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« La difficulté d'être » est un essai de publié en 1947. "Je sens une difficulté d'être", c'est, nous rappelle Cocteau, ce que répond Fontenelle, centenaire, lorsqu'il va mourir, et que son médecin lui demande: "Monsieur Fontenelle, que sentez-vous?" et l'auteur ajoute "seulement la sienne est de la dernière heure, la mienne date de toujours". Ce boîtement intérieur, l'auteur ne le soumet à aucune radiographie, n'en recherche nullement le pourquoi. Retiré dans un hôtel à Morzine, malade -"la douleur me harcèle et je dois penser pour m'en distraire"-, Cocteau lance son esprit à la recherche de tout ce qui, passé ou présent, témoigne en lui de cette nécessité de toujours: "accepter l'inextricable et s'y soumettre au point qu'il s'en dégage un charme et que la brousse rejoigne par son innocence sauvage les attraits de la virginité".

Ayant pris conscience de son âge et accepté de ne plus être jeune, le magicien se fait botaniste patient pour nous offrir les fleurs étonnamment vivaces d'un passé qu'il prospecte avec sérénité. Pour cet être qui se loue de "mieux faire l' amitié que l'amour", chaque souvenir lui impose un aveu de partage, de fidélité à une recontre, que ce soit celle de Proust, de Gide, Radiguet, Satie, Diaghilew, Nijinski,Apollinaire, ou Picasso, Bérard, Genêt, Colette. La qualité de ses hôtes, le plaisir et le bonheur avec lesquels Cocteau nous les présente par le dedans, ne le distraient nullement de son investigation. Elle nous vaut des pages brillantes sur l' amitié, la lecture, la mort, les mots, la jeunesse, les moeurs, la responsabilité, pages où le désordre s'ordonne avec une candeur contrôlée, où le moraliste dévoile l'homme qui n'en conserve pas moins élégance et mystère.

A une jeunesse qui le prend pour exemple et l'oblige à marcher droit, Cocteau s'adresse sans ménagements pour lui déclarer qu'elle manque à son devoir lequel est "d'être l'armée des grandes aventures de l'esprit" et non de siffler l'audace, d'organiser des monomes, de vivre dans une anarchie farceuse et de surface-, "je conseille donc aux jeunes d'adopter la méthode des jolies femmes, et de soigner leur ligne, de préferer le maigre au gras... par ligne, j'entends la permanence de la responsabilité... chez l'écrivain, la ligne prime le fond et la forme...c'est pourquoi je répète incessamment que le progrès moral d'un artiste est le seul qui vaille, puisque cette ligne se débande dès que l'âme baisse son feu".

Ces textes qui ont le chatoiement et la séduction d'une conversation brillante sont-ils autre chose que les propos d'un homme d'esprit –vivant selon l'esprit? En effet pour Cocteau, sensible aux mots et aux images, "l'animal, le végétal, le semence ou l' oeuf "ne sont que rébus". Si la solitude l'entraîne au jardin, ce n'est que pour "y contempler l'absurde génie des fleurs", et seule la crainte du vide l'incite à "parler aux chiens... comme on lit des livres d'enfants". Arrivé au terme de cette oeuvre, Cocteau s'interroge et se juge "intrépide et stupide... toujours en fuite de quelque chose, en route vers quelque chose... tu as voulu ne te priver d'aucune cause. Te glisser entre toutes et faire passer le traineau... Eh bien avance. Risque d'être jusqu'au bout."

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