Il s’agit des divers cahiers posthumes de Franz Kafka que Max Brod a réunis sous ce titre. Ils sont très proches du "Journal" mais ne lui appartiennent pas directement, car, tout en contenant un certain nombre d'observations datées, ils sont surtout composés de textes qui font partie intégrante de l'oeuvre, qu'il s'agisse de récits (plus ou moins inachevés), de notations autour des thèmes habituels ou d'esquisses de travaux futurs. L'intérêt de ce volume est de nous permettre de saisir sur le vif l'inspiration même de Kafka et de nous découvrir le cheminement de son écriture.
La nouvelle qui ouvre le livre, et qui lui a donné son titre, est probablement l'une des premières oeuvres de Kafka et sans doute la plus ancienne dont le manuscrit ait été conservé; son texte bourré de lacunes porte déjà la marque de cet univers singulier où tout s'accorde pour traquer le "personnage". Les "Méditations sur le péché, la souffrance, l' espoir et le droit chemin" se composent d'une suite de cent neuf aphorismes réunis et classés par Kafka lui-même; le dernier -qui peut situer le ton de l'ensemble- indique peut-être la méthode ou l' "espoir" de Kafka: "Il n'est pas nécessaire que tu sortes de ta maison. Reste à table et écoute. N'écoute même pas, attends seulement. N'attends même pas, sois absolument silencieux et seul. Le monde viendra s'offrir à toi pour que tu le démasques, il ne peut faire autrement, extasié, il se tordra devant toi." Les "Huit in-octavo" et les "Cahiers divers et feuilles volantes" (deux cent cinquante pages) sont parsemés de notations sur les événements de la vie courante, mais ces notations se limitent à quelques mots et Kafka avait pris le soin de les écrire en caractères minuscules pour souligner leur peu d'importance. L'essentiel de ces cahiers consiste en récits d'imagination (les plus achevés ont pris place dans les volumes mis au point par Kafka ou ses éditeurs) et en considérations philosophiques, mais on y relève des projets divers: lettres, listes de titres et plans de lecture. Max Brod a joint à ce volume la célèbre "Lettre au Père" que Kafka rédigea en 1919 mais n'adressa jamais, bien qu'il l'ait réellement écrite pour son destinataire. Cette lettre est le plus vaste essai autobiographique qu'ait entrepris Kafka et il semble bien qu'elle nous fournisse à la fois la clé de sa vie et celle de son oeuvre. L'importance de ce document n'est pas tant dans la rigueur du réquisitoire que dans cette volonté de toucher les extrêmes à laquelle ne cessa d'obéir Kafka et qui lui fit écrire un jour: "Dans le combat entre toi et le monde, assiste le monde."
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