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En 1947, Artaud nous livre son « Van Gogh ou Le suicidé de la Société », livre poème sur la folie, Van Gogh et alentour de lui-même.
Comme Corrège aurait dit: "Et moi aussi je suis peintre", Artaud semble déclarer "Van Gogh c'est moi", et il écrit un oratorio.

La peinture de Van Gogh n'est pas celle d'un fou et Van Gogh ne peint pas la folie. L'écriture d'Artaud n'est pas celle d'un fou, mais souvent il peint, il représente l' aliénation mentale, et dans son "Van Gogh" il défend la folie en la situant. Ce sont les autres qui font de vous un fou. Plus précisément, le génie est une contestation radicale de la société, laquelle est injuste et criminelle. Extra-lucide, ennemi des institutions, le génie est taxé de folie, persécuté; aussi "la conscience malade a un intérêt capital à cette heure à ne pas sortir de sa maladie" et "l'aliéné authentique est un homme qui a préféré devenir fou, dans le sens où socialement on l'entend, que de forfaire à une certaine idée supérieure de l' honneur humain". Les psychiâtres érotomanes notoires, représentent la société et poussent les internés au crime; ils les "suicident".

Ces thèses, qui constituent l'ouverture du livre d’Artaud, ne se constituent pas en un réquisitoire organisé : en un déferlement de vagues cosmiques, Artaud fait toute la lumière sur les ténèbres dans lesquelles nous vivons. Et c'est bien la force toute-puissante avec laquelle Van Gogh a frappé (comme d'inanité) le monde inerte pour en tirer des feux d'artifice qu'Artaud va peindre avec un grand bonheur d'expression (qui consiste non pas en le mot juste, mais en le mot ailleurs, expressif, le mot à côté de la chose comme le couteau à côté de l'assiette): "...corbeaux noirs avec au-dessous une espèce de plaine livide peut-être, vide en tout cas, où la couleur lie-de-vin s'affronte éperdument avec le jaune sable des blés".

Cependant Artaud refuse ce bonheur, comme du début à la fin du poème il répète que Van Gogh est le plus grand de tous les peintres parce qu'il n'est pas peintre. Van Gogh, "c'est la réalité elle-même, le mythe de la réalité même...", que sa peinture fait "sonner" avec son "timbre supra-humain". C'est "un pauvre ignare appliqué à ne pas se tromper". C'est un boucher qui creuse le monde pour tracer sa route, un illuminé qui "entasse des corps", et à cet entassement correspond une formidable accumulation de traits cadencés par lesquels Artaud avance dans son discours.

Pour Artaud, la violence de Van Gogh est la réponse à l'obscénité haineuse du monde et des psychiatres: sa folie, une réponse de l' âme à l' imbécillité universelle (notamment celle de son frère Théo) qui lui souffle "Vous délirez". Et Van Gogh s'est tué parce qu'il ne pouvait tuer le psychiatre, le docteur Gachet; il s'est tué parce qu'il ne pouvait plus supporter ce "délire" qu'on attachait à ses pas.


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