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12273096901?profile=original"Le voyage en Orient" est un récit d'Alphonse de Lamartine (1790-1869), publié à Paris chez Gosselin en 1835.

S'inscrivant dans un genre abondamment représenté au XIXe siècle, de Chateaubriand à Loti, le texte de Lamartine relate un itinéraire spirituel entrepris après les échecs électoraux de 1831 et 1832. Ayant quitté Mâcon pour Marseille le 14 juin 1832, le poète s'embarque en juillet sur un brick avec un équipage de quinze hommes, un entourage nombreux et une abondante bibliothèque. Arrivé à Beyrouth le 6 septembre, il rend visite dans la montagne à lady Stanhope et à l'émir Béchir, part pour la Palestine le 1er octobre, ne peut rester qu'une journée (le 20) à Jérusalem en raison de la peste, revient à Beyrouth le 5 novembre. Julia, sa petite fille, dont on espérait que le climat soignerait la tuberculose, meurt le 7 décembre. En mars 1833, il se rend via Baalbek à Damas, et, en avril, aux Cèdres. + Jaffa, du 22 au 26 avril, alors que sa femme s'en va à Jérusalem, Lamartine écrit "Gethsémani ou la Mort de Julia", poignant poème en vingt-quatre huitains de sept alexandrins et un octosyllabe, qui figurera dans le Voyage. Par Rhodes et Smyrne, tous regagnent Constantinople, où l'on séjourne du 7 juin au 25 juillet, avant de revenir par Andrinople, Belgrade, Vienne et Strasbourg. Lamartine retournera en Turquie en juin 1850 pour tenter l'exploitation d'un domaine agricole dans la région de Smyrne, mais ne pourra jamais réunir les fonds nécessaires. Un Nouveau Voyage en Orient en résultera (en feuilleton dans les Foyers du peuple, puis en volume en 1851-1853).

 Le séjour levantin tient une place capitale dans la vie de Lamartine. Il le ruine, mais le confirme dans l'idée qu'il se fait de sa mission spirituelle. Enfin élu à son retour, il développe ses idées politiques et sociales, orientées par ses conceptions messianiques. Il se fera même l'avocat du soutien français aux maronites et d'une politique antianglaise en Syrie, exposant ses vues dans le "Résumé politique" qui clôt le livre. A Lamartine revient sans doute le mérite d'avoir "lancé" le Grand Liban, pour en faire l'un des grands mythes français aux conséquences toujours actuelles.

 Publié sous la contrainte financière, l'ouvrage se conforme aux lois du genre - descriptions, impressions, réflexions... (le sous-titre l'indique d'ailleurs clairement) -, mais témoigne aussi d'une attention constante aux autres, aux spécificités culturelles, aux formes de la sociabilité. Ouvrage humaniste autant que pittoresque ou spirituel, le Voyage se distingue de ses prédécesseurs (en particulier l'Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand) en ce qu'il met en forme une authentique découverte d'un Orient enfin vu au-delà des références culturelles obligées. Là réside le principal intérêt de ce texte trop ignoré. Malgré son ampleur (plus de mille pages), nonobstant l'inévitable pose du poète romantique voyageur contemplant la mer, le désert ("le Désert ou l'Immatérialité de Dieu", publié dans le Cours familier de littérature en 1856, fut sans doute composé à cette époque), la Terre sainte..., et déployant méditations ou vues cosmiques, le Voyage combine, avec bonheur souvent, vision poétique et observation.

Quoique présenté comme un simple ensemble de notes (dans l'Avertissement), le livre apparaît à la fois comme journal d'une traversée, relation de la vie de voyage, récit de rencontres, album de panoramas, pèlerinage au berceau du christianisme - rendu tragique par la mort de la petite Julia -, tableau ethnographique, historique, politique et culturel des contrées visitées: tous tableaux représentés selon les codes d'une imagerie romantique et composant une esthétique où ruines, exotisme, couleurs et lumière se trouvent naturellement réunis. La description prend en charge lieux, gens et coutumes, rendant compte des "images enchantées" qu'ils suscitent.

Quête de l'origine, où thèmes familiaux et affectifs se mêlent aux effluves spirituels, le voyage aboutit au silence devant le mystère divin: "Le silence est une belle poésie dans certains moments. L'esprit l'entend et Dieu la comprend: c'est assez" ("Gethsémani"), après avoir permis d'accéder à une compréhension intime et ineffable de Dieu: "Une grande lumière de raison et de conviction se répandit dans mon intelligence, et sépara plus clairement le jour des ténèbres, les erreurs des vérités" ("le Saint Sépulcre").

Le poète est chez lui en Orient, non seulement parce que ses familiers l'accompagnent, mais surtout grâce à l'harmonie, propice au recueillement, instaurée entre sa sensibilité, son imaginaire et la réalité contemplée. De plus, ces terres restées proches des origines mythiques de la civilisation flattent son goût pour l'ordre naturel de la société et son idéologie patriarcale. Sa mission s'en trouve encore mieux définie: "Tant qu'un nouveau rayon ne descendra pas sur la ténébreuse humanité de nos temps, les lyres resteront muettes, et l'homme passera en silence entre deux abîmes de doute, sans avoir ni aimé, ni prié, ni chanté!" ("Jérusalem").

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