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Les "Souvenirs d'égotisme" de Stendhal

12272784254?profile=originalLes "Souvenirs d'égotisme sont des récits autobiographiques de Stendhal, pseudonyme d'Henri Beyle (1783-1842), publiés à Paris chez Charpentier en 1892.

 

Stendhal, qui s'ennuie à Civita-Vecchia, décide en 1832 de raconter la période de sa vie qui s'étend de juin 1821 (retour de Milan) à novembre 1830 (nomination comme consul à Civita-Vecchia). Pendant ces neuf ans, il a vécu à Paris en effectuant de fréquents voyages en Italie, deux séjours en Angleterre (1821 et 1826) et un voyage dans le midi de la France (1829). Après avoir écrit d'affilée, du 20 juin au 4 juillet 1832, un récit qui mène aux alentours de 1823, Stendhal s'interrompt.

 

Qui suis-je? Mon désespoir quand je pris congé de Métilde en 1821 (voir De l'amour). La laideur de Paris insultait ma douleur (I). Le baron de Lussinge (de son vrai nom: Adolphe de Mareste), compagnon de ma vie de 1821 à 1831 (II). "Fiasco" à l'occasion d'une "partie de filles" (III). L'idéologue Destutt de Tracy, "l'homme que j'ai le plus admiré à cause de ses écrits". Début d'estime pour Paris en 1830 (IV). Ma vie dans les salons; M. de La Fayette, "poli comme un roi", mais sans "idée littéraire", Charles de Rémusat etc. Je choquai la bonne société par l'outrance de mes opinions (V). "Je n'ai aimé avec passion en ma vie que: Cimarosa, Mozart et Shakespeare". "Errico Beyle, milanese": "A Milan, en 1820, j'avais envie de mettre cela sur ma tombe." Séjour à Londres en 1821 (VI). Quelques traits de mon caractère: comment je peux passer de la passion sincère au froid machiavélisme. Amour de l'opéra italien (VII). On me prenait pour un "exagéré sentimental". Quelques portraits (VIII). Maisonnette [Joseph Lingay]; son amour pour "le mot de Roi", ses qualités. Le comte Gazul [Mérimée], "meilleur de mes amis actuels". Le salon du docteur Edwards. La bêtise des Bourbons (IX). Correction des épreuves de De l'amour. Folle envie de retourner à Milan (X). Le célèbre Laclos (XI). Société de M. de l'Étang [le critique d'art Étienne-Jean Delécluze]. "Je n'ai jamais rien rencontré, je ne dirai pas de supérieur, mais même de comparable" (XII).

 

Pour Stendhal, l'égotisme (néologisme emprunté à l'anglais) signifie tantôt l'"impudeur de parler de soi continuellement", tantôt une manière de se protéger du vulgaire et d'approfondir la connaissance de son moi. Les deux acceptions du terme alternent ici, et parfois coexistent. Suscitant chez l'autobiographe scrupules et repentirs, l'égotisme donne sa couleur, mais aussi son rythme au récit, troublé de questions et toujours sur le point d'être suspendu. Le "Qui suis-je?" formulé d'emblée et qui revient à intervalles irréguliers au fil de la rédaction se double d'une interrogation sur l'oeuvre elle-même. Si Stendhal interrompt son récit vers l'année 1823, les sept années suivantes ne sont pas totalement absentes des Souvenirs, mais elles sont mentionnées allusivement, au bénéfice de la récapitulation. Pour la première fois, Stendhal dit non seulement "je suis", mais "j'ai été", note Jean Prévost dans la Création chez Stendhal. Au total, l'oeuvre apparaît fort cahotique. Deux semaines à peine pour rédiger deux cent soixante-dix feuillets (cent pages environ dans les éditions courantes): c'était peu pour effacer les traces d'hésitation, les directions avortées de la narration. Plus que tout autre ouvrage, les Souvenirs d'égotisme persuaderont les détracteurs de Stendhal que, décidément, il écrit "mal". La liberté d'allure, les traits de sincérité crûment exprimés font au contraire le prix de son style aux yeux des "beylistes". Du reste, dans ses romans aussi le narrateur va de l'avant, prenant le lecteur à témoin de ses incertitudes et de ses dérapages.

 

On s'étonnera qu'après avoir idéalisé l'Italie, notamment dans Rome, Naples et Florence et De l'amour, Stendhal, résidant à nouveau dans sa patrie d'élection, se penche avec complaisance sur neuf années de vie parisienne. C'est qu'à Civita-Vecchia, il a dû s'avouer que dans la société d'une petite ville, les Italiens ne ressemblaient que de loin à l'image qu'il s'en était formée. Au demeurant, rêver de l'Italie, c'est d'abord pour lui rêver de Milan. Il peut bien dire qu'il ne fut qu'après la révolution de juillet 1830 sensible à l'esprit des Parisiens, à qui il continuera de reprocher leur affectation, les portraits pris ici sur le vif dans la bonne société de la Restauration sont empreints de sympathie, voire de nostalgie.

 

Commencé au lendemain de la rupture avec Métilde, le récit s'interrompt au début de la liaison avec Clémentine Curial, qui s'achèvera douloureusement en 1826. Ainsi s'encadre-t-il entre les deux plus grands chagrins qu'ait connus Stendhal ("Clémentine est celle qui m'a causé la plus grande douleur en me quittant. Mais cette douleur est-elle comparable à celle occasionnée par Métilde qui ne voulait pas me dire qu'elle m'aimait?", Vie de Henry Brulard, chap. 2). On rapprochera cet aveu de celui qui s'inscrit au premier chapitre de Souvenirs d'égotisme: "Je craignais de déflorer les moments heureux que j'ai rencontrés, en les décrivant, en les anatomisant. Or, c'est ce que je ne ferai point, je sauterai le bonheur." Les Souvenirs ont, aussi bien, sauté le malheur. Ils racontent une période où, mal guéri de sa passion pour Métilde, Stendhal trouve dans les douceurs de l'amitié et les divertissements du monde de médiocres consolations. Mais cherche-t-il dans une maison de passe un succédané de l'amour, le plaisir même se dérobe à ses voeux.

 

Ces Souvenirs étaient destinés à être lus par des "âmes" que Stendhal aimait, comme Mme Roland ou Gros, le géomètre. Ils seront publiés pour la première fois par les soins de Casimir Stryienski en 1892.

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