Ah ! vous dirai-je, Maman,
Ce qui cause mon tourment ?
Depuis que j'ai vu Clitandre,
Me regarder d'un air tendre ;
Mon cœur dit à chaque instant :
« Peut-on vivre sans amant ? »
Ou « Soyez amants, vous serez inventifs ! » Voici donc le thème de ce spectacle délicieux monté sous les étoiles de Provence par Bernard Damien. Il lui reste un ultime adieu à faire à la Belgique avec son dernier spectacle « Ainsi parla Zarathoustra ». Soupir.
Mais cueillons avec gratitude cette avant-dernière soirée exquise animée par deux couples de comédiens étincelants : Anne-Marie CAPPELIEZ, Francis BESSON et Amélie SEGERS, Raffaele GIULIANI ( nos préférés ) , que l'on voudrait bien suivre au bout du monde. Le Var, c'est quand même un peu loin! Une occasion trop rare d’écouter comment une langue imagée contribue à la beauté esthétique de la langue française et convie (trop rarement) aux transports amoureux.
Les chansons lestes comme celle de Colette Renard et bien d'autres chansons enfantines qui ont retrouvé tout leur sel se succèdent avec vivacité et enjouement. « Rares sont les femmes qui ont osé interpréter des chansons érotiques, paillardes ou grivoises. Il faut toutefois citer Yvette Guilbert dès la fin du XIXe siècle, Marie Dubas entre les deux guerres, et ensuite Caroline Cler, Danièle Evenou, Marie-Thérèse Orain… » mais ... c'est surtout Colette Renard qui fit figure de précurseur!
La langue française fuse comme autant d’étoiles filantes. Voici retrouvé le goût du verbe brillant, du pétillement de l’esprit. Les vers fleuris de « Comment l’esprit vient aux filles… » de Jean de La Fontaine veillent sur l’entreprise …ou la Chose ? Cette Chose conçue fort adroitement par le volage Abbé de L’Attaigant (1697-1779). Bien que le nom de ce contemporain deVoltaire soit désormais passé aux oubliettes, les vers qu'écrivit ce "Grand Chansonnier" ont passé les siècles et se retrouvent régulièrement dans les spectacles libertins. Bernard Damien utilise des extraits de cette page d'anthologie qu'est « Le mot, la Chose » entre chaque scène en guise de ritournelle verbale. Se souviendrait t-il de couplets répétitifs gravés dans des disques de chansons paillardes des années 1958? La mise en scène est superbe. Imaginez (le jeu en vaut vraiment la chandelle) un salon ou un jardin. Plutôt un jardin, à cause des ombrelles de dentelle que manient les dames en tenues coquettes de comtesses ou de marquises d’antan. Les messieurs sont tout aussi pittoresques, le mollet galbé dans des bas blancs, maniant tantôt la canne et tantôt la carafe et le verre de cristal. Des paravents pour les jeux de cache-cache, des bouquets de roses rouges et des guéridons ornés de photophores rouges et au centre sur des tapis d’orient un immense clavecin illuminé par des candélabres garnis de chandelles, où joue délicieusement un joyeux instrumentiste. Bientôt apparaissent en virevoltant des personnages XVIII e… Musique, corps à corps effleurés, accords verbaux, fleurs d’esprit, entrechats chatoyants, poursuites, esquives, connivences, chansons, rires, une pastorale charmante qui ne déplait que quand elle se termine. Las, on applaudira de tout cœur, espérant tout de même un bis …qui ne viendra pas. Les comédiens ont tout donné ! Diction parfaite, sentiments transparents, gestuelle gracieuse, rythme étourdissant, du Watteau sur scène. Voilà la Chose ! http://www.xltheatredugrandmidi.be/ Un spectacle charmant et plein d’humour «réservé aux adultes»… Un moment d’espièglerie délicieusement dérobé à l’intimité des paravents faussement opaques… Un clair de lune parsemé de chansons grivoises qui prêtent à sourire à l’abri d’un éventail… Soyez les témoins attentifs - et complices … - des Galanteries amoureuses du Grand Siècle, pour mieux apprécier celles du XXIème
avec Anne-Marie CAPPELIEZ Francis BESSON Amélie SEGERS Raffaele GIULIANI et Joël LUBBOFF au clavencin
adaptation et mise en scène BERNARD DAMIEN
du 27 septembre au 12 octobre à 20h30 - Grande Salle |
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