Ce roman débute en amitié indestructible. Trois jeunes femmes s’élancent dans la vie à l’aube de leurs vingt ans. Ah nos vingt ans! Un âge vibrant devant les promesses d’un avenir joyeux, ces lendemains qui ressemblent à une floraison ne pouvant connaître le flétrissement de l’âge puisqu’il parait que, lorsque l’on porte ses vingt ans, l’éternité semble posée sur notre avenir. Trois jeunes tourterelles plongées au cœur de l’Histoire, celle qui se prépare à déchirer les âmes par ces haines cultivées en orgueils géopolitiques. Qu’il est beau ce pays, cette terre qui ressemble au paradis rêvé du temps où les peuples se fréquentaient en voisins respectueux des autres.
Ainsi se lève l’Algérie dans un passé joyeux, avant que ne résonne le bruit du sang, ce désagrément, lorsqu’il abreuve la poussière en désagrégeant les espoirs de l’innocence.
Six pieds foulant le sol en joyeuses confidences, celles que l’on confie à ses âmes de confiance croyant en la beauté de la vie, au soleil des lendemains heureux. Les premiers portent les traditions de l’Islam sans ployer exagérément sous le joug issu de ce que les hommes en feront. Les seconds vivent la judaïcité en raison de leur éducation, des traditions issues de leur géniteurs et combien même, pourquoi ne pas y adhérer ? Ensuite? Viennent les troisièmes appartenant à cette fille d’officier devinant le fardeau que son pays impose à son père. Devoir de soldat, celui qui quémande obéissance aveugle malgré les soubresauts de conscience, les combats au creux des rizières d’Indochine cauchemardant ses nuits de souvenirs accablants, ceux que l’on retient pour soi.
Éric Le Nabour nous offre par ses écrits un regard chirurgical sur les destins bouleversés en raison des haines finissant par germer là où, n’aurait dû résider que douceur de vie. L’Histoire n’est jamais vieillissante pour ceux qui l’ont vécue. Peut-on oublier le principal ? Les victimes collatérales, ceux et celles qui ne se relèveront jamais au nom de la raison d’État pour les uns, du besoin de liberté pour les autres, qu’importe, tous manipulés quel qu’en soit l’idéal, prêt à donner leur vie pour l’ambition de quelques assoiffés de pouvoir. Un livre portant à bout de bras les silences d’une nation luttant pour la conquête de son indépendance dans des conditions dramatiques, affrontant un pays ne reculant devant rien afin de sauvegarder sa colonie, allant jusqu’à embaucher des barbouzes, ceux-là qui cultivent le talent de torturer les corps, briser les liens les plus solides, délier les langues comme le faisaient les autres, ceux qui envahissaient la France vêtus de vestes noires dans un passé plus proche qu’il n’y parait à nos yeux d’enfants issus de l’après-guerre.
Les promesses de l’innocence est un roman qui ne s’épuise à aucun moment. Il porte des vérités sans accuser cependant, soutenant jusqu’au sublime ceux qui espèrent s’aimer au cœur d’une tourmente si violente, qu’en y prêtant attention, on en caresse encore l’haleine malgré les années écoulées pour raison que les générations suivantes n’ont rien oublié, rien pardonné peut-être ?
En rédigeant cette chronique, je ne puis oublier les pages qui viennent de se refermer. J’ai envie de relire et de relire ce qui n’est qu’un roman et cependant, par la qualité d’écriture, il dépasse nos attentes.
À lire sans réserve jusqu’à en émietter les pages.
Philippe De Riemaecker
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