Le réseau des Arts et des Lettres en Belgique et dans la diaspora francophone
Je te propose de reprendre ce poème paru il y a quelques années, si tu es d'accord.
Les mains de ma mère
Elles avaient raclé les miettes sur les tables,
grapillé le charbon au flanc des terrils,
ramassé branches et planches pour allumer
un feu de pauvre.
Mordues par la vie, elles restaient pourtant des mains d'enfant
qui habillaient des poupées imaginaires
et dessinaient des soleils sur des bouts de carton.
Entre la lessive et le devoir d'écolière,
elles avaient gratté d'irréelles guitares
où leur âme se fendait en notes secrètes
Entrte leurs gerçures,
elles avaient étouffé des colères de rebelle
et, mouillées de larmes, s'en étaint allées
cueillir la fleur rare, éclatée d'une graine aventureuse
entre deux pavés.
Captives dans un atelier et tirant l'aiguille,
elles semblaient sur les taffetas, satins, broderies,
deux papillons voletant de corolle à corolle.
Du lot des meurtrissures, elles émergeaient aériennes
comme si leur vocation était d'apprivoiser les tourterelles.
Un jour d'amour, elles déposèrent leurs fines nervures
dans les poignes d'un ouvrier.
Les unes et les autres avaient de longues racines
gorgées de la houille du Sud et des sables du Nord.
Elles se nouèrent au temps des primevères, dans le souvenir commun
du pain noir.
Quand elles caressèrent mon premier battement de paupières
je reçus leur grâce au plus profond de ma chair.
Quand elles m'apprirent à cueillir un myosotis
ce fut pour le piquer dans mon coeur, que vivant
il y demeure à travers doutes et trébuchements.
Du langage des mains, elles me montrèrent tous les signes,
puissants et délicats.
La tendre pression d'amour et la forte pression d'espoir,
le signe de l'adieu et celui du baiser,
les mains qui prient, s'offrent, maudissent,
et le signe dur
du poing fermé pour la lutte finale,
les mains sur les yeux écrasant les larmes,
celles se frappant l'une l'autre dans l'enthousiasme,
et celles qui se creusent en coupe pour recevoir l'ondée,
ou s'écartent en croix ou dressent le flambeau,
tous ces signres, enfin, qui fusent du coeur...
Les mains, les siennes,
sculptées dans la glaise des corons,
ne se refusant jamais à l'appel d'une détresse,
multiples et uniques, comblées de prodiges
et de poignantes tendresses.
Elles sont vieilles aujourd'hui, traversées de veines bleues,
belles, comme le combat du blessé contre la mort,
comme une justice qui se montrerait nue,
comme l'obstination de l'aveugle à voir le jour
dans sa nuit.
Barbara Y. Flamand
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Un beau texte, que j’avais zappé! Merci
Je remercie celles et ceux qui, touchés par "Les mains de ma mère" m'ont communiqué leur impression chaleureusement.
Gil Def, notamment, qui fait référence à une communication ancienne dont nous gardons, l'un et l'autre, un très sympathique souvenir.
Bonjour Barbara, je ne connaissais pas ce texte et je le trouve bouleversant, émouvant et criant de vérité.
Les mains de nos mères étaient magiques, mais avaient vécu tant de souffrance et de douleur..qu'il faudrait des heures pour les évoquer. Merci et bravo pour ce très bel hommage. Amicalement. AM
Bonjour Barbara
Votre texte est de la plus haute valeur poétique qui soit et quand vous l’avez publié je n’ai pas manqué de vous féliciter pour ça. La poésie n’a d’intérêt, n’a d’utilité que dans la révélation des réalités culturelles, historiques de la condition humaine, c’est pourquoi votre texte m’a tant parlé et me parle encore si fort.
Bien à vous. Amitiés. Gil
Bien sûr je suis d'accord et te remercie d'y avoir pensé.
Amitiés
Barbara
Bonjour Barbara, ici, je viens aussi seulement de lire l'échange de commentaires entre vous et Monsieur Gil Def . Quelle richesse de données , pour nous tous ! Je suis très matinale et je commence ma journée avec joie ainsi d'en apprendre autant. . Je vous en remercie et conseille à tous de lire ces échanges de conversation , entre vous deux. .
Bien sûr je suis d'accord. C'est même un plaisir pour moi de constater qu'il établit une communication.
Selon cet aspect de communication, je peux en envoyer un autre dont la parole ne traduit pas seulement mon moi mais encore celui de l'autre.
Cher Gil,
L'Histoire est écrite par des bourgeois, à quelques exception près. Et c'est celle qu'on nous enseigne. Mais il existe d'autres historiens. Mcihelet, Lissagaray.. Il faut dire que les Français comme les Belges ne semblent pas particulièrement curieux de leur histoire. Hors la presse bourgeoise, ils peuvent trouver des auteurs qui feront comprendre leur place dans l'Histoire, le rôle qu'ils y ont joué.."Il est temps que les peuples écrivent leur histoire". Eh bien qu'ils l'écrivent ! Qu'ils lisent les quelques rares auteurs qui leur ont laissé leur véritable place. Que savent-ils les Français de La Commune de Paris", un des épisodes les plus glorieux du peuple. Ils doivent rompre avec les parasites ? Qu'ils le fassent ! Mais non ! Ils ont depuis Macron, un gouvernement d'extrème-droite. Ce dernier week end, ils ont bougé. Plusieurs manifestations de "La France insoumise" Moi, j'espère toujours en la France, elle a une tradition révolutionnaire depuis 1789.
Amicalement.
Barbara
Bonjour Barbara
Lorsque j’étais étudiant, je posais souvent cette question : pourquoi une histoire de France qui ne parle pas des Français qui peuplaient les campagnes, les villages et les cités, qui constituaient tous les corps de métiers de chaque époque, qui étaient impliqués dans tous les processus qui font une société en mouvement avec des temps d’évolution lente et des temps de rupture économique, politique, social et culturel pouvant aller en des sens contraires. Depuis, pas grand-chose n’a changé dans la conception que l’on a de l’histoire qui en fait se résume à une véritable mythologie avec des inventions de personnages qui auraient décidé de l’histoire de tous qu’ils aient gagné ou perdu dans leur quête de pouvoir. D’ailleurs, présentement, il est impossible aux Français de raconter leurs histoires, leurs difficultés de vivre et d’avoir un projet sans se faire taxer d’illettrisme, d’imbécilité, de rage compulsive d’égoïsme, ou d’extrémisme. Les seules histoires qui ont droit de cité, ce sont celles que s’inventent des gens qui veulent jouer coûte que coûte les importants, faire le spectacle et qui font le maximum pour masquer à la fois leurs intentions et leurs méthodes sournoises ou frauduleuses pour y parvenir, écrabouiller toute concurrence. Pour ce qui concerne les événements de 1968 que vous évoquez, il ne faut pas compter sur les médias pour nous en expliquer la cause, ce qui était en jeu, ce qui a fait que les Français ont été partagés quant à savoir ce qu’il fallait revendiquer, qu’elle était l’issue à donner à ces événements, ce qui fait qu’aujourd’hui ces événements sont formidables pour les uns, détestés par d’autres, bien peu présents ou connus par d’autres encore.
L’évidence pour moi, c’est qu’un peuple qui n’a pas d’histoire, qui ne saisit pas de son histoire est condamné à se faire flouer, écrabouiller, condamné à souffrir mille misères comme ce fut déjà le cas le siècle dernier, siècle innommable d’horreurs et d’infamies dont on n’a toujours pas tiré les leçons. Il est grand temps que les peuples écrivent leurs histoires et rompent tout lien avec des gens qui ne sont que des parasites ou des escrocs qui vivent aux dépens des autres.
Bonne journée. Amitiés. Gil
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