’eux qu’ils soient téméraires - en effet, il ne viendrait à l’idée de personne de défendre Nietzsche dans l’ancienne Europe de l’Est ; européens complaisants qui, depuis qu’ils ne risquent plus rien, aiment se faire peur et s’encanailler - et d'aucuns ajouteront, se salir un peu : boue et bave -, auprès de penseurs et d’écrivains politiquement et philosophiquement très très incorrects.
Car, quand on sait lire, il n’est pas nécessaire d’être doté d’une intelligence supérieure pour voir, à titre d’exemple, dans l’ouvrage Antéchrist (1) et dont on n’aurait eu nul besoin de changer ne serait-ce qu’une virgule si d’aventure ces systèmes se l'étaient appropriés sans oublier de s’en vanter ouvertement (2)pas seulement une imprécation contre le christianisme, mais bien le manifeste de tous les systèmes totalitaires à venir.
Comme quoi… quand on ne veut pas voir… on reste aveugle et content de l’être.
1 - Rien de surprenant à cela : si on n’a pas la compassion, on aura les camps : et on les a eus.
2 - Faites le test : relisez Antéchrist tout en gardant à l’esprit ce qu’a été, par exemple, le régime nazi... et vous verrez : à tous les coups, ça marche ! De même avec « Les confessions de saint Augustin » et les Talibans : mais ça, c’est une autre histoire.
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Quant à tout ce que Nietzsche a bien pu écrire sur les femmes…
De femmes, il n’a connus, hormis sa mère et sa sœur, que celles des bordels - respectables au demeurant ;
ce qui ne l’a pas empêché de disserter sans fin, fort de cet échantillon ô combien représentatif, sur l’éternel féminin et sa place dans le monde, ou bien plutôt dans la cuisine avec pour seul horizon… les fourneaux, sans oublier les couches culottes de marmots pleurnichards.
Mais… tout compte fait et en comptant bien, ne parle-t-on pas toujours mieux de ce que l’on ne connaît pas ?
En effet, tout devient alors possible ! L’imagination peut s’ébattre sans entrave, libérée de la contrainte que sont des faits têtus et inhibiteurs.
Nul doute, l’ignorance a bien pour royaume la fiction car, une fois que l'on sait, on n’a qu’une tentation : baisser la tête et se taire.
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A titre de conclusion provisoire, on pourra faire le constat suivant : la dévotion rend bête, même et surtout séculière car, plus traître encore… tout auréolée d’une pseudo-liberté de pensée qui a souvent la fâcheuse habitude d’oublier de se débarrasser de ses œillères.
Et nombre de lecteurs de Nietzsche partagent cette regrettable habitude.
Publié(e) par Serge ULESKI le 31 octobre 2010 à 11:10
Un auteur c’est un plat qui se mange froid. Or, Houellebecq est un auteur froid :
c’est donc le moment.
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Si "au commencement était le Verbe"...
Dans ses deux premiers titres - Extension du domaine de la lutte et Les particules élémentaires -, qu'est-ce que nous disait Michel Houellebecq (si d'aventure cet auteur tentait de nous dire quelque chose) ?
Ce chérubin semblait vouloir nous dire, avant de s'en désoler, qu'il vaut mieux être riche et beau (et puis, jeune aussi) quand on veut tirer (1) de belles nanas, que pauvre et laid.
Cette affirmation qui ne souffrira aucune contestation ferait donc de Houellebecq un grand écrivain doublé d'un grand moraliste.
Car, si Houellebecq avait été riche et beau à une époque où il ne l'était pas, il aurait bien évidemment et très certainement cherché à séduire des filles pauvres et laides...
C'est donc ça ?
1-Tirer des nanas: oui parce que... Houellebecq, les nanas, il voulait les tirer, c'est tout. Et elles ne s'y sont pas trompées bien sûr ! Elles qui ne supportent pas, lorsqu'elles en ont besoin, qu'on leur dise qu'elles en ont envie et vice versa. Mais ça................... Houellebecq l'ignorait.
Alors maintenant, à quand un auteur mais... de génie celui-là, qui nous expliquera, contre toute attente, combien il est préférable d'être issu d'une catégorie sociale dite "privilégiée" plutôt que d'appartenir à une catégorie sociale dite "défavorisée" ? (défavorisée ????? Qualificatif outrageusement euphémisant quand on constate l'ampleur des dégâts sur cette classe) quand on veut, non seulement séduire de belles nanas, mais aussi et surtout, se faire une place au soleil...
A quand cet auteur de génie ? Parce que... bon... on s'impatiente là !
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Plus tard, avec un titre comme Plateforme, et dernièrement avec "La Possibilité d'une île" et "La carte et le territoire", il semblerait que Houellebecq ait souhaité élargir quelque peu son champ de vision et qu'il se soit décidé à nous donner des nouvelles du monde.
Si Houellebecq connaît réellement notre monde contemporain en général, et l'Art en particulier (2), et si on oublie un moment une inspiration souvent absente ou poussive, force est de constater que les informations de l'auteur à ce sujet semblent avoir pour sources principales, sinon unique, le journal de 20H (TF1 ou France 2, c'est au choix), les émissions de Delarue, Envoyé Spécial pour s'être attardé devant son écran (somnolant ?), et maintenant qu'il est en Espagne : TV5 ; ce qui, tout le monde en conviendra, n'arrangera rien, bien évidemment.
2 -Houellebecq est un auteur très vague ! Aussi, gare au mal de mer ! Car... Houellebecq ne peut que bâcler les sujets qu'il croit traiter - et manifestement cela ne gêne pas grand monde puisque dans le milieu littéraire, tout le monde triche et bâcle : auteurs et critiques. Qui s'en plaindra ? Sûrement pas les lecteurs, nous affirme-t-on.
Tout comme il a une vague idée de la science fiction et des sectes dans "La possibilité d'une île", dans son dernier titre Houellebecq a juste une vague, très vague idée du fait que l'art contemporain n'est le plus souvent qu'une vaste fumisterie sans talent ; mais il ignore le plus important : c'est une fumisterie de la part d'individus (artistes mon oeil !) très sérieux qui n'ont aucun sens de l'humour et qui se préoccupent de tout et ne plaisantent avec rien ; ce qui aggrave sensiblement leur cas à tous (rien à voir donc avec la démarche d'un Marcel Duchamp).
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Mais alors...
A prendre ou à laisser Houellebecq ? Un Houellebecq qui est à l'écrit ce que Mylène Farmer est à la musique et à la danse (on me dit que tous les deux partagent le même fans-club !)...
Au diable la culpabilité !
Vraiment ! Sans regret et sans remords, on doit pouvoir laisser Houellebecq ainsi que les fossoyeurs de la littérature qui l'ont promu au rang d'auteur qu'il faut avoir lu sous peine d'être frappé d'inconséquence ou de nullité, là où ils ne seront jamais, à savoir : dans un lieu qui ressemble fort à un avenir car, il y a des auteurs qui savent voir loin et acheminer l'attention de leurs lecteurs plus loin encore, et surtout, là où personne ne peut décemment souhaiter être mené : à tous les drames et à toutes les tragédies, nous tous glacés d'effroi, face au pire.
En revanche - et on l'aura compris -, Houellebecq ne nous mènera guère plus loin que dans sa salle de bains qu'il ne fréquente que rarement, pour une douche qu'il ne se résoudra jamais à prendre en gosse mal léché, difficile et laborieux quant à l'acquisition des apprentissages de la petite enfance... et sur son pot aussi, lieu de toutes les rétentions, en pré-ado attardé...
Et ce, alors que le monde d'aujourd'hui et de demain a et aura besoin de titans !
Car, il faut le savoir : un auteur digne de ce nom, un auteur qui se respecte, se doit d'être sale à l'intérieur mais... impeccablement mis à l'extérieur, un auteur au linge irréprochable ; et à ça, Houellebecq ne s'y résoudra jamais !
Oui ! Propre à l'extérieur et sale à l'intérieur car, porteur de toutes les ignominies dont notre espèce est capable cet auteur ! Jusqu'à ce que... une fois la morale évacuée ou expurgée, il ne reste plus que des hommes, femmes, enfants, vieillards, pères, mères, soeurs, frères, filles, fils, bourreaux et victimes, eux tous terrés au fond d'un gouffre, les yeux tournés vers le ciel, et la nuit, les étoiles, à la recherche d'une lumière rédemptrice pour les plus coupables d'entre eux, et consolatrice, pour les plus humbles, face à un lecteur non seulement témoin mais... acteur, incarnant pour l'occasion...
Publié(e) par Serge ULESKI le 31 octobre 2010 à 11:08
Quatre ans après sa mort, l'écrivain et polémiste, dont on publie les «Essais», n'en finit pas de conquérir des adeptes.
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Après plus de 2000 pages de lecture de cet auteur... lecture de ce qui, pour faire court, s'avère être une critique apocalyptique de tout ce qui n'est pas Philippe Muray...
Ou comment cultiver l'art de jeter le bébé avec l'eau du bain et la baignoire avant de dynamiter la salle de bains et la demeure qui l'abrite, dans un... « Après-moi le désert ! » non-assumé faute de pouvoir être consciemment revendiqué comme tel...
Loin de toute tentative d'analyse d'aucune cause...
Misanthrope sympathique dans le meilleur des cas, ou bien aversion profonde pour le genre humain, dans le pire, et plus encore quand ce dernier n'a pas pour maître à penser un certain Philippe Muray (il faut toujours accueillir avec prudence les auteurs qui citent Céline à profusion, non pas pour son style mais bien pour ce qu'ils croient être sa "pensée)...
Ce qui fait de Philippe Muray ce qu’il est, ce ne sont pas tant ses choix "politiques" que le refus (ou bien l'incapacité) de comprendre la nécessité historique de ce monde dit "moderne" : tout ce qui nous y a conduits et continuera de nous y conduire ; même si l'on peut avoir de bonnes raisons de refuser, en totalité ou en partie, d'adhérer à cette "modernité"…
Mais… vous remarquerez que l'on peut toujours en concevoir une autre !
Un Muray incapable donc de proposer un avenir quel qu’il soit. En panne Muray ! De là sa frustration, son acharnement sur le présent et la violence de ses positions.
Et ceux qui, aujourd’hui, se réclament de cet auteur sont très certainement tout aussi en panne d’avenir que lui ; individus dont le tempérament – et ça existe : la preuve ! -, leur a fait très tôt prendre conscience qu’ils étaient nés tout simplement trop tard dans un monde décidément beaucoup trop jeune pour eux : d'où leur prédilection pour la thématique "Fin de l'Histoire"...
Et sans doute était-il là... question, tel un effet boomerang imprévu et insoupçonnable en eux, de leur propre fin à tous.
Quant au "dernier homme" (der letzte Mensch) de Muray, homme post-historique venu tout droit de chez Nietzsche et de son Zarazaza (autre dada de Muray), vraiment, si l'Histoire nous est d'un enseignement quelconque (même très quelconque), ce n'est sûrement pas demain la veille que notre espèce cessera de déjouer les prophéties même les mieux inspirées.
Non ! Ce qui fait de Muray ce qu’il est en tant qu’auteur (et non en tant qu'intellectuel car, il n'y a pas de « pensée Muray » mais bien plutôt des idées, des opinions « à la Muray »), c'est le caractère exclusivement a-politique ou anti-politique de ses choix, et ce à chaque fois qu’il est question de l’organisation de notre existence en société (pour ce qui est de la politique, se reporter à la définition d'Arendt); caractère qui nous renvoie à l'Ancien Régime, sinon au moyen-âge (oui ! sans rire) ; ou bien, plus proche de nous, à la "Révolution Nationale" d'un certain Pétain (à chacun ses casseroles !).
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Cible idéale d'un Julien Benda et de son ouvrage "La trahison des clercs", pour peu que la chronologie l'eût permis...
Véritable Lacenaire de toute idée de progrès et de justice (tout comme lui, très certainement à la recherche du châtiment suprême mais... introuvable depuis 1981 ; à son grand désespoir, sans doute !) la plus grosse erreur de Muray aura été de s’être laissé abuser et vampiriser tel Frankenstein, par sa propre création… Homos Festivus (1), jusqu’à penser qu’il s’agissait là d’un vrai projet de société et qu’il y avait, par conséquent, péril en la demeure ; projet durable qui recueillerait l’assentiment et le soutien sinon de la quasi-totalité, du moins, d’une importante majorité des électeurs (électeurs ou pas)...
Notre auteur, et parce que cela l’arrangeait, feignant d’ignorer que l’Homme sera toujours plus que ce qu’il croit savoir sur lui-même qui n’est - le plus souvent -, que ce que l’on a daigné lui enseigner ou bien, ce qu’on lui a laissé espérer... pour lui-même.
Quant à Delanoë, Maire de Paris, sa cour, son électorat bobos et leur influence supposée, fallait-il vraiment y consacrer autant d’années et autant de pages quand on sait que tout ce beau petit monde représente tout au plus que quelques centaines de milliers d’individus confinés, parqués dans une capitale qui ne nous appartient plus depuis longtemps déjà – Chirac n’ayant eu besoin de personne pour inaugurer cette dépossession.
1 - Homos Festivus : "Habitant satisfait de la nouvelle réalité ; mutant heureux qui n'a plus avec l'ancien réel que des rapports de plus en plus épisodiques" -PM
Erreur qui trahit une méconnaissance profonde du monde du salariat et des conditions de vie des classes populaires et des petites-classes moyennes de la banlieue parisienne et de la province rurale et urbaine qui se coltinent "cet ancien réel" ; et tous les jours en plus !
Muray aurait-il été, à son insu, plus parisien-rentier dans ses analyses que tous les parisianismes réunis - et notamment celui de ses adversaires ? Ou bien, aurait-il passé trop de temps devant son poste de télé, et ce faisant, sombrant dans le piège d’un vrai-faux nouveau réel beaucoup moins vrai et réel dans les faits parce que... souhaité et partagé par une infime minorité, au terme d’un "tel est pris qui croyait prendre" aussi comique que pathétique.
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Qui peut aujourd’hui douter du fait que si Muray avait été « au pouvoir », ses ennemis idéologiques n'auraient jamais pu bénéficier de la liberté d'expression et de publication qui fut la sienne ?!
Homme d’obsessions – la principale étant la sexualité, et plus particulièrement celle des autres… à la sexualité tout autre), on notera chez Muray l’absente de compréhension et de compassion à l’endroit de quiconque ne partage pas ses choix d’existence…
Car, le principal moteur de cet esprit hautement critique (critique plus que nécessaire, on en conviendra car, quiconque aujourd’hui n’est pas en colère est soit un salaud, soit un imbécile soit un escroc) aura été son intolérance congénitale jusqu’à l’aveuglement, telle une infirmité...
Intolérance qui a très tôt, et très certainement, décidé de tout. Et seule la mort a été capable de l’en délivrer (2).
Aussi…
Si l'on doit comprendre pourquoi Muray a fait cette oeuvre-là et pas une autre, reste à étudier, l’origine de cette intolérance (haine ?!) auquelle il a consacré toute son énergie créatrice, tout son talent et toute son intelligence aussi incontestables que rares.
Intolérance jamais assouvie de son vivant parce que… jamais rassasiée.
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2 -Vraiment, on est en droit de s’interroger sur le fait de savoir si des gens comme Muray ont eu vingt ans, ne serait-ce qu’une fois… et ce qu’ils en ont fait ! (Rapport à son traitement de la jeunesse).
Absence de don pour la vie ?Muray se vante d’avoir lu très tôt Céline ; cette inclinaison aurait dû alerter notre auteur et ses proches car, avec Proust, Céline est certainement un auteur que l’on ne devrait jamais lire avant 50 ans, sinon bien plus tard encore, lorsque, par exemple, le moment est venu d’aller chercher chez ces auteurs (et chez d'autres) sa propre terminaison dans une lecture-tombeau, dernière sépulture de vie pour des lecteurs convalescents et agonisants de l’existence.
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Ironie suprême... bien que relative... car les exemples ne manquent pas : cet auteur s'est voulu l'avocat de l'altérité et de la différence contre l'uniformité du monde alors que tout dans son œuvre laisse à penser que Muray avait beaucoup, mais vraiment beaucoup de mal avec tout ce qui n'était pas lui-même... Philippe Muray.
Publié(e) par Serge ULESKI le 31 octobre 2010 à 11:06
Si derrière un auteur et son œuvre, on trouvera toujours une blessure, car les gens heureux et ceux qui ont réussi n’écrivent pas... ou bien, des imbécilités sans nom et sans lendemain…
Quelles interprétations donner à la haine célinienne, et pas seulement dans les pamphlets ?
D’aucuns s’interrogent sans fin, les raisons à la fois inavouables et inconscientes de cette haine semblant échapper à l’auteur lui-même qui, sur le fond, ne s’en excusera jamais : « J’ai eu le tort de l’ouvrir ; j’aurais mieux fait de rester à ma place. Mais aujourd’hui encore, je défis qui que ce soit de m’apporter la contradiction sur ce que j’ai pu écrire à cette époque ».
Rien ne remplace une biographie ! Celle de l’enfance, sans oublier, en ce qui concerne notre auteur, la généalogie de la famille Destouches.
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Fils de Fernand Destouches issu d'une famille de petits commerçants et d'enseignants, et de Marguerite Guillou, famille bretonne venue s'installer en région parisienne pour travailler comme artisans…
Le Père de Céline, homme lettré mais incapable d'épargner à sa famille la hantise du prochain terme à payer (hantise qui sera très longtemps aussi celle de Céline) était opposé aux études, gardant à l'esprit sa propre expérience : « Les études, c’est la misère assurée » disait-il à son fils.
Une mère dentellière, travailleuse indépendante qui vivra péniblement de son métier et de sa boutique…
Lourd de sens, Céline ajoutera : « On a toujours été travailleurs dans ma famille : travailleurs et bien cons ! » (c'est là un fils de commerçant qui s'exprime, et non un fils d'ouvrier ; distinction importante).
Certificat d’études en poche, un rien désœuvré, Céline joint l’armée très tôt, même si, en 1919, il reprend le chemin de l’école, passe son Bac - il a alors 26 ans -, avant d’embrasser la médecine, véritable vocation de Céline, et ce dès l’enfance ; il se dit « guérisseur dans l’âme ». Il étudiera la médecine dans les livres, seul, le soir, tout en travaillant le jour, même si jamais cette médecine ne lui permettra de joindre les deux bouts (… de payer son terme): il fermera son cabinet de Courbevoie très vite après son ouverture – fait lourd de conséquences.
Céline conjurera ce qui n’est pour l’heure qu’une déconvenue, en se lançant dans l’écriture, et entreprendra un long, un très long Voyage (1)
Il poursuivra sa vocation de médecin auprès des pauvres – dans les dispensaires -, non pas par charité mais tout simplement pour la raison suivante : de par son appartenance sociale, et après l’échec de son installation à Courbevoie, Cécile ne pouvait en aucun cas prétendre à une meilleure situation et à une autre clientèle.
1 -Il se vantera d’avoir écrit son "Voyage au bout de la nuit"… avec pour seul souci : être à l’abri du besoin, assuré qu’il était du succès de son récit : « cet ouvrage, c’est du pain pour un siècle de littérature, le prix Goncourt assuré pour l’éditeur qui s’engagera ».
Céline avait vu juste : ce sera le succès, mais le prix Renaudot pour consolation.
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Hormis son appartenance de classe (on y reviendra plus tard),sur un plan générationnel, Céline demeure un pur produit de la France de l’après boucherie de 14-18, avec le traumatisme de la trahison de l’espoir et les humiliés de Bernanos ; génération sacrifiée dont nuln’attendait le meilleur ; l’époque l’interdisait : elle n’en avait plus besoin (à ce sujet, difficile de ne pas penser au père de Céline). Aussi, ce meilleur dont l’époque ne savait que faire, cette génération l’a accumulé jusqu’à devenir une force. Et quand cette force s’est libérée, de quoi a-t-elle accouché ? De quelles actions vertueuses ? Ou bien, de quels desseins monstrueux pour avoir trop longtemps macéré dans la frustration, le ressentiment, l’impuissance, la retenue et le dépit ?
Ce meilleur-là a alors donné naissance au pire qui est souvent, en littérature, le meilleur.
Céline se dit athée et mystique ; craignant sans doute tout autant l’étiquette d’humaniste que celle d’anti-humaniste, il revendique le fait de ne pas s’intéresser aux hommes mais aux choses.Ecrivain et chroniqueur, pour Céline, écrire c’est mettre sa peau sur la table : la grande inspiratrice, c’est la mort ; à la fois risque et certitude que cette mort.
Homme sans joie, chez Céline, le vulgaire, c’est l’homme qui fait la fête ; l’homme qui souffre est seul digne de considération ; et pour cette raison, rien n’est plus beau qu’une prison, puisque les hommes y souffrent comme nulle part ailleurs. Et son Voyage s'en fera largement l'écho... jusqu'au bout de la nuit...
Nuit noire... pour une littérature de l'échec :échec en tant que médecin (sa seule véritable vocation : on ne le rappellera jamais assez !) ;échec de la mère de l'auteur qui mourra épuisée et aveugleà l’ombre du ressentiment d’un mari déclassé...
Et si... avant de mettre le feu à la littérature, l’exercice de cette médecine qui ne le mettait nullement à l’abri du besoin a pu contribuer à son dégoût plus social qu’humain (Céline n'a pas toujours su faire un tel discernement) pour cette société dans laquelle on ne fait décidément que l’expérience de l’échec…
Dans les années trente, nonobstant le succès littéraire en 1932 de son Voyage (à la fois succès commercial et succès d’estime), Céline devra faire face à un nouvel échec : celui de son intégration sociale malgré sa tentative désespérée de rallier à lui les classes dominantes (ou pour faire court : toutes les forces qui combattront le Front Populaire) à coups de pamphlets antisémites - antisémitisme largement partagé à cette époque ; et plus encore, pendant l’occupation (2), en commettant l’erreur (3) de soutenir un régime et une idéologie par avance condamnés à l’échec - encore l'échec !
2 - On pensera au suicide social d'un Céline aveugle pour qui le peuple n'est qu'une masse sans forme et sans distinction "... dont le sadisme unanime procède avant tout d'un désir de néant profondément installé dans l'Homme... une sorte d'impatience amoureuse, à peu près irrésistible, unanime, pour la mort" ; et à ce sujet, il semble que Céline ait partagé ce désir et cette impatience.
Quant à cemonde dans lequel il n'y aurait rien à sauver... Zola dont Céline aurait très bien pu être le fils naturel - il en avait toutes les dispositions, du moins jusqu'en 1935 -, n'a-t-il pas su, dans le ruisseau de l'humanité, y chercher et y trouver de l'espoir et parfois même, du sublime ?
3 -Les ignorants plus que les imbéciles… osent tout ; c’est d’ailleurs à cela qu’on les reconnaît ; ce qui, par ailleurs, n’empêche nullement l’expression et l’épanouissement de leur talent, voire de leur génie.
A la décharge de Céline... on précisera : erreur due à l’absence de culture politique et historique au sein d’une classe dépourvue des outils conceptuels propres à la compréhension de l’organisation d'une société.
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Céline n’a jamais vraiment quitté son milieu familiale ni sa classe :il n'a jamais cessé de "penser" comme elle ; il n’a jamais su s’en affranchir.
L’aurait-il fait… nombreux sont ceux qui affirment qu’il nous aurait privés d’une œuvre incomparable. Certes !
Mais... échec après échec, ne sommes-nous pas aussi tout ce que nos prédécesseurs et nos contemporains ont tenté d'accomplir ? Pays, Etats, régimes, nations, continents, cultures, individus, seuls ou bien en grappes indissociables, nous tous, n'héritons-nous pas de leurs échecs comme de leurs réussites ?
Et si, pour citer notre auteur, l'amour, c'est l'infini mis à la portée des caniches, Céline n’a jamais cessé d’être ce caniche et tous ses personnages avec lui ; personnages pour lesquels le calice de la réussite est passé loin, très loin d'eux ; calice qu’il ne leur a jamais été permis d'entrevoir, encore moins de saisir, eux tous pourtant à la tâche, jour après jour, indéfectibles, comme d’autres... au temple, zélés et fervents...
Choisissant alors de retournertoute la violence de son échec et celle d'un déterminisme social dont les parents de l'auteur furent les victimes muettes et résignées,non pas contre lui-même - ce qui nous aurait privés de son œuvre -, mais contre ses semblables - ennemis humains ;et les heureux élus auront pour noms : les plus faibles - les pauvres qu’il a soignés sans profit ; puis les juifs – minorité de tout temps bouc-émissaire ; mais aussi.. communauté incarnant l’excellence artistique, scientifique et philosophique, et plus important encore : la réussite sociale ; et en médecine, cette communauté n’était pas non plus la dernière à s’imposer…
Violence donc… bientôt étendue à toute la société; et pour finir : à tout le genre humain.
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N’en déplaise à Nietzsche…
Et si le ressentiment à son paroxysme qu'est la haine était le sel de la terre, un moteur créatif sans rival et qui ne cessera jamais de nous surprendre ? Après Matthieu, Céline accouchant d’un évangile d’un nouvel ordre : un évangile vengeur... même privé d’une revanche digne de ce nom...
Car Céline est bien à l’humanisme ce que Sade (le marquis triste) est au romantisme : une fois déçus... parce qu'introuvables, amères, ils n’en sont et n'en demeurent pas moins, aujourd’hui encore, tous les deux, redoutablement les pourfendeurs impitoyables pour avoir été de ceux qui, à leur insu semble-t-il, auront longtemps poursuivi en vain une telle quête qui, nul doute, cache un besoin insatiable d'absolu dans une recherche effrénée de leur propre salut.
Publié(e) par Serge ULESKI le 31 octobre 2010 à 11:00
Architecte et artiste peintre franco-polonaise
"… je cherche à redécouvrir l’étrangeté magique et la singularité de l’évidence. Quand je dessine un trait, j’habite déjà le lieu. Extatique, obsédée, j’y cherche la lumière et l'équilibre...
... Pour moi l'Art, c'est la célébration de la vie : énergie et mouvement - jubilation, plaisir, joie. Quand je peins, je célèbre aussi la peinture."