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« La Religieuse » est un roman de Diderot (1713-1784), écrit en 1760 et publié en 1796. Cette satire, pleine de mouvement, des moeurs dans un couvent de femmes au XVIIIe siècle est une chaleureuse apologie de la liberté individuelle. Comme "Le neveu de Rameau", ce roman procède à la foi du réel et de l'imaginaire, ayant pour origine les mésaventures de certaine demoiselle Suzanne Delamare, ou Saulier, ou encore Simonin, qui, en 1758, avait accusé sa mère de l'avoir enfermée de force à l'abbaye de Longchamp, puis au couvent Sainte-Marie de la rue du Bac, et une amusante mystification ourdie par Diderot, Grimm et quelques autres compères, au détriment d'un de leurs amis, le marquis de Croismare, homme sensible qui s'était fort intéressé au sort de la jeune fille, sans parvenir à lui faire gagner son procès. Trois ans plus tard, le marquis, se trouvant dans ses terres de Normandie, se laisse aisément persuader que Suzanne, transférée dans un autre couvent, a réussi à s'échapper. Ces lettres, soi-disant signées par l'ex-religieuse, émeuvent à ce point leur destinataire, qu'il invite Suzanne à venir à Caen où il lui trouvera un emploi honorable. La plaisanterie dura longtemps, jusqu'au jour où Diderot se décida enfin à faire mourir l'héroïne. Mais l'écrivain ne s'en tint pas là. En marge de cette correspondance, il avait entrepris un récit des malheurs de la religieuse, qu'il ne devait terminer que plus tard. Telle est l'origine de cet ouvrage, la contrepartie, disait Diderot, de "Jacques le fataliste", et qu'il estimait de ses meilleurs. Il y mit toute sa conviction: "Un jour, rapporte Grimm, qu'il était tout entier à ce travail, M. D'Alainville le trouva en larmes, disant: Je me désole d'un conte que je me suis fait". Rien de plus sublimement malicieux que ce "conte", où sont croyonnéses sur le vif des figures de moniales et de confesseurs, notamment la tendre abbesse de Longchamps dont le dessein "n'était pas de séduire, mais certainement c'est ce qu'elle faisait", la Mère Sainte-Christine, méchante et férue de théologie, qui inflige à la jeune Suzanne un vrai martyre, la faisant flotter "entre la résignation et de désespoir", et surtout l'inoubliable supérieure de Saint-Eutrope, si prompte à déshabiller ses filles, à les baiser sur la bouche, et qui éprouve pour Suzanne le "goüt" le plus vif "Elle baissa les yeux, rougit et soupira; en vérité, c'était comme un amant". Le caractère, surtout de Soeur Marie-Suzanne, religieuse malgré elle, approfondi dans son humanité charmante où la candeur fait si bon ménage avec la coquetterie ("Il y avait bien quelque chose de vrai dans ses louanges, dit-elle à propos de la supérieure de Saint-Eutrope, j'en rabattrais beaucoup, mais non pas tout"). Et de conclure avec gentillesse: "Je suis une femme peut-être un peu coquette; que sais-je? mais c'est naturellement et sans artifice". Soeur Suzanne en fin de compte, suivant les conseils d'un Bénédictin, son confesseur, qui, lui aussi, est entré en religion malgré lui, recouvre la liberté, rompant ainsi des voeux qui, selon l'idée très chère à Diderot, "heurtent la pente générale de la nature".

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