J’étais fatigué. Je décidai de fermer le cahier. Mes idées s’embrouillaient. Je ne pouvais me débarrasser de l’angoisse du personnage principal de mon roman. Je subissais les mots qui avaient mouillé le papier à son encontre, percé par les regards agressifs des figurants nommément cités.
Mon inquiétude grandissait à mesure qu’avançait le dévoiement de mon inspiration. Mon implication en tant qu’auteur se transformait en phobie.
Bien que j’eusse quitté le contexte de la scène livresque, je ne parvenais pas à revenir dans une situation habituelle de dépôt de stylo. J’étais assis dans le train que je croyais avoir quitté au début de l’aventure, avant de courir la campagne…
Qu’écris-je ? Je me transpose dans mon personnage… je divague. M’éteins-je en tant qu’individu de chair ? Que me faut-il faire pour revenir dans ce qui devrait être moi ?
Revenir, rester ? Tester la schizophrénie d’un personnage virtuel, au risque de me brûler les ailes ?
Qui suis-je effectivement ? Ai-je le choix entre l’auteur au travail dans son atelier, le voyageur assis dans le train et le personnage pris dans un piège absurde, dans une auberge mystérieuse ?
Le paysage qui défile à la fenêtre n’est pas celui que je connais comme étant celui que je vois habituellement lors de mes voyages en train vers Bruxelles.
Nous ne croisons aucune route ni aucun chemin, rien ne vient perturber l’immense champ de blé jaune. Il ne m’est évidemment pas difficile de faire le rapprochement avec ce que je viens d’écrire. Prémonition, auto persuasion ? Illusion créée par mon inspiration littéraire ?
Je réfléchis beaucoup trop. Le repos m’appelle, il m’invite à fermer les yeux, à…
J’entends la chanson de Jean Ferrat, « Dans le Silence » qui berce mes pensées flottantes,…c’est le soir, cela sent le thym, un bruit de charrette s’éteint, une guitare au loin s’accorde…
Commentaires