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Les vierges martyres

12272837255?profile=original"Les vierges martyres" est un essai d'Henri Alphonse Esquiros (1814-1876), publié à Paris chez Le Gallois en 1841. Il inaugure une trilogie continuée par les Vierges folles et les Vierges sages, publiées chez Delavigne en 1842.

 

L'auteur de l'Évangile du peuple s'inscrit ici dans une philosophie humanitaire où les perspectives assignées à la femme occupent une place essentielle. Alors que, dans l'Assomption de la femme, l'abbé Constant affirme en 1841 que lorsque «l'épouse et l'époux se donneront véritablement l'un à l'autre [...] le mariage humanitaire sera consommé», Esquiros procède à une analyse serrée de la condition féminine, qui lui attirera les foudres des bien-pensants et de l'Église. Ayant emprunté l'expression de «vierge folle» à la parabole biblique, Esquiros l'impose pour désigner les prostituées, et en 1842 la Vierge folle, chanson de Charles Gille, la consacrera.

 

Ces ouvrages «forment une série de trois études qui embrassent les trois états de la femme dans la société moderne: le prolétariat, la prostitution et le mariage» (Préface à la troisième édition des Vierges martyres, 1846). La condition féminine se définit comme esclavage vis-à-vis de l'homme.

 

Les Vierges martyres. En 5 chapitres, Esquiros parcourt l'éventail des professions tant honnêtes que douteuses (le théâtre, le modèle pour peintre...) avant de proposer l'affranchissement par le travail correctement rémunéré et la mise en place d'institutions économiques. Dans les classes oisives, la femme se voit condamnée au dérèglement des moeurs par cette oisiveté même, alors que la misère détermine le comportement des classes laborieuses. Exploitée, la prolétaire ne peut vivre seule de son travail et se retrouve contrainte à l'union libre.

 

Les Vierges folles (3 chap.) peignent cette «autre classe de femmes qui ont franchi la limite entre la débauche secrète et la prostitution tolérée». Celle-ci, odieux esclavage, témoigne de la «promiscuité originelle» et non d'une nature perverse. Elle sera donc éradiquée par le progrès de la civilisation.

 

Quant aux Vierges sages (5 chap.), si elles prouvent l'évolution du rapport entre l'homme et la femme depuis les origines, si elles doivent à la société d'être les plus belles et les plus recherchées des créatures, elles devront exercer un «rôle sacerdotal» dans la «grande régénération qui se prépare par la mort du présent».

  

Apparentés aux «physiologies» du temps, ces textes étonnent encore aujourd'hui par la vigueur de leurs descriptions sans complaisance. Ils proposent dans ce siècle préoccupé de la question féminine, une analyse socio-économique précise et circonstanciée de l'aliénation des femmes: «Dans notre société la femme a beaucoup plus de mal à vivre que l'homme, bien qu'elle ait des besoins moindres et des habitudes généralement plus sobres» (les Vierges martyres). Tableau d'une «guerre sociale», l'oeuvre d'Esquiros se veut message d'espoir et annonce messianique. Sa théologie romantico-humanitaire s'oppose au fatalisme d'un Parent-Duchâtelet, qui, à la même époque, voit dans la prostitution une tare immuable, et propose de lutter d'abord contre l'ignorance et la misère, ces plaies du monde moderne. Ainsi les «vierges folles» seront-elles ramenées au mariage et à la société. Critère décisif du progrès («C'est par le sort de la femme que la société complétera un jour son oeuvre», les Vierges sages), la question féminine permet de relier l'harmonie, la communion, l'unité, l'utopie, la regénération. Elle noue ainsi les thèmes romantiques les plus dynamiques.

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