Tu naquis près de Grenade la Maure, parmi les vergers en fleurs de Fuente Vaqueros, sous les neiges de la Sierra Nevada, où la glace et le feu à la tombée du soir se fiancent en silence, et tes amis vivaient du soleil de ton rire…
La balle a percé ta poitrine où sanglotait un rossignol et dans ta gorge où dormait la colombe du soir, ont fleuri des œillets rouges. La nuit a fermé tes paupières, les étoiles de tes beaux yeux se sont fermées…
Tu es couché dans la poussière, Federico
Dans le sang et le crépuscule,
Comme Ignacio Sanchez Mejias,
Tué par la corme du taureau
Bêtise a pour nom la corne Federico
Bêtise au front de taureau.
Tu rayonnais dans la lumière,
Et ta joie réjouissait la nuit,
Tu es couché dans la poussière,
Et qui pourra nous consoler ?
Tu portais le feu dans tes mains,
Et la vie paraissait plus belle,
Tu es couché dans la poussière,
Et rien ne peut nous consoler.
La violette a perdu son parfum
Et le fleuve sa voix de cristal.
Bêtise a pour nom la corne
Bêtise au nom de taureau.
Tu n’avais pas de cape rouge,
Mais les simples mots d’un poète
Tu es couché dans la poussière,
Comme Ignacio Sanchez Mejias
La lune a perdu son éclat,
Et les étoiles leur parfum
Bêtise a pour nom la corne,
Bêtise au front de taureau.
L’arène a pour nom la guerre,
Le coup de corne fut pour toi
Bêtise a pour nom la corne,
Bêtise au front de taureau.
Notre cœur est brûlant, une épée le traverse,
Mais tu revis en nous dans un air de guitare,
Une voix qui s’élève dans la douceur du soir.
A Fuente Vaqueros, les vergers sont en fleurs,
Le crépuscule rougit la Sierra Nevada,
Fiançailles éphémères de la glace et du feu,
Le crépuscule rougit les murs de l’Alhambra.
Dans le ciel de Grenade s’allument les étoiles,
Fontaines et jardins chantent dans la nuit bleue
Les orangers frémissent sous la brise du soir.
La nuit fleurit en nous, comme un fruit délicieux
La lune, lame d’argent, cisèle l’Alhambra…
Un parfum de jasmin s’élève comme un encens
La vie est douce à en crier
« - Tu es là Federico ?
- Bien sûr que je suis là…
J’ai toujours été là…
Je ne vous ai jamais quittés. »
Note : Ignacio Sanchez Mejias était un célèbre torero espagnol qui fut tué dans l’arène. Deux ans avant sa propre mort, Lorca écrivit en son honneur Chant funèbre pour Ignacio Sanchez Mejias où il exprime son obsession (et peut-être son pressentiment) de la mort violente. Assassiné le 19 août 1936 par la garde franquiste, Federico Garcia Lorca fut l’une des toutes premières victimes de la guerre civile espagnole.
Commentaires
Il ne meurt pas le poète...
Magnifique...
Merci