Au KVS (Koninklijke Vlaamse Schouwburg) Oedipus / Bêt Noir
Voici une aventure scénique impressionnante que l’on rêve de partager. Le metteur en scène Jan Decorte a relu Sophocle à sa façon. Par la danse, le chorégraphe, metteur en scène et acteur Wim Vandekeybus s’élance dans l’interprétation de ce texte dépouillé à l’extrême. Trois voies confluentes : le texte, la musique la danse. Une musique galactique sous la direction de Roland Van Campenhout nous met presque sous hypnose et le langage expressif d’un ensemble de 16 danseurs acrobates fabuleux nous jettent éperdument dans l’histoire mythique et sur les pistes de l’imaginaire ou du subconscient. Mais dès le début, tout est déjà consommé.
A la confluence des trois chemins (Thèbes, Delphes, Corinthe) c’est l’embarquement dans le mystère du Destin, des malédictions, des questions mortifères du Sphinx et des questions éternelles qui hantent Œdipe. Le parricide, l’infanticide et l’inceste. Œdipus : « “Ik ben e zwart beest van schult. »
La musique bouleversante et omniprésente, la danse, les mouvements défiant les lois de la gravité, la vitesse, la mobilité extrême des acteurs et le texte épuré participent à une création hors du commun. Le résultat est absolument fascinant. Beauté, étrangeté, talent contribuent au dépassement de tout ce qu’on a déjà vu. Le tempo est étourdissant. On est emmené dans les dédales infinis de l’imagination, on a sous les yeux l’intérieur d’un kaléidoscope géant dont les derniers miroirs se dérobent à l’infini. On est comme aspiré par l’énigme et par la puissance physique de la représentation.
Géante aussi et spectaculaire la représentation du Sphinx, sous les traits d’un astre céleste, soleil ou lune selon les éclairages. Ce disque d’escalade immense et multicolore est composé de pas moins de 20.000 rubans de la taille d’un habit humain, dans lequel grimpent, s’agrippent et se fondent les danseurs, faiblement accrochés sur ce cadran vertical, source de tous les dangers et de tous les effrois.
Au sol les danseurs aux pieds légers et aux pas de géants s’approprient l’immense espace glissant, et sont partout à la fois dans des rondes infernales. Danses marathoniennes plus que bacchanales. (Quoique…) Ce sont des moulinets, des culbutes et des sauts humoristiques de corps désarticulés, des carrousels vertigineux de corps morts parfois, puis soudain revenus à la vie, cruelle, violente. Mais il y a quelque chose d’harmonieux de coulé, de souple dans toutes ces postures et ces jaillissements plus qu’inimaginables. Les chants les plus beaux sont les plus désespérés.
Moyens bruts et efficaces. «Now the blood falls like rain ! » chante le musicien. C’est un des moments chocs : cette ballade du pendu et cette chute de centaines de chaussures qui tombent du ciel pour écraser Œdipe, jouet du Destin. Autre moment, presqu’insoutenable: les gémissements de ce bébé de huit mois en chaussettes rouges porté sur scène par sa propre mère, une des danseuses. Les pieds ou les chevilles de l’anti-héros tragique ont été percés par Jocaste avant qu’il ne soit abandonné dans la montagne. Et elle se percera le cœur avant qu’Oedipe ne se perce les yeux. Sont exposés à notre vue et à tous nos sens le percement de l’énigme et la mutilation volontaire des yeux pour se priver du bien le plus précieux, la lumière. L’aveuglement et l’ignorance humaine. Les dieux resteront muets.
http://www.kvs.be/index2.php?page=program&discipline=1&vs_id=604
du 15/09/2011 > 01/10/2011
Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche
Langue de la manifestation: NL FR EN
Public: Tous
Où ? au KVS : 9 quai aux Pierres de Taille 1000 Bruxelles
Téléphone pour renseignements : 02 210 11 12
Site web : http://www.kvs.be
E-mail : info@kvs.be
Commentaires
http://www.ruedutheatre.eu/article/1503/oedipus-bet-noir/?symfony=5...
Consultez l'article de Guy Duplat dans la Libre: http://www.lalibre.be/culture/global/article/685839/la-folle-energi...