Arts et Lettres

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Les mains de ma mère

 

Elles avaient raclé les miettes sur les tables,

grapillé le charbon au flanc des terrils,

ramassé branches et planches  pour allumer

                                        un feu de pauvre.

Mordues par la vie, elles restaient pourtant des mains d'enfant

qui habillaient des poupées imaginaires

et dessinaient des soleils sur des bouts de carton.

Entre la lessive et le devoir d'écolière, 

elles avaient gratté d'irréelles guitares

où leur âme se fendait en notes secrètes

                                          Entrte leurs gerçures,

elles avaient étouffé des colères de rebelle

et, mouillées de larmes, s'en étaint allées

cueillir la fleur rare, éclatée d'une graine aventureuse

                                          entre deux pavés.

Captives dans un atelier et tirant l'aiguille,

elles semblaient sur les taffetas, satins, broderies,

deux papillons voletant de corolle à corolle.

Du lot des meurtrissures, elles émergeaient aériennes

comme si leur vocation était d'apprivoiser les tourterelles. 

Un jour d'amour, elles déposèrent leurs fines nervures

                                           dans les poignes d'un ouvrier.

Les unes et les autres avaient de longues racines

gorgées de la houille du Sud et des sables du Nord.
Elles se nouèrent au temps des primevères, dans le souvenir commun

                                           du pain noir. 

Quand elles caressèrent mon premier battement de paupières

je reçus leur grâce au plus profond de ma chair.
Quand elles m'apprirent à cueillir un myosotis

ce fut pour le piquer dans mon coeur, que vivant

il y demeure à travers doutes et trébuchements.

Du langage des mains, elles me montrèrent tous les signes,

                                            puissants et délicats.

La tendre pression d'amour et la forte pression d'espoir,

le signe de l'adieu et celui du baiser,

les mains qui prient, s'offrent, maudissent,

                                           et le signe dur

du poing fermé pour la lutte finale,

les mains sur les yeux écrasant les larmes,

celles se frappant l'une l'autre dans l'enthousiasme,

et celles qui se creusent en coupe pour recevoir l'ondée,

ou s'écartent en croix ou dressent le flambeau,

tous ces signres, enfin, qui fusent du coeur...

                                           Les mains, les siennes,

sculptées dans la glaise des corons,

ne se refusant jamais à l'appel d'une détresse,

multiples et uniques, comblées de prodiges

                                           et de poignantes tendresses.

Elles sont vieilles aujourd'hui, traversées de veines bleues,

belles, comme le combat du blessé contre la mort,

comme une justice qui se montrerait nue,

comme l'obstination de l'aveugle à voir le jour

                                            dans sa nuit.

                                             Barbara Y. Flamand 

 

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Commentaire de Barbara Y. Flamand le 9 mai 2021 à 18:59

Merci cher Robert d'avoir remis à l'ordre du jour "Les mains de ma mère"  qui suscitent  toujours une émotion,

le texte ayant été écrit avec amour.

Commentaire de Jean-Luc GEOFFROY le 9 mai 2021 à 7:50

Émouvant de vérité, de réalité sans concession. Émouvant de tendresse et d'ouverture de cœur. Émouvant d'amour, tout simplement. Merci à Barbara pour ce moment de cri et de recueillement.


Fondateur réseau
Commentaire de Robert Paul le 9 mai 2021 à 1:10

En ce jour de fête des mères, je  salue ce texte avec émotion, et je partage.

Commentaire de Marguerite Mardessich Cottenot le 25 avril 2021 à 11:16
Emouvant - le souvenir du myosotis de l'enfance
Commentaire de Monia Boulila le 6 avril 2021 à 10:56

Bel hommage! Bravo 

Commentaire de De Ro jacqueline le 6 avril 2021 à 6:38

Quel bel hommage à cette mère et à toutes les mères dont les mains nous ont bercées avec toute leur tendresse quand nous en avions besoin et nous guider  en nous montant le bon chemin.

Commentaire de Zia françoise le 6 avril 2021 à 2:10

C'est un très beau poème. 

Commentaire de Jean-François Foulon le 5 avril 2021 à 22:01

Cet hommage à la mère (à toutes les mères) me fait penser au poème bien connu de Darwich : http://www.barapoemes.net/archives/2016/08/29/34249275.html

Commentaire de Danielle Davin le 5 avril 2021 à 15:54

Oui & quel courage inné en chacun de nous de vivre l'expérience humaine aussi avec un esprit de mère nourricière ! Humhh ... n'est-il pas venu le temps d'accepter transcender les galères, de retourner à notre Essence avec les dividendes de nos expériences d'âmes ?

Commentaire de Anne Marie REMONGIN le 5 avril 2021 à 11:18

Un seul mot : MA GNI FI QUE !!!!

Très bel hommage pour toutes les mères...Bisous

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