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Les doigts ont une mémoire 

Ils m’étirent le cou. Je me suis débattu une peu, mais à quoi bon ? J’ai fini par me résigner. Le bois est vieux est lisse ; il chatouille mon cou nu comme le cou d’un agneau grisé pendant deux jours par les senteurs d’un vert pré.
Je ne veux pas le regarder dans les yeux. A quoi bon ? Il aimerait bien que je le regarde , l’épée dégainée et la lame argentée brillant et crachant des flammes glacées.
Oh, comme je me sens seul parmi eux ! 
La source

 a l’essence de la montagne, l’haleine de la roche distillée, des larmes qui se miroitent entre les articulations de la roche, et l’herbe raconte l’histoire de la source aux cailloux.
Comme je me sens seul parmi eux ma chérie !
Hier, l’aube a pointé avant l’heure, je ne savais pas que les doigts avaient une mémoire qui se souvenait des caresses des roses de tes joues, là-bas, au loin. Nous étions seuls sous le grenadier. Le ruisseau passait tout près et s’éloignait, saupoudrant quelques souffles de la source et quelques perles du cœur de la montagne.
L’aube se pointe avec le grincement de la portière de fer. Les chaussures du geôlier font résonner la cadence de l’appel dans l’interminable couloir. Ton image se dandine sous les pas de la mort qui avance. Entre deux pas, s’étirent les champs de violettes et les paniers de marguerites. Je sais mon amour, les longues nuits de Tanger, l’écume de la mer collant à sa robe, et l’éternel appel d’adieu au loin n’arrêteront pas le grincement de la portière blindée.
Les doigts ont une mémoire. Et l’âme a une mémoire qui dure et qui survole l’horizon. Elle s’accroche aux peupliers, au roucoulement du ruisseau ou au bruissement des feuilles du printemps sur notre source larmoyante.
Je ne le regarderai pas dans les yeux. La flamme saillante et glacée a soif de mon cou, et le bruissement de ton âme, écrasée dans le long couloir, ramasse les débris de mon odeur collée à la rouille de murs.
Comme je me sens seul, mon amour !
Le silence assourdit les oreilles de l’aube. 
Je ne le regarderai pas dans les yeux lorsque ma tête tombera plus loin.
Souviens-toi du grenadier et du chant du petit ruisseau.
L’âme vers l’âme avance, et le ruisseau ne se retourne jamais vers la source, il avance et poursuit sa course.

Abdennour MEZZINE, X, p89, recueil de nouvelles « Le Baiser du Lost », Les éditions Bouregrag 2010,

Traduit par Khadija El Hamrani
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Commentaires

  • Mes félicitations  mon amie Khadija  El Hamrani pour ton siège  de primeur sur le réseau , Bravo !!

  • Ohhh quoi te dire Khadija  , sinon grand merci pour ton travail superbe qui a su traduire l'essence d'un sentiment sincère. merci ma chère 

  • Salut Joelle Diehl, tres heureux de votre passage et vos mots sublimes , et remerciement à khadija qui a su par sa traduction parfaite faire ce pont de partage , mes amitiés ma chère Joelle. 

  • Ohh merci beaucoup Mr DIVE Daniel , votre  commentaire m'honore et me réjouit , ravis de votre connaissance , toutes mes amitiés 

  • Voilà ce que je disais de ton style Abdennour, très intense et très poétique comme disent si bien nos amis Joelle et Daniel que je remercie vivement de cette lecture analytique, je reconnais aussi que j'ai essayé d'être le moins possible "trattore"!, ce qui n'était du tout facile, mais ce qui est le plus sûr c'est que j'ai traduit avec amour et passion pour un bel écrit dont l'arabe était très moderne et très poétisé et le réquisitoire était aussi poignant qu'un Victor HUGO!

  • une écriture moderne et exigeante à la fois pour l'auteur et pour le lecteur. Une découverte pour moi d'un nouveau style et un apprentissage aussi pour une écriture qui pourrait être utilisée en poésie. Très novateur et intéressant.

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