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« Mauvaises pensées et autres » sont des fragments de Paul Valéry, publiés en 1942. Ce sont bien là de "mauvaises", de subversives pensées sur l' intelligence, la littérature, l' amour, l'histoire, la gloire, etc.: Valéry, avec un plaisir évident, procède, dans ses courtes notes prises au hasard des jours, à un véritable jeu de massacre. Il est peu de nos assurances, de nos conforts humains qui en sortent indemnes et, d'un certain point de vue, ce petit ouvrage pourrait faire un excellent bréviaire du scepticisme. L' intelligence, d'abord, est humiliée: raison, sagesse, vérité, ces grands mots chargés d'honneurs répondent souvent, selon Valéry, moins à des réalités qu'à des conformismes. Ce que nous nommons certitudes pourrait bien être nos doutes, mais multipliés par l'assentiment du plus grand nombre, et ainsi parés des prestiges du vrai. Mais, au delà de ces convictions pratiques, qu'en est-il de la vérité? Elle nous échappe généralement: on oublie trop qu'elle ne suit pas la forme de nos désirs. Un certain choc, au contraire, une gêne, le sentiment d'une blessure dans ce que nous avons de plus cher, nous pourraient prévenir que nous sommes près de toucher au réel: "Peut-être faudrait-il connaître le "réel" à l'absence de ces caractères séduisants, à l'impossibilité de les introduire, à leur révélation de la vanité ou de la naïveté de leur application". Les vrais philosophes sont ceux qui osent affronter cette inquiétude, non point hommes de livres, mais blessés par les choses et qui n'apprennent pas les problèmes, mais les rencontrent. Seulement l'homme, communément, souhaite de préserver des choses: il construit pour cela des illusions dont la plus solide est le moi, la "superstition du moi", dit Valéry. La littérature moderne n'estime que la "sincérité". Comme cette valeur est vaine! L'homme en sait trop peu sur lui pour que tout ce qu'il nous dit de lui ait le moindre intérêt. "Etre soi-même. Mais soi-même en vaut-Il la peine?", demande Valéry. Ne sommes-nous pas faits d' accidents impersonnels?: "Mon hasard est plus que moi". L'illusion du moi commande nos rapports avec autrui: l' amour n'est rien qu'une création de l'être qu'il a pris pour objet. Valéry parle aussi de son art: "En France, on n'a jamais pris les poètes au sérieux". Ils le seront, à notre époque moins que jamais: jadis, la préoccupation de la "postérité" faisait faire aux écrivains des prodiges qu'ils n'eussent pas faits pour les vivants. La précipitation moderne menace la perfection: "Les oeuvres modernes racolent, font le trottoir". Et c'est le plus sombre jugement que Valéry porte sur la littérature contemporaine: "On y voit des sauvages qui se font imprimer, des loups garous qui corrigent leurs épreuves, des dragons crachant la flamme qui font un "service de presse": tout ceci aussi naturel que leurs fonctions les plus naturelles". Ce livre inquiète; si on le prend pour une métaphysique, il peut désespérer. Mais c'est plutôt un exercice préalable à la connaissance, une nécessaire obligation à savoir qu'on ne sait rien. Le jeu est alors salutaire, l'appréhension de l'être rendue possible.

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