L'illusion conjugale AU CENTRE CULTUREL D’AUDERGHEM jusqu’au 19 décembre 2010
D'Eric Assous, mise en scène Jean-Luc Moreau, avec Isabelle Gelinas et José Paul
Après quatre répliques, la salle ronronne déjà sous les sourires et
les gloussements approbateurs. Le décor est une épure lumineuse
couleur arc-en-ciel. Trois grandes marches vers un large balcon aux
bastingages de voilier de luxe donnent sur un ciel, une mer, une
plage, une ville ? L’ensemble a la beauté du désert. Le rideau
s’est levé sur une pose de pure élégance de la femme, Isabelle
Gélinas, sise dans l’écrin d’un fauteuil design. Déshabillé
charmeur. Le mari, Jean-Luc Moreau, en complet veston contemple
l’infini.
Arrêt sur image avant que le mythe de la transparence absolue ne
démarre.Etat des lieux : Jeanne a décidé de faire avouer à son mari
le nombre de conquêtes féminines qu’il a eues au cours de leur
mariage, histoire de remettre les compteurs à Zéro. « Les
compteurs », insiste Maxime. Maxime est au faîte de la réussite
professionnelle, automobile et féminine. Piégé par les bonnes
questions posées par sa femme maîtresse de ce jeu de dames
particulier, il ira de consternations en consternations. Il avoue 12
conquêtes à son actif : que des femmes « solubles », dit- il, des
« moments suspendus ! » contre une liaison de 9 mois pour sa femme,
ce qui soudain le rend fou. Une jalousie lancinante lui fait
interpréter toutes les phrases de la délicate Jeanne à double sens.
Il est de plus en plus convaincu que Claude, son meilleur ami,
l’ex-mari d’Astrid, joueur de tennis est de la partie.
Maxime est doué d’amnésie totale pour ses propres frasques bien sûr,
et espère une amnistie sans conditions. Sauf qu’il n’a pas joué le
jeu de l’honnêteté à 100%, il est confond u dans le mensonge, et il
perd définitivement la joute affective à cause de ses demi-vérités
et grâce à la patiente adresse de sa femme, si fine, si
sensuelle, si tendrement ironique… Dans la deuxième partie de la
pièce, le personnage de Claude prend toute son envergure et confond
le monde de certitudes et de mensonges de Maxime. Jeanne , pleine
d’humour et de discrète jubilation, a un plaisir certain à
le voir se déstabiliser par le doute. Maxime, déboussolé, à
Claude : « Tu le savais, toi… ? » réponse : « Pourquoi je le
saurais ? » Sourires entendus de part et d’autre de Maxime, et dans
le parterre. Tout le monde est suspendu à une parole décisive,
qui ne vient pas.
Répliques comiques, acérées, ambiguïtés pernicieuses, mystifications
burlesques s’entrelacent avec de l’émotion profonde. Claude :
« L’amitié, c’est des devoirs, des obligations. C’est quoi cette
morale de chien ?» « Si mon meilleur ami m’avait fait le coup de
séduire ma femme, cela se serait terminé dans les faits divers! »
Pas dans la compromission. Le dénouement sibyllin laisse le
spectateur rêveur et dans un océan de nuances quant à la
transparence … et à l’illusion conjugale.
Merveilleuses interprétations de ce remarquable trio d’acteurs des
planches parisiennes : Jean-Luc MOREAU, Isabelle GELINAS et José
PAUL. Il nous a livré une prestation méticuleuse autant dans la
gestuelle que dans le verbe dont ils s’habillent avec brio.
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