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12272726488?profile=originalL’Essai sur les moeurs et l'esprit des Nations est un ouvrage de François Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), publié à Genève chez Cramer en 1756; rééditions en 1761, puis en 1769 avec adjonction de la Philosophie de l'Histoire.

 

La première allusion à ce qui deviendra l'Essai sur les moeurs date du 1er juin 1741. Voltaire annonce en effet à Frédéric II une Histoire qui dépassera les limites du Siècle de Louis XIV. Il lui expédie un premier manuscrit en avril 1742, un second en novembre. Il prend le relais du Discours sur l' Histoire universelle de Bossuet, commence à Charlemagne, traite des croisades, va jusqu'à Charles Quint. Une version est prête au printemps 1743. En 1745-1746, il fait paraître dans le Mercure de France des extraits qui traitent de l'Orient ancien, d'autres sur l'Europe aux IXe et XIe siècles. Malgré sa vie itinérante, de nouvelles tâches (nommé historiographe de France en 1745, il écrit l'Histoire de la guerre de 1741), il a dû travailler à son Histoire universelle. Avant son départ pour la Prusse en 1750, il remet au Mercure une Histoire des croisades. Pendant son séjour à Berlin, on lui vole à Paris des manuscrits. Le 5 juin 1752, il signale dans la Bibliothèque impartiale qu'il a perdu un manuscrit qui concerne la période de Philippe II à Louis XIV. Rousset de Missy, dans l'Épilogueur moderne du 7 août, le lui propose moyennant finances. Voltaire ne donne pas suite, ce manuscrit n'étant pas celui qu'il cherchait. Même proposition en octobre de la part de Devaux et même refus. Voltaire voulait achever son Histoire universelle, mais la fin de son séjour en Prusse est marquée par des drames.

 

Rescapé de Francfort, il s'est installé en Alsace. En novembre 1753, le libraire Neaulme, de La Haye, publie un Abrégé de l'Histoire universelle depuis Charlemagne jusques à Charles Quint par M. de V. On y lisait: "Les historiens, semblables en cela aux rois, sacrifient le genre humain à un seul homme." Voltaire est atterré. Campagne de démentis. Pour réparer le tort qui lui a été fait, il veut publier un texte qu'il puisse avouer. Il corrige l'Abrégé, ajoute en août 1754 un tome troisième qui en est la suite. En 1756, l' Essai sur les moeurs paraît en 174 chapitres. En 1765, il examine les premiers temps de l'humanité dans la Philosophie de l'Histoire qui devient le "Discours préliminaire" de l'Essai en 1769. Il révise son texte en 1775 et y travaille encore en 1778. La rédaction de l'Essai s'étale ainsi sur trente-quatre ans, avec de nombreuses interruptions, et brasse une documentation considérable.

 

Le "Discours préliminaire" survole les temps les plus reculés, l'histoire ancienne du Proche et de l'Extrême-Orient, celle du bassin méditerranéen. Les religions et les fables en sont le sujet principal. L'Essai proprement dit commence par un vaste tour d'horizon: la Chine, les Indes, la Perse, l' Arabie au temps de Mahomet (chap. 1-7). L' histoire de l'Europe avant Charlemagne est traitée dans les chapitres 8 à 14: les premiers chrétiens, la chute de Rome, Pépin. Charlemagne, les usages de son temps sont évoqués dans les chapitres 15 à 22. Après Louis le Débonnaire et Charles le Chauve (23-24), un tableau du monde au IXe siècle est dessiné: les Normands, l'Angleterre, l' Espagne, la puissance des musulmans, l' Italie, l'empire de Constantinople, le schisme entre l' Orient et l' Occident (25-33). Pour les Xe et XIe siècles, Voltaire étudie la lutte de la papauté et de l' Empire, l'état de la France sous Hugues Capet, la conquête de Naples et de la Sicile par les Normands, celle de l' Angleterre par Guillaume le Conquérant, la religion et la superstition de ces temps (34-46). Pour les XIIe et XIIIe siècles, Voltaire évoque les luttes de l' Empire et de la papauté, de Frédéric Barberousse et du pape Alexandre III, les troubles en Angleterre, l'assassinat de Thomas Becket, puis la promulgation de la Grande Charte (1215), la France de Philippe Auguste et de Saint Louis, l'empereur Frédéric II d'Allemagne, les croisades (Saladin, la prise de Constantinople), les conquêtes de Gengis Khan, la lutte de l'Église contre les hérésies (croisade contre les albigeois), enfin l'Espagne (47-64). En 1328, le dernier des Capétiens étant mort sans enfant, les nobles élisent un Valois, Philippe le Bel, lequel sera implacable à l'égard des Templiers. Voltaire traite de la liberté helvétique au XIVe siècle, de l'Empire, de la papauté, évoquant Jean XXII, les malheurs de Jeanne, reine de Naples, la figure de Catherine de Sienne. Après les questions religieuses (grand schisme d'Occident, concile de Constance, hérésies de Jean Hus, de Wiclef), vient un tableau de la situation européenne, qui sera suivi par l'analyse des débuts de la guerre de Cent Ans (bataille de Poitiers, captivité de Jean le Bon, avènement de Charles V, Du Guesclin), puis par sa seconde partie: troubles en Angleterre et en France, lutte entre Armagnacs et Bourguignons, sacre de Charles VII, aidé par la Pucelle. Cette histoire s'achève par des exposés sur les moeurs, sciences, arts, finances, institutions (65-85). Le XVe siècle commence par le concile de Bâle et l'union passagère des Églises grecque et latine. Une incursion en Orient permet d'évoquer Tamerlan, l'histoire des Grecs et des Turcs jusqu'à la prise de Constantinople. Le règne de Louis XI, un large tableau du gouvernement féodal, de la chevalerie, précèdent un état de l'Europe: injustices de Ferdinand et d'Isabelle la Catholique, situation des juifs, troubles à Florence, conquête de Naples par Charles VIII, portraits de Savonarole et de Pic de La Mirandole, horreurs des Borgia, règne de Louis XII, guerre des Deux-Roses et troubles en Angleterre sous Édouard IV, Richard III, Henri VII (86-117). Avec le chapitre 118, Voltaire aborde le XVIe siècle. Après un état de l'Europe et des beaux-arts, la lutte entre Charles Quint et François Ier est largement développée (118-126). Il en est de même pour l'histoire religieuse: portrait du pape Léon X, vente des indulgences, Luther, Zwingle, les anabaptistes, Calvin et Servet, la révolution religieuse anglaise, Henri VIII, Marie Tudor et Élisabeth, la religion en Écosse, les ordres religieux, l' Inquisition et Torquemada (127-140). Puis vient un large tour du monde: découvertes des Portugais, Japon, Inde, Christophe Colomb et l'Amérique, Fernand Cortez, la conquête du Pérou, le premier voyage autour du monde de Magellan, le Brésil, les possessions des différents États européens, le royaume jésuite du Paraguay, l'état de l'Asie, les Tartares, les Moghols, la Perse, l'Empire ottoman, Alger et les royaumes du Maroc (141-162). L' Espagne de Philippe II, la Hollande de Guillaume d'Orange, l' Invincible Armada, l'histoire de Marie Stuart, la France des guerres de Religion, la Saint-Barthélemy, le concile de Trente, la France sous Henri III, puis Henri IV sont ensuite évoqués (163-174). Avec l'avènement de Louis XIII et le ministère du cardinal de Richelieu, Voltaire traite d'une histoire très proche. Il passe en revue l' Espagne de Charles II, Philippe III et Philippe IV, l' Allemagne, les conquêtes de Gustave-Adolphe de Suède, la guerre de Trente Ans, l' Angleterre jusqu'en 1641, la mort de Charles Ier, Cromwell, Charles II, puis l' Italie et la papauté, la Hollande et les pays scandinaves avec un portrait de la reine Christine, la Pologne, la Russie, l'Empire ottoman, la Perse, les débuts de Nâdir châh en Inde, le Grand Moghol, la Chine et le Japon (175-196). Le chapitre 197 résume toute cette Histoire jusqu'au temps où commence le siècle de Louis XIV.

 

Pour cette somme historique dont le résumé indique l'ampleur, Voltaire a beaucoup compilé. Le jésuite Nonnotte s'est fait une petite célébrité en dénonçant les Erreurs de Voltaire. Quelques sondages ont démontré qu'elles étaient moins nombreuses qu'on ne le croirait si l'on tient compte de la documentation dont il disposait. Elles peuvent être dues à la précipitation, à la volonté polémique, à l'incompréhension d'usages par trop éloignés de l'univers mental d'un homme du XVIIIe siècle. Il n'en demeure pas moins que Voltaire s'est assigné pour tâche de découvrir des faits vrais, de critiquer les fables, même s'il méprise trop les minuties de l'érudition. Selon lui, "ceux qui détrompent les hommes sont leurs véritables bienfaiteurs". Il s'en donne les moyens lorsqu'il veut s'en tenir à l'"historique", indépendamment de toute foi: "Nous parlerons des juifs comme nous parlerions des Scythes et des Grecs, en pesant les probabilités et en discutant les faits." Il lui arrive d'avoir mal dépouillé l'esprit de parti, mais sa volonté d'élucidation critique reste une donnée essentielle.

 

Son ambition avouée le porte moins aux vérifications de détail qu'aux survols synthétiques. Il a conçu son projet en désirant sortir du "cercle trop étroit" du Siècle de Louis XIV. Il ne se penche pas sur les trois autres grands siècles. Il a "élargi la sphère de ses idées". Au Discours sur l'Histoire universelle de Bossuet, centré sur l' Antiquité grecque, romaine et judaïque, il oppose une visée mondialiste, non sans insuffisances, mais qui se traduit par des incursions en Chine, aux Indes, dans le monde musulman. Il se montre curieux des temps primitifs. L'histoire de l'Europe reste centrale, mais Voltaire a le sens de l'ailleurs. Il veut saisir "l'esprit et les moeurs", oriente son récit vers une histoire de la civilisation, sans employer ce mot. Il veut apercevoir les groupes humains par-delà les souverains ou monarques qui occupent le devant de la scène. De là ces "états", larges panoramas sur les usages, les techniques, les croyances. Il croit apercevoir "un amour de l'ordre qui anime en secret le genre humain et qui a prévenu sa ruine totale". A cet instinct social, il rattache l'ingéniosité de l'homo faber, les créations des artistes et des hommes de lettres, les découvertes des savants, les réformes des législateurs, l'action des grands hommes. Mais ce vouloir-vivre est contrecarré par la folie guerrière ou religieuse, par tous les fanatismes, par un "vulgaire en tous pays féroce". La plongée dans le passé fait revivre des cruautés inouïes, des misères insupportables, des sottises innombrables. Aucun terme divin n'est assigné à l'humanité, aucune Providence n'intervient dans un monde régi parfois par le hasard. A travers erreurs et errements, l'humanité ne peut devoir son salut qu'à elle seule. Elle le cherche obscurément, sans progresser continûment.

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