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Souvenirs d'un vieillard

 

Se souvenir, c’est une activité de vieillard.

J’imagine que c’est pour prouver qu’ils ont vécu que les plus âgés d’entre nous sont incités à se souvenir. J’ai connu une femme qui les relatait avec beaucoup de précision, et qui les datait dans l’ordre duquel les faits évoqués s’étaient déroulés.

Ils étaient si nombreux et si détaillés qu’on pouvait croire qu’elle avait vécu deux fois. Ou alors c’est que certains d’entre eux, elle les avait vécus en même temps.

Et moi ? N’ais-je connu que des choses agréables ? C’est impossible, je le sais. Mais les choses qui ne l’étaient pas je n’ai jamais désespéré ni de les surmonter ni d’en connaitre d’autres plus heureuses. Ou alors c’est que j’ai beaucoup oublié.

Parfois je me pose la question : et si je suis heureux tout simplement parce que j’existe ? Pourtant ce n’est pas vivre que de seulement exister. La plupart des penseurs le prétendent depuis la plus lointaine antiquité. Ce qui m’a toujours surpris, c’est que leur visage exprime de la tristesse.

Les souvenirs sont souvent identiques chez la plupart d’entre nous. C’est affaire d’imagination je suppose ou d’obsession.

Les miens évoquent toujours les femmes que j’ai aimées ou celles qui m’ont aimé. J’ai de la chance, j’ai toujours été aimé des femmes.

La première dont je me souvienne était la fille du docteur Adam dont le domicile se trouvait en face du nôtre. Nous nous connaissions depuis l’âge de douze ans mais notre premier baiser nous l’avons échangé à l’âge de seize ans dans le parc qui se trouve à côté de la gare des chemins de fer. C’est là que se rejoignaient les jeunes gens. Les sentiers y étaient étroits et sinueux. Peu de temps plus tard nous avons cessé d’être amoureux l’un de l’autre. Je voulais la caresser mais j’avais peur des aspects obscènes de l’amour Finalement, elle aurait probablement été heureuse si j’avais eu le courage de la bousculer comme j’avais deviné que le faisaient certains couples dissimulés dans les broussailles. Trop respecter une femme, je le sais aujourd’hui, c’est la décevoir.  

Un autre souvenir date de plus tard. Une jeune espagnole m’avait entraînée le long du fleuve et elle avait glissé la main dans mon pantalon. Hélas, j’avais joui presque tout de suite de sorte que depuis elle sortait avec le fils du marchand de meuble, une sorte de rustre qui se vantait de ses conquêtes.

La seule femme à laquelle je n’associe pas les gestes de l’amour physique, c’est ma femme. L’épouse avec laquelle j’ai vécu plus de vingt ans avant qu’elle ne meure.

Puis, j’ai rencontré cette amie qui relate aujourd’hui  ses souvenirs si méticuleusement. Ils sont tous attachés aux amours qu’elle a connus. Je me demande si elle leur attribue des notes ou des points ?

Souvent les vieillards trient les photos qu’ils avaient entassées sans beaucoup d’ordre dans des boites à chaussures.

Cette amie était à cette époque une femme à qui les jeux du sexe étaient nécessaires. Question de culture, disait-elle.

Nous avons comparé nos souvenirs.

C’est drôle, elle et moi n’avions que deux souvenirs en commun. Le premier datait des premiers jours de notre rencontre. Le second de la dernière nuit. Je m’en souviens parfaitement, au petit déjeuner elle a tenu à me beurrer mes tartines.

Le temps a fait son œuvre comme on dit. Ou l’âge.

 C’est quoi les souvenirs d’un vieillard ? Je le saurai un jour, je suppose.

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Commentaires

  • Un peu de "Déjà lu"  avec une bonne réflexion sur nos états de souvenirs de "vieux" ....

    Comment faire le tri ? Tant ils finissent par se bousculer.

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