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Une autre norme JGobert

L’histoire un peu étrange d’un petit homme pas comme les autres. Rencontré au détour d’un chemin, je le trouve singulier, hors norme. Tous ses gestes sont bizarres, articulés dans un ordre non réglementaire qui, à force de le regarder, me donnent le tournis. Son visage, lui aussi, m’interpelle et ses grands yeux me fixent, me clouent dans ma réalité. Je suis étonnée, subjuguée par ce petit bonhomme qui se déplace difficilement mais qui a le sourire aux lèvres. Chaque matin, quand le temps le permet, je vais au parc voir mes petits copains. Je n’ai pas beaucoup d’amis et ceux que je fréquente sont de passage. Je suis fragile. Ainsi, face à la petite fontaine du parc, mon esprit prend possession de l’endroit et en fait un véritable havre de paix. J’arrive à délimiter cet endroit et en faire mon petit paradis. Je vis dans un autre monde, celui du rêve et je suis un peu décalée dans cette société. Cette semaine, le petit homme n’est pas apparu et inconsciemment, je l’attends. Je l’attends pour l’inviter à venir s’assoir à mes côtés et dans un premier temps, rester ainsi paisiblement à regarder le tableau toujours plus beau et vivant de ces moineaux qui se posent, jouent et repartent aux moindres bruits. Tenaces, ils s’envolent mais reviennent toujours attendant les miettes que ma vie perd chaque jour. Le petit homme n’est pas venu. Un peu déçue, je me lève et repars vers cet appartement qui m’enferme de plus en plus sur moi-même. Demain n’est pas loin. Je reviendrai. Les jours suivant, mon attention est attirée par un camion de déménagement. A quelques pas de mon habitation, des manutentionnaires vont et viennent. Cartons, meubles, le tout passe du camion à l’appartement du rez de chaussée. Portes et fenêtres sont ouvertes. L’appartement n’est pas grand mais suffisant pour y être bien. Ma curiosité s’arrête là et je reprends ma promenade quotidienne dans le parc où j’arrive à respirer librement. Tout est à sa place et j’avoue ne pas aimer le changement. Au détour d’un chemin de traverse, j’aperçois mon homme désarticulé qui se promène, seul, le sourire aux lèvres. Son regard croise le mien. Nous sommes deux inconnus dans ce parc et j’ai l’impression d’avoir déjà vécu ce moment dans une autre vie. Mon banc m’attend, mes oiseaux aussi et mes pensées sont pleines d’images nouvelles. Une bouffée d’optimisme ou plutôt un petit moment d’emballement intérieur que cette rencontre me délivre. Ce jeune homme respire la joie malgré ce handicap qu’il ne peut cacher. Mon résonnement est primaire. La norme n’est pas la mienne. Je suis toujours dans l’imposture de la masse qui veut que tout se ressemble, que tout soit pareil. Quelques jours plus tard, c’est lui qui s’approche et vient me saluer. Sa voix est tendre et douce. Son regard bleu et limpide. Cette fois, je suis impressionnée de le voir près de moi. Il prend possession du banc avec difficulté et se prête volontiers aux jeux des questions et des réponses. Son parcours est singulier, atypique. Il a dû se battre chaque jour pour apprendre les gestes courants de la vie. Mais loin d’être aigri, il se révèle être quelqu’un de joyeux, d’heureux et de rayonnant. Il connait ses limites, ses besoins, ses exigences. Son indépendance commence ici, pas sa liberté. Il sait que rien n’est facile. Il a déjà vécu le pire. Je lui propose mon aide. Son autonomie ne sera jamais complète et il le sait. Il l’accepte avec beaucoup d’intelligence et me gratifie du nom d’ami. Nos vies se ressemblent, blessées, cassées. Les critères des hommes ne s’appliquent pas à nous. En somme, nous n’en voulons pas. Notre normalité est autre, elle nous ressemble et nous appartient. Dans ce monde où tout doit être dans la norme, nous avons décidé tous les deux de vouloir le meilleur, pas la perfection. C’est un travail ardu mais grâce à notre nouvelle amitié, de nouveaux horizons s’ouvrent à nous. Mon cœur s’emplit de bonheur. Il sait que mon amitié lui est acquise.

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Commentaires

  • La souffrance est partout. Cachée au fond des cœurs ou visible sur des corps maltraités, elle ne laisse jamais indifférent. Certains l’expriment dans de la poésie, d’autres l’écrivent mais personne ne la passe sous silence. Certains handicapés savent se battre pour vivre une vie meilleure et ils nous donnent l’exemple. Des modèles qui élèvent au respect.

    Excellente journée Rolande.

    Amitiés

  • J'arrive avec un peu de retard, mais je me sens vraiment très proche de vos émouvants personnages.

    Une véritable amitié se  noue très souvent entre personnes gravement blessées par la vie car nul n'échappe aux vicissitudes de l'existence, même s'il nous est arrivés, jadis au temps des illusions grandes ou petites de rêver glisser à côté,

    Après être passés par l'effroi des guerres nous ne pouvons rêver que Paix paix, paix ! Hélas nous sommes loin de compte.

    Il y a les handicapés dont le handicap est très visible et, bien souvent, nul ne restent insensibles à leurs souffrances. Peu détournent le regard. Les autres ont peur et préfèrent ne rien voir, ne rien entendre.

    Par contre, il y a des handicaps peu visibles qui n'engendrent pas moins de souffrances. De ceux-là, personne ne se préoccupe vraiment ! Sans s'imaginer que sous une belle carapace peuvent battre des cœurs et des corps souffrants. J'en ai connu personnellement lors des mes bénévolats auprès des malades et des mourants.

    Les handicapés du cœur, que ce soit physique ou moral entrent souvent dans ces catégories.

    Merci pour ce beau texte qui, une fois de plus, mène à la réflexion.

    Bonne fin de semaine. Amicalement. Rolande.

  • Oui, beaucoup de gens n’aiment pas le changement et pourtant, tout change tout le temps. Heureusement que nous ne sommes pas figés ou contraints de revivre toujours la même chose et que nos esprits sont libres malgré nous. Partir à la recherche de la quête du bonheur alors que beaucoup l’ont déjà avec eux. Le problème est de chercher au bon endroit et de le trouver, même parfois incomplet. Avoir le meilleur, pas le mieux.

    La différence est dans l’esprit de ceux qui ne veulent pas voir.  Surtout ceux qui croient être exemptés de la souffrance, de la maladie. Vivre en harmonie avec le handicap est un long chemin. Ne pas se laisser blesser par la norme, le critère, l’image. Un dur combat.

    Amitiés Gilbert

  • Merci Adyne pour ton passage.

    Excellente fin de journée

    Amitiés

    Josette

  • Magnifique texte qui nous laisse un beau message. Merci Josette

    Bonne fin de semaine

    Amitiés.

    Adyne

  • Bonsoir Josette,
    En général les gens n'aiment pas le changement alors que tout change tout le temps ! "Il n'y a que le changement qui ne change pas "( philosophe célèbre). Il n'est donc pas simple d'accepter ce qui nous contrarie et bouleverse nos habitudes. Nous nous battons en permanence pour que rien ne change alors que tout est impermanent. Toujours avoir une belle voiture, de belles tapisseries, des vêtements à la mode, nous refaisons nos visages mais jouons surtout à Don Quichotte à nous battre contre des moulins ! Les blessures de la vie qui n'épargnent personne, ce qui est une réalité incontestable, devraient nous rendre meilleurs, plus solidaires, plus aimants vis à vis d'autrui , moins intéressés, plus humains en somme ,sont difficilement acceptées par ceux qui sont sur la liste d'attente et qui s'imaginent n'être jamais concernés par la souffrance. Quelle triste illusion ou lacune . Mais il faut parfois rire pour oublier de pleurer. Vous avez regardé l 'handicap et l'avez approché, et même consacré votre métier à ses côtés mais combien sommes nous à approcher cette différence ?
    Bel écrit et aussi beau message.
    Amitiés
    gilbert

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