« L’Etranger » d’Albert Camus (1957)
En jargon moderne : UNE ŒUVRE QUI TUE! Ne fût-ce que par sa sublime mise-en-voix ou en-scène au théâtre du Grand Midi à Ixelles. Nous avons assisté hier soir au premier spectacle public de Raffaelle Giuliani dirigé par le directeur du théâtre Bernard Damien. Une première inoubliable, déjà une apothéose tant le comédien était étincelant dans cet exercice difficile, de porter ce texte devant les amoureux d’Albert Camus.
Quelques mots d’explication. La lumière inhumaine, la brûlure insupportable du soleil d’été, autant dire
rien qui ne lui appartienne, plombent inexorablement les actes de Meursault. Il énonce ses derniers
jours de vie « libre » avec le détachement d’une autobiographie toute factuelle. Apparemment tout lui
est égal. Exemples. L’âge de sa mère, il ne le connaît pas. « Elle était vieille ? Comme ça ! » Cela
l’indiffère que Raymond soit son copain ou non, que son patron lui offre un boulot sur Paris : « On ne
change pas de vie ! ». La vie n’a pas de prise sur lui et il n’a pas de prise sur la vie. « On finit par
s’habituer à tout », disait sa mère. Le comédien joue de façon magistrale. Physiquement son corps ne
peut pas mentir. Tout dans ses attitudes est langage. Juvénile et blasé, innocent et coupable à la fois.
Ce corps qui module chaque mot, et chaque pesonnage c’est la grande trouvaille du duo Maitre–élève
Bernard/ Raffaele. Le comédien incarne chaque personnage avec fulgurance.
C’est un travail épuisant que d’essayer de mettre de l’ordre dans tous ces événements. Meursault est
gêné à tout moment par la lumière incandescente du soleil : « Le soleil avait fait éclater le goudron. Les
pieds enfonçaient et y laissaient ouverte sa pulpe brillante ».
Puis sans doute par celle des projecteurs de l’interrogatoire, enfin par cette culpabilité imposée, qui
s’est insinuée perfidement sous sa peau.
Bien sûr, étranger à sa vie, il a subi tous les événements. Etranger au monde qui l’entoure, étranger à Dieu, étranger à lui-même, détaché, voici tout un homme coincé entre deux plaques de microscope, coincé par un Destin absurde.
Autre jargon : WRONG TIME, WRONG PLACE, c’est le début absurde d’un enchaînement de malheurs où il subira les événements pendant que l’arme est mise dans sa poche et que son doigt déclenche la gâchette. Une suite musicale comme une danse macabre, un procès où l’absurdité prend les apparences de la logique. Pourtant le vieux Thomas Pérez « n’a pas vu Meursault pleurer, mais ne l’a pas non plus vu ne pas pleurer ! » « Tout est vrai, rien n’est vrai ! » « Précisez les motifs de votre acte : c’était à cause du soleil ! »
« On m’a seulement appris que j’étais coupable ! » La colère est le détonateur qui lui fait découvrir enfin qui il est et qu’il existe et qu’il tient désespérément à ce monde sensible et réel qui le touche maintenant qu’il ne peut que contempler le ciel , de sa cellule. Dernier inventaire, il collectionne avidement ses quelques souvenirs avant d’être livré à la guillotine au nom du peuple français. Dans le Talmud, il est dit que chaque être humain est le héros d’un drame cosmique, qu’il le sache ou non.
XL Théâtre - Théâtre du Grand Midi Rue Goffart, 7a 1050 Ixelles (Bruxelles) www.xltheatredugrandmidi.be
du 8 au 26 février 2011
Commentaires
Je n'ai qu'une envie, c'est d'aller revoir Raffaelle Giuliani
Où? Quand?
SAISON XVII
2011 – 2012
Un certain Plume
Henri MICHAUX
avec Raffaele GIULIANI – Amélie SEGERS – Marvin MARIANO – Sarah FIORIDO
Réalisateur Bernard DAMIEN
les 27 – 28 – 29 – 30 septembre et le 1er octobre à 20h30
Avec le(s) personnage(s) énigmatique(s) de PLUME, le clown n'est plus celui dont on rit, mais celui qui rit du rire ! Et ce rire n'est pas sourire, ou rire entendu, ou simple rigolade ironique : il est risée totale ! Le rire est l'adjuvant de cette démarche, son instrument premier, il ouvre les horizons intérieurs, contrecarre les figures sociales. Il est l'exact inverse de l'importance. Il remet les choses en place, ouvre la temporalité. Sa valeur est bien d'ouverture, d'éclosion heureuse ...
XL Théâtre - Théâtre du Grand Midi Rue Goffart, 7a 1050 Ixelles (Bruxelles) www.xltheatredugrandmidi.be