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Un combat qui se termine bien

 

Je vous invite à la découverte d'une historiette, inspirée des temps lointains où j'habitais rue des Tanneurs, à la porte des Marolles.

 

 

Cette fois, Antonino en avait assez ! Il poussa brutalement la porte de la remise et donna un coup de pied dans une cage à poules vide.

 

Après le grand soleil du dehors, on y voyait à peine.  Une âcre odeur de poussière et de vieilles choses prenait à la gorge.  Le garçon passa  la  main dans ses boucles drues et écarquilla les yeux. Il aperçut enfin, appuyée au mur du fond, ce qu'il cherchait : une voiturette de glacier, ornée de bouts de miroirs et dont chaque flanc portait sur fond crème un paysage italien.  Le décor lui faisant face représentait le Vésuve couronnant la baie de Naples, du moins pouvait-on présumer que l'artiste n'avait pas voulu évoquer autre chose.

 

Antonino s'approcha et resta en suspens, étourdi par une brusque bouffée d'enfance. Il lui suffisait de fermer les yeux pour revoir les autres panneaux.  Né impasse du Fauconnet, en plein cœur des Marolles, dans le fumet victorieux des caricoles, il avait appris la géographie de l'Italie en interrogeant ce quadruple visage. Aussi à ses yeux le pays de ses pères tenait-il tout entier dans un panorama de Naples, les fontaines de Rome, le palais des doges et l'échelle de soie de Roméo suspendue au plus charmant balcon de Vérone.  Ces naïves illustrations l'avaient gardé plus italien que les tomates frites et le chianti du dimanche.

 

Attendri, Antonino effleura d'une main frémissante le panache du Vésuve, la retira noire de suie et l'essuya au fond de son pantalon.  Par petites secousses maladroites il fit pivoter la voiture.  Lorsqu'elle fut dans la bonne position, face à la porte qui béait à quelques mètres, il lâcha les poignées pour se signer.

 

Si, après tant d'années d'abandon, la voiturette allait s'effriter avant de quitter son abri, son rêve tomberait de même en poussière.  Mais elle se contenta de gémir, coquetterie bien légitime à la fin d'un si longue relégation.  Cette plainte insolite attira la maman d'Antonino au seuil de la cuisine.  Elle resta interdite un instant puis se détendit comme un ressort.

-         Tonio, je t'avais défendu ! La voiture de papa ! Ah ! tête de mule !

 Si la mama l'avait osé, elle aurait giflé son fils, mais il avait dix-huit ans et en qualité d'aîné, la mort du père l'avait sacré chef de famille.  Antonino devina le combat et la considéra d'un œil terrible.  Il ne fallait pas, oh non, il ne fallait pas lui permettre d'arriver à cette extrémité.  Le moyen, pour un garçon giflé par sa mère, d'affirmer qu'à dater de ce jour, il agira en homme, sans se soucier des lamentations féminines ?

La main de la mama retomba dans son tablier et des larmes d'impuissance lui vinrent aux yeux. Antonino se fit câlin.

-  Aide-moi donc à la nettoyer.  Regarde ! Elle est encore toute belle.

La mère alors prit sa revanche.  Elle écarta le jeune homme d'un coup de coude.

-  Laisse donc. C'est mon affaire.  Papa n'aurait pas permis que tu y touches.

Et elle se mit en devoir de récurer la voiturette.  Antonino, autorisé à l'aider, transportait les seaux, rinçait l'éponge et la peau de chamois.  Le nettoyage terminé, tous deux se recueillirent.  Débarrassée du fard de la poussière, la peinture apparut fort écaillée.

    -  Je la repeindrai, fit Antonino avec ferveur.

- Et le Vésuve, tu vas donc peindre dessus et Juliette à sa fenêtre, ce n'est pas possible,   voyons, dit-elle, tout en s'essuyant les yeux du coin de son tablier.

- Alors je ferai des retouches de mon mieux.

Un silence religieux se maintint durant quelques minutes.  La mama le rompit la première.

- Tu vas vraiment t'en servir ?

- Oui, fit Antonio d'une voix forte et le torse bombé.  Je veux reprendre le métier de papa. Je ne veux plus ressemeler des chaussures dans une échoppe puante.  Je veux le soleil et le ciel bleu et… gagner de l'argent.

- Mais, que dira Angelo ?

- Je n'ai pas de comptes à lui rendre, fit-il d'un air à la fois troublé et résolu.

 

Quelques jours plus tard, Antonino quittait l'impasse en poussant la voiturette, toute proprette et fringante sur ses roues bien huilées.  Les cuves étaient lestées de crème glacée que la maman, en l'absence de matériel perfectionné, avait préparé à l'ancienne mode, dans des cuveaux garnis de gros sel.  Ensuite, un fichu jeté sur les cheveux, elle s'était rendue à l'église brûler un cierge.

 

Elle avait fait de même le jour où Antonino était entré comme apprenti chez le cordonnier et elle devait bien reconnaître que cela n'avait pas servi à grand-chose.  Raison de plus pour tenter d'amadouer le Seigneur cette fois-ci.

 

Quant à Antonino, il était debout depuis l'aube et se rongeait les ongles d'impatience.  Il avait vu le ciel prendre des tons fondants de sorbet et s'azurer, il avait assisté à  l'apparition du soleil. Sur le coup de dix heures, il sentit qu'il ne pouvait plus reculer.

 

La première personne qu'il rencontra fut Angelo. Celui-ci dévalait la rue, campé d'un air si hautain sur le siège de son tricycle qu'il semblait chevaucher un destrier.  A la hauteur d'Antonino il ralentit et se pencha vers lui, comme s'il doutait du témoignage de ses yeux puis, d'un coup de pédale impérieux, il accéléra sa descente.  Au bas de la rue il stoppa et attendit, les bras croisés sur la poitrine et il lui reluisait au soleil comme une paire de bottes bien cirées.

 

Le conducteur du Vésuve n'avait pas assez de toute sa présence d'esprit pour retenir sa voiturette qui tintinnabulait gaiement sur les pavés en pente raide.  En novice il ignorait encore comment freiner d'un coup de rein.  Il réussit pourtant de justesse cette première épreuve.  Arrivé près d'Angelo, il s'apprêta à affronter courageusement la seconde.

 

La chair trop bien nourrie d'Angelo et ses petits yeux noirs brillants comme des boutons tout neufs baignaient dans la lueur dorée du vélum en plastique jaune de son tricycle.  Il souriait aimablement.  En glacier moderne, il avait opté pour la traction à essence et de même qu'il avait relégué le joli parasol à raies rouges, il s'était prononcé pour les colorants et la crème minute.  Sa clientèle était nombreuse, son commerce prospère, son crédit auprès des jeunes filles illimité, il avait donc tout lieu d'être content de lui.

 

- Heureux de te voir, Antonino ! Tu es en congé ?

- C'est fini, le cordonnier, fit l'autre avec défi.

- Tiens ! Et pourquoi ?  C'est pourtant un bon métier. Mais pour ce qui est de ça, tu as pris la bonne décision, reprit-il en pointant l'index sur le Vésuve.

- C'est vrai ? fit Antonino avec émotion, voyant poindre une imprévisible entente cordiale.

- C'est sûr ! Au Vieux Marché, tu en auras bien cinquante balles.

    Sans attendre la réponse, il poussa sur le démarreur et s'éloigna en rigolant.

- Je te ferai voir de quel bois je me chauffe, hurla Antonino, en tendant le poing. 

    Et, saisissant sa trompette de cuivre, il y souffla rageusement.

 

   La première heure il ne vendit rien.  Soit qu'il suivît de trop près son rival, soit qu'il signalât sa présence avec trop de modestie.  Chaque fois qu'il était sur le point de sa décourager, il se répétait : Voici une semaine je faisais fondre de la poix sur le réchaud du vieux Léon.  Alors sa poitrine s'élargissait pour mieux humer l'air de la rue et le feu sacré se rallumait.  Son premier client fut un tout petit garçon costumé en cow-boy qui s'enfuit sans payer.  Cet incident l'inclina à témoigner à l'amateur suivant une méfiance exprimée carrément en ces termes : Fais voir tes sous !  La mère sortant d'une épicerie, surprit l'injonction et la prit en mauvaise part.  Antonino s'entendit traiter de gangster et de sale macaroni.

 

Une sortie d'école lui offrit enfin une chance.  Ensuite il cassa la croûte dans un petit café, assis près de la vitre, pour surveiller son bien et de peur de laisser échapper un client.  Cette journée décisive se passa ainsi vaille que vaille, dans des alternatives d'abattement et d'enthousiasme.  Vers le soir, Antonino stoppa dans une petite rue déserte et se mit en devoir de vider ses cuves, afin que sa maman crût que les choses s'étaient passées au mieux. Pendant ce temps il rêvait d'un petit salon de consommation, à front de rue, garni de miroirs et beaucoup plus luxueux encore que celui d'Angelo… Ce satané Angelo qui lui gâtait ses espoirs et apparaissait aux quatre coins de ses rêves glorieux, comme l'ange de Dieu veillant au seuil du Paradis Terrestre.

 

Cette nuit-là Antonino eut une indigestion et se promit de n'être plus jamais obligé de consommer lui-même sa marchandise.  Ce qui ne l'empêcha pas, le lendemain, dès dix heures, de surgir de l'impasse, non en bleu intimidé mais en combattant prêt à tout.  Sondant la rue d'un regard agressif, il aperçut son rival qui enfourchait son tricycle.  Ils étaient trop bien synchronisés pour ne pas y lire un signe du destin.  L'un des deux était de trop ! Angelo fondit du haut de la rue et rasa de si près le gêneur que l'intention de détruire le Vésuve et sa cargaison était manifeste.  Les deux garçons serrèrent les mâchoires en silence.

 

Le duel à mort devenait inévitable mais les pensées guerrières d'Antonino s'évanouirent comme un souffle de vent, à la vue d'une jeune fille en robe d'organdi rose qui surgit au coin de la rue et monta à sa rencontre en balançant les hanches.  Elle lui souriait.  Ravie de commencer la journée par une cliente si accorte, il s'apprêta à prendre la commande mais la fille se contenta de chantonner en passant : Bonjour, Antonino. Puis elle éclata de rire et poursuivit son chemin, sans se retourner, laissant notre ami ému, bouleversé.

 

Qui était cette belle inconnue qui, pourtant, semblait le connaître ?  Une payse à n'en pas douter, débarquée depuis peu de la mythique Italie.  Sa voix chantante confirmait ce que son physique indiquait si bien.  Pas très grande et potelée, la fille avait le teint brun, les cheveux noirs et annelés massés en chignon, l'œil étincelant sous le long sourcil de jais et ses lèvres charnues découvraient des dents éblouissantes.

 

Antonino regrettait fort de n'avoir pu mettre à profit la rencontre.  Il aurait pu… offrir une glace à la jeune fille… Lui demander son nom… Si elle était nouvelle venue dans le quartier ou si elle ne faisait qu'y passer.  Et même, avec un peu d'audace, lui fixer rendez-vous.

 

Son imagination échauffée ne se fixait plus de limites et il n'était pas loin de croire que s'il l'eût voulu, il  n'est rien qu'il n'eût obtenu de cette sirène en rose.  Il faisait une chaleur accablante et peu à peu la veste craquante d'amidon du garçon mollissait aux aisselles.  La sueur perlant sur son visage, il poussait sa voiturette comme en rêve par les rues étroites et ombreuses et il avait soif d'amour et d'eau fraîche.  Il allait, la tête bourdonnante de roman et de soleil, hanté par la voix chaude qui avait si bien prononcé son nom.  Sans y prendre garde il en changeait l'intonation, la gonflant de langoureuse tendresse.  Il allait à pas incertains, ne se souvenant de rien, ni du Vésuve au fond duquel la crème glacée commençait à fondre, ni d'Angelo, ni de ses ambitions marchandes.  Aussi récolta-t-il sans s'étonner la nuée de clients qu'il avait cherchée la veille avant tant d'âpreté.

 

A midi il lui fallut rentrer chez lui pour se réapprovisionner.  Pendant qu'il se reposait, les coudes sur la table, dans la fraîcheur de la petite salle au parfum d'ail et de savon noir, la mama vint tourner autour de lui comme un frelon, grasse et sombre, sans se douter qu'elle dissipait aux yeux de son fils un ravissant nuage rose.   Toute frémissante d'agitation, elle brûlait d'envie de conseiller son fils, de le seconder de son mieux puisque la chance semblait lui sourire.  La pincée de billets jetés sur la table par Angelo avait réveillé dans ses os une soif éteinte depuis longtemps, faute de pouvoir s'épancher.  Elle s'était rappelée les bons jours où son mari faisait choir dans la maison une pluie de piécettes qu'elle empilait avec tant de plaisir, avant de les ranger dans une vieille boîte à biscuits.

 

- Tu sais où tu devrais aller ? Dans les jardins de l'Albertine. Il y a des enfants qui jouent là tout l'après-midi.  Ca t'en ferait de la clientèle !

- J'y avais pensé, assura Antonino, pourtant incapable depuis la rencontre du matin d'une pensée mercantile.  Là-dessus il se leva et se remit en route, renouant avec ravissement le fil arachnéen de sa rêverie.

 

A cette même heure  Angelo venait, comme à l'accoutumée, de prendre possession de l'esplanade de l'Albertine et, laissant venir à lui les gamins, il leur distribuait d'un geste rond de semeur cornets et galettes.  Tout allait à merveille quand il aperçut Antonino et sa voiturette.  Il s'immobilisa.  Ses petits yeux brillèrent comme des couteaux qu'on aiguise et, son cou se gonflant de colère, son bouton de col sauta.

 

Possédait-il un tricycle, un salon de consommation, maintenait-il depuis cinq ans sur la rue du Faucon et extensions le monopole de la crème glacée, pour supporter qu'un apprenti vînt chasser sur ses terres ?  Il se dressa sur ses pédales comme un  coq sur ses ergots, son visage prit une teinte violacée.  Ses bras battirent et retombèrent le long de sa veste avec un claquement menaçant, ses yeux dardèrent un rayon mortel et sur le ruban de sa casquette le soleil alluma un reflet d'incendie.

 

Mais Antonino s'en fichait bien !  Il venait d'apercevoir, se prélassant sur un banc, la jeune fille à la robe rose.  Sa vue se troubla et il lui dédia un tremblant sourire.  Elle le lui rendit et lui fit un signe amical de la main.  La joie cloua le garçon au sol quelques instants.  Cela suffit pour déclencher le drame.

 

L'orage est souvent le fruit des jours les plus aimables et les plus bleus et l'événement s'annonça de la plus gracieuse façon.  La fille se détacha du banc comme une lourde fleur ployant sur sa tige et, ondulante, elle glissa vers son admirateur.  Celui-ci ouvrit d'un geste large ses deux cuves, heureux si elle acceptait d'y plonger les deux mains.  Tel un moineau lissant ses plumes au bord de la fontaine, elle avait en s'avançant de petits mouvements de tête qui mirent des ailes à l'amoureux.

- Te voilà, Antonino.  Donne-moi donc une boule à la vanille.

 

Mais Angelo était descendu de son perchoir.  Cette fois il suffoquait.  Il bondit comme un tigre, saisit la jeune fille par le bras et la rejeta au loin.  Ensuite son poing s'écrasa sur le nez d'Antonino.  Eberluée, la victime poussa un rugissement de rage.  L'amour, la jalousie, la rivalité commerciale, l'humiliation, la colère l'anéantirent puis, le soulevant aux cheveux, le jetèrent dans la bataille comme un tourbillon. 

 

Mais si Antonino était léger et souple et porté par la passion, Angelo était un lourd taureau de combat, rompu à la lutte et aux méchantes ruses et, tenant son adversaire sous le marteau-pilon de ses poings, il semblait vouloir le réduire en poussière.

 

Maria qui vivait le moment le plus glorieux de son existence poussait des cris aigus en trépignant.  Deux agents arrivèrent enfin au petit trot et séparèrent les combattants mais à ce moment Antonino gisait déjà, saignant et meurtri, à côté de sa voiturette, tandis que Maria sanglotait à ses pieds, agenouillée et repentante comme une Madeleine.

 

Il fallut transporter le blessé à l'hôpital.  Pieusement Maria reconduisit elle-même le Vésuve impasse du Fauconnet.  L'agresseur s'en fut passer quelques heures à l'ombre, destin digne d'envie par une journée aussi chaude.  Pendant ce temps l'agitation grandissait dans les deux familles par les bons soins de Maria, courant d'une mère à l'autre, avec une vélocité remarquable.

 

Tantôt elle épouvantait sa tante, mère d'Angelo, en lui peignant son fils dans les griffes de la loi, tantôt elle faisait pâmer la mère d'Antonino, en lui représentant son rejeton sanglant et inanimé sous le scalpel.  Tantôt elle émouvait l'une et l'autre en psalmodiant que les deux garçons avaient failli s'entre-tuer par sa faute.

 

Enfin tout ce bouillonnement retomba et les trois femmes revinrent à la réalité.  La convergence de leurs intérêts les mit d'accord et, chargées de présents, elles s'en furent à l'hôpital.  Antonino était allongé sur son lit, bien sage dans ses bandelettes, fatigué et la tête sonnante.  Le trio entrant sur la pointe des pieds le tira de sa torpeur.  Il crut d'abord rêver et se sentit mal à l'aise, comme s'il devinait que ces trois femmes, les deux noires et la rose, allaient changer son destin, comme des fées prêtes à se pencher sur lui pour marmonner des charmes.

 

La triple apparition s'approcha de son lit.  D'abord sa mère avec un sachet de reines-claudes  puis Maria, les bras encombrés de magazines et, enfin, la plantureuse mère d'Angelo, toute souriante sous ses fortes moustaches, et tenant à deux mains une énorme grappe de raisins ambrés.

 

Alors Antonino connut qu'il ne rêvait pas.  Sa maman se précipita sur lui, le tâta et le mouilla de ses pleurs.  Ensuite, rassurée de le sentir chaud et vivant, elle se laissa tomber sur une chaise et se signa.

 

Puis Maria entra en lice.  Elle se saisit de la main du blessé et, roucoulante, lui demanda pardon.  Elle s'informa en tremblant s'il ne souffrait pas trop.  Antonino se serait volontiers fait hacher menu pour vivre un tel moment.  Aussi fut-il trop heureux de se déclarer nullement offensé et tout à fait dispos.

 

- Mais Angelo ? Il est à la police à présent !  C'est ma faute ! Comme je le regrette ! J'ai voulu taquiner mon cousin, le faire mousser en allant te parler et tu vois ce qui est arrivé.  Promets-moi que tu ne porteras pas plainte, que tu prendras tout sur toi si on t'interroge. Fais-le pour moi et pour ma tante qui est désespérée.  Angelo fera la paix avec toi, c'est juré.  Il te laissera tranquille.

 

Antonino fit un signe d'assentiment.  Bien sûr il était déçu d'apprendre que Maria n'avait été gentille avec lui que pour mortifier Angelo mais il demeurait avant tout sensible à une tendre pression de main, au point d'oublier la brûlure des ecchymoses.

 

Les deux mères poussèrent un profond soupir de bonheur.  Celle d'Angelo déposa enfin sa grappe de raisins sur le lit et eut un sourire tout gonflé de reconnaissance. 

  

Impuissant et superbe, Antonino flottait entre deux eaux, dédaigneux de savoir quel coton lui filaient les trois Parques penchées à son chevet.  Amoureux et l'esprit envolé, il sombrait dans le sommeil, seulement relié au monde des vivants par la paume tiède qu'il continuait à serrer.

 

                                                                                                       MARCELLE DUMO NT

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