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Une approche à l'œuvre de Adrian jurado


Par Nathalie Sedou *

                       I première étape : Muralisme

Le désir de peinture chez Adrian Jurado (né à Mexico city à l'aube des 70’s) a été spontanément un désir de peindre “grand”! Formé à l’Académie de San Carlos (UNAM) et au sein de la fameuse école l’Esméralda (INBA) dans un pays marqué par le Muralisme, l’artiste s’est vite situé du côté de ceux qui voient la peinture comme l’expression d’un rapport au monde et un moyen de protestation. Il choisit délibérément d’approcher la peinture monumentale, fruit de l’engagement - nécessaire - de l’artiste. Très jeune il participe à la réalisation de peintures murales à la suite de commandes publiques. En 1993 il est invité par le comité belge d’Europalia Mexique avec le bout de réaliser une peinture murale dans la Maison d’la Amérique latine, et en vu des difficultés trouves au-delà des critères esthétiques il décide de rester à Bruxelles juste a réaliser ce lui ci, et entre temps il va suivre les cours de peinture monumental à l’Académie des Beaux-arts de Bruxelles.

Ses premières peintures, dans une recherche effrénée de la matière, montrent des corps situés dans un espace non défini, et s’inscrivent dans un discours principalement allégorique et symbolique, faisant référence aux maux générés par l’intolérance (expulsés du paradis), la guerre (une fresque par la paix, Mexique 1990), le poids de l’Histoire. Les personnages sont anguleux, souffrants, tordus jusqu’au démembrement Dans ces corps meurtris, même les courbes deviennent dures. Il donne aux gestes de la main une importance accrue: Crispées, écartelées ou menaçantes, elles sont signes d’autorité ou geste de douleur, refus, protection. L’incarnation viscérale des corps qui nous frappe au premier abord dans la peinture d’Adrian Jurado rend compte indirectement des images de destruction et de souffrance réelles du tremblement de terre à Mexico en septembre 85 ou de l’explosion de gaz de San Juanico.


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               ll deuxième étape "S P E C T R U M"


En 1996 il est invite à Rostock Allemagne.la biennal international “Seinsichten aus Welten” (Entré des vues du monde) qui a pour objectif de faire travailler ensemble des artistes de divers horizons. C’est là que s’élabore Spectrum, une série de toiles de moyen format peint à l’acrylique qui marque une étape essentielle dans son travail.

Il s’en dégage un fort sens de la situation et une nouvelle représentation des figures (éviction de la chair), de même que s’impose le choix d’incorporer des éléments “étrangers” par le collage. Dans le tableau, une fois que l’environnement se constitue, que la composition est établie, il “découvre” des silhouettes et provoque la situation. L’ajout d’objets et de signes interviennent dans la phase ultime de l’œuvre, et c’est alors vraiment qu’elle fait sens, en même temps qu’elle deviendra ironique, énigmatique...

Par ses vertus narratives et son art de l’ellipse, il donne la sensation au spectateur observant ses tableaux que quelque chose est sur le point de se passer ou s’est passé; le spectateur est arrivé trop tôt ou trop tard; tous les éléments ne lui sont pas communiqués, alors il complète, subodorre, imagine.

Cet univers pictural s’articule essentiellement autour de 2 axes. D’une part, il tend à montrer des situations de domination imposées par la force ou mises à mal, provoquant des manifestations de violence, de tension ou de résistance, où le sujet peint devient l’expression d’une contestation et d’une remise en question de l’autorité ( la lettre avec sang s'apprend, le dernier dîner). D’autre part il pose un regard presque désabusé sur le quotidien en le montrant sous un angle sordide et écrasant ( la dernière et nous partons, jusqu'à ce que la mort nous sépare) et incluant des signes par le collage qui dénonce une logique de consommation ("hasta agotar existencias"-jusqu'à épuiser des stocks- la dernière mode) Cela crée une “géographie” toute particulière puisque ces deux visions s’interpénètrent, nuancent le propos et montrent les effets des rapports de domination au quotidien, dans ses implications économiques, sociales, humaines, sexuelles.

L’avancée la plus prodigieuse dans son travail tient à la façon dont il s’est mesuré avec un possible «représentation » du temps. Auparavant, son ardeur à revendiquer la notion d’art public et la nécessité de se confronter à l’immensité de la surface à peindre avait maintenu Adrian dans un registre fortement lié au Muralisme: celui du temps historique. L’artiste situait ses protagonistes dans un cadre évènementiel, les plongeait dans les tourments de l’Histoire en faisant référence à des époques précises (la période préhispanique et la conquête, la domination américaine, la guerre du Golfe... .) Or, dès Spectrum, il développe un autre registre du temps: celui là comme expérience de la durée. Il joue à recréer une sensation de temps qui s’étire ou se condense, à user de ses manifestations mentales (réminiscences, évocation des morts), et s’intéresse à la notion d’usure, en cherchant à la traduire par des signes dont le référent n’échappe pas au spectateur: désagrégation de la matière, rouille, désolation des lieux, objets cassés et laissés à l’abandon, toiles d’araignées, ruines. Pour cela, il retravaille la matière, reprend des stéréotypes, et emprunte inconsciemment des modes propres au cinéma (séquence, gros plan, ellipse... )


 *Nathalie Sedou
(historienne de l'art par l'université de Lille) France
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