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12272730087?profile=originalJournal intime de Paul Léautaud (1872-1956), publié à Paris au Mercure de France de 1954 à 1964 (18 vol.). Un dix-neuvième volume comprend une présentation générale de l'ouvrage par Marie Dormoy, quelques pages retrouvées et un index général.

 

Du 3 novembre 1893 au 15 février 1956, Léautaud consigne tous les soirs les événements vécus et les propos échangés dans la journée. Ce sont surtout des rencontres avec des écrivains (Gourmont, Valéry, Gide) croisés au Mercure de France (où il travaille pendant quarante-cinq ans), les méditations qu'il poursuit au cours de promenades dans Paris, le récit de ses liaisons, la vie des nombreux animaux domestiques qu'il héberge dans sa villa de Fontenay-aux-Roses (il possède quarante-cinq chats en 1922). On trouve, ici et là, des réflexions et des jugements littéraires, ou des diatribes contre la bêtise, l'époque, le bruit, la vanité, les honneurs. Bien que sa rédaction s'étale sur soixante ans, le Journal est d'une grande unité de thèmes et de style. Le ton devient toutefois, au fil des années, de plus en plus aigre et tranchant. Si l'actualité y joue un rôle à peu près nul ("Je regarde tout cela absolument comme si cela se passait en Australie"), on trouve une chronique précise et insolite des dessous de la vie littéraire.

 

Paul Léautaud signale en tête de son Journal, tenu sans interruption du 3 novembre 1893 à février 1956, que les faits ou les conversations qu'il rapporte ne sont pas "relatés à distance, mais notés le soir même". Il tient à ce caractère immédiat et cursif, qu'il oppose au lent travail des "faiseurs de livres à phrases". Détestant "l'insupportable ennui que dégage la perfection", il constate, en relisant ses pages, que "ce qui s'y trouve de bon est invariablement ce qui a été écrit en cinq minutes, d'un seul jet, sans effort". Alors que ce qui est "recommencé, travaillé, remanié, arrangé ne vaut rien et est assommant". Cette remarque donne la clé des goûts littéraires de l'auteur et de ses choix d'écriture. Rejetant tout idéalisme comme ridicule et pesant, Léautaud se moque de Rousseau, de Chateaubriand, de Flaubert ("qui ne fut qu'un ouvrier de style") ou d'Anatole France ("un grand littérateur, mais un grand écrivain?"). Il prône au contraire la légèreté stendhalienne, qu'il cherche à reproduire en des "phrases dures, sèches, même rudes", qu'une "phrase tendre et chantante par-ci par-là, comme un sourire voilé, atténuera". Si la rédaction paraît parfois négligée ou décousue, il ne faut donc incriminer ni l'absence de relecture ni le caractère intime de l'écrit (l'auteur songe d'ailleurs dès 1908 à le publier): c'est la marque d'une plume avant tout éprise de vivacité et de désinvolture. Léautaud excelle dans les relations brèves et mordantes, les portraits impitoyables, les sarcasmes où s'exerce sa verve acerbe. Comparé tour à tour à Diogène et à Saint-Simon, il se dit lui-même "très misanthrope", "sauvage en diable", et constate, en 1947, qu'il devient "de plus en plus impatient, désagréable, hostile, agressif, insociable, et, ce qui est mieux, avec une sorte de jouissance". Ce trait de caractère joue pour une large part dans la saveur et la singularité de l'ouvrage. "Moi seul m'intéresse [...]. Tout le reste ne m'intéresse que par rapport à moi", dit-il. La vie est en effet perçue à travers un regard original. Ses réactions, imprévisibles, toujours extrêmes, sont moqueuses et désabusées. Le 11 novembre 1918, Léautaud parle à peine de l'armistice, mais fait un long éloge d' Apollinaire qui vient de mourir. En 1940, l'exode ne l'affecte que parce que ses voisins en fuite abandonnent leurs animaux familiers. Les privations de 1941 le font jubiler: "Voilà huit jours que je jouis du spectacle de la bêtise des gens, devant le manque de tabac." Les fêtes qui entourent en 1944 la Libération de Paris ne lui inspirent qu'un mot de commentaire: "Rien de tout cela ne me touche." Le sens du paradoxe, l'esprit de contradiction et le nihilisme sont au coeur de la plupart de ses remarques: la personnalité littéraire de Léautaud se définit par rejet et négation.

 

Détaché du Journal littéraire par Léautaud lui-même à cause de la crudité des propos qu'il y tient, le Journal particulier (publié en 1956) raconte sa liaison avec Anne Cayssac (baptisée la "Panthère", puis le "Fléau") entre 1917 et 1950. Une autre édition du Journal particulier consacré à la liaison avec Marie Dormoy (entre 1933 et 1939) a été publiée en 1986.

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