RENCONTRE : ALEXANDRA TORRES HERRERO
Révélé par la lumière, l'animal apparaît, émergeant de l'obscurité, entre rêve et réalité. Les œuvres de l’artiste française Alexandra Torres Herrero sont exposées à Bruxelles durant tout le mois d’avril. Rencontre.
Qui êtes-vous ?
Aujourd’hui âgée de trente-huit ans, mes origines sont espa-gnoles. Je suis née en France et j’y ai effectué toutes mes études. Depuis plus de deux décennies, je réside dans le Pays basque, même si ma formation s’est effectuée à Bordeaux. Le Pays basque représente à mes yeux une frontière entre deux cultures et fait aussi partie de mon équilibre. J’ai toujours été créative. Depuis toute petite, je pratique le dessin. Mon père également dessinait. A l’époque, mon objectif était de faire mieux que lui. Puis, peu à peu, je me suis engagée dans la voie de l’art en suivant des études dans ce domaine, qui se sont concrétisées par un Bac Arts Appliqués, une Licence en Histoire de l’Art et Archéologie et un Master d’Ingénierie Muséale.
Avez-vous été encouragée à développer votre don ?
Je me souviendrai toujours que, avec le temps et en grandissant, mes dessins ont commencé à ressembler de plus en plus à ceux que je prenais pour modèles. Je m’empressais de les montrer à mon père, qui s’exclamait : Mais, tu as décalqué ! Même si cette phrase est longtemps restée gravée en moi avec un peu de colère, loin de me décourager, elle prouvait que je faisais déjà du bon travail. Je n’avais que sept ans ! Oui, j’ai été encouragée et mes parents m’ont permis de concrétiser mon rêve par le choix d’études qui me convenaient. A travers celles-ci, j’ai appris à améliorer ma pratique, à observer et à me familiariser avec de nouvelles techniques en veillant à trouver celle qui me correspond le mieux. Puis, humblement, l’histoire de l’art apprend à saisir l’essence des grands maîtres et des classiques. Au cours de mon cursus scolaire, je me suis entichée de la période antique et, par extension, de la Renaissance italienne avec deux écoles : celle du dessin et celle de la couleur. Une bataille où deux clans se répondent. Ceux qui estiment que le dessin est l’essence de la peinture et les avocats de la couleur. Ma passion pour le dessin ne laisse aucun doute sur mon choix, s’inscrivant ainsi dans la logique de ma démarche artistique avec l’intervention de très peu de couleurs. Les croquis et les ébauches préparatoires de ces merveilleux artistes me fascinent toujours. Je parle des croquis au fusain et à la sanguine si développés et si parfaits. Ils continuent à me pousser dans la pratique du dessin. L’étude du clair/obscur à travers ma licence d’Histoire de l’Art a également eu un impact sur mes créations.
Quand avez-vous commencé à exposer ?
En 2019, j’ai franchi le pas pour montrer mes travaux à un public qui m’était inconnu. J’ai réalisé ma première exposition à Hendaye, la ville où je réside. J’y ai présenté quelques créations, dont des portraits animaux réalisés avec un mélange de fusain, de fond bombé, de noir et de blanc, ainsi qu’un élément végétal. Un bestiaire qui a séduit le regard et les avis des visiteurs.
D’où vient votre passion pour le monde animal ?
Tous les enfants adorent les animaux. Petite, je collectionnais des images qui les représentaient, autant que tout ce que je pouvais rassembler les concernant. J’en possédais des classeurs entiers, triés par catégories. Je dévorais également les documentaires animaliers et les dessins animés qui les mettaient en scène. De la sorte, ils sont devenus mon sujet de prédilection. Mon seul sujet même !
Quel support utilisez-vous ?
A mes débuts, je travaillais sur une simple feuille blanche avec un fusain ou sur un fond préalablement bombé de couleur. La feuille noire s’est rapidement imposée, car le noir m’inspire. Pour moi, il est essentiel à tout début de création. Mes œuvres se déclinent donc majoritairement sur un papier noir, teinté dans la masse et créé sur mesure. Dernièrement, la toile a fait son apparition, préalablement préparée en noir bien évidemment, avec des dimensions précises. surtout plus grandes et demandées par les Galeries, qui m’y ont en quelque sorte poussée.
Quelles sont les clés de votre technique ?
Elles me viennent de ma formation académique et de l’étude scientifique des œuvres de mes prédécesseurs. Leur composition et l’usage de tels et tels pigments m’orientent et me guident pour trouver mon identité artistique. Je travaille énormément le Bleu de Prusse d’une manière particulière. Les animaux bleus ont d’ailleurs acquis une énorme importance dans ma démarche, au point de faire l’objet de séries. Le support noir m’est indispensable. Sans lui, pas de création ni d’inspiration ! L’encre blanche est aussi la base de l’œuvre. Elle sert pour l’élaboration du croquis, plus ou moins poussé, et peut demeurer l’unique intervenante. Les pigments et encres de couleur reposent nécessairement sur cette base. L’encre apporte de nombreux reflets en fonction de la lumière.
De quelle manière avez-vous découvert Espace Art Gallery ?
C’est plutôt Espace Art Gallery qui m’a découverte ! Il y a environ deux ans, j’ai reçu un mail de monsieur Delfosse, me proposant un rendez-vous en galerie. Je m’y suis rendue avec quelques toiles, afin de présenter mon travail, et une proposition d’exposition en a découlé.
Qu’allez-vous y présenter ?
Pour cette exposition, le choix s’est orienté exclusivement sur des toiles, principalement mon travail à l’encre blanche et quelques œuvres incluant des pigments à l’or. Un peu de couleur également ! Je présenterai au moins une œuvre de ma dernière série intitulée The One. Une toile préalablement préparée en noir, avec quelques reliefs visibles. Une seule couleur, un seul pigment, un même pinceau et une seule technique ! Une heure de temps. Une sorte d’aboutissement de ma technique pour ce travail. Evidemment, la sélection n’a rien d’une sinécure lorsqu’on prépare un accrochage. Même si les animaux bleus représentent une grande partie de mon travail, je souhaite présenter à Bruxelles un panel plus large de mes réalisations. Une sorte d’éventail de ce que je fais.
Qu’espérez-vous de cet événement ?
J’attends de découvrir le ressenti et l’accueil d’un nouveau public, le public Belge ! A cela, il est toujours satisfaisant de constater que mes créations s’exportent à l’étranger. Que vont susciter mes animaux et ma manière de leur donner vie en peinture ? Peut-être trouveront-ils une nouvelle famille d’adoption à travers un acheteur ?
Les travaux d’Alexandra Torres Herrero sont à découvrir à Espace Art Gallery du 4 au 27 avril 2025. Plus de détails sur le site www.espaceartgallery.eu
Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles
Propos recueillis par Daniel Bastié pour Bruxelles Culture
Commentaires