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administrateur théâtres

Le Misanthrope au théâtre des Martyrs Du 18.09 au 26.10.2013

Un Misanthrope Miroitant. Et pour cause : nous sommes dans le kaléidoscope de l’histoire où se mêlent les pipeulles d’aujourd’hui et les  cruelles marquises de … Molière, ou de Ronsard ? Sur scène, on aperçoit un  sublime plateau – oblique -  afin qu’on ne loupe pas la mise en perspective. Du sol au plafond, partout de la laque noire, une encre dans laquelle Molière a trempé sa plume,  quelques rares fauteuils aux pieds dorés, et un immense cadre d’époque, vide, prêt à sombrer comme un navire dans une mer de billets doux et de poèmes déchirés.  12272955893?profile=original

Molière satiriste s’attaque ici non aux médecins, avocats ou précieuses de province, le voilà qui raille la classe dominante gonflée de vanité et de suffisance, qui se vautre dans des préciosités affectées, la fausseté,  la médisance et la manipulation. Il crée un personnage qui ressemble à son modèle idéal : l’honnête homme. Voilà donc le personnage Alceste tout trouvé. Quelqu’un qui en veut au monde entier et  à ses cabales et dénonce la chose à qui veut bien  l’entendre. Mais comme souvent, le monde reste sourd et même son fidèle ami Philinthe. La belle Célimène, le négatif d’Alceste, est une coquette spirituelle  et égocentrique  qui ne répond pas à son amour et adore tout ce qu’il déteste le plus au monde. Elle est dévorée par son désir de puissance et collectionne les âmes éprises d’elle, en vrai ou en faux. Nymphomania ou egomania ?  Totalement pipeulle, elle est  incapable de décider si elle aime Alceste ou non. Elle ne peut quitter son monde de fausses valeurs et d’apparences car il  lui plaît seulement d’être aimée de lui. « Moi renoncer au monde avant que de vieillir/ et dans votre désert aller m’ensevelir? »  Ce double miroir de personnages contradictoires révèle  donc une société cruelle, sans scrupules, hypocrite et menteuse. Celle de Molière et la nôtre.12272956876?profile=original

Miroir, miroir, dis-moi qui est la plus belle ? La belle affaire, dit Molière avec sagesse. Et pourtant à notre époque tout concourt à l’encensement des beaux, des riches et des puissants. Les médias, les premiers. «  D'éloges, on regorge ; à la tête, on les jette,/Et mon Valet de Chambre est mis dans la gazette » Pauvre Alceste et son amour  désespéré ... de la vérité. Il est bien en reste et même moqué ! Should I stay or shoud I go, that is the question. Les personnages du 17ème siècle dansent dans une discothèque aux miroirs noirs et déformants. Alceste  qui a jeté sa perruque : «  -  je veux qu’on soit sincère -  je veux qu’on me distingue ! » Quelle illusion!  Qui encore dans la société recherche le beau, le vrai, le bien et le mérite ? La société cherche juste à plaire à la société.

Daniel Scahaise met en scène  ses 11 fabuleux comédiens* de façon étincelante et leur fait jouer leur vitalité propre. Corporellement, les comédiens  exploitent toutes les ressources du mouvement et des déplacements, tout en  insufflant à leur personnage une verve naturelle. 12272957279?profile=originalLa justesse et la sincérité du jeu servent d’antithèse flagrante au propos. Une diction parfaite pour la houle précise des mots harmonieux des 1807 vers de  Molière,  pas une seule réplique convenue, pas un seul effet de manche.  Tout a l’air  furieusement naturel et vrai dans ce jeu de faussetés du monde. Du tout grand art théâtral, chacun jouant sa partie avec conviction et  divinement bien. Sans jamais voler la vedette aux autres personnages,  Alceste ( un merveilleux Christophe Destexhe, difficile de ne pas le nommer… ) est  omniprésent sur et hors du plateau. Ce comédien exceptionnel possède  une puissance de jeu miroitante  et séduit d’un bout à l’autre du spectacle par la vérité de  son interprétation. 12272958496?profile=originalPour ce qui est de Célimène et d’Arsionoé, nous goûtons un bonheur théâtral  à croquer tant la caricature est forte et le ramage brillant. Chacun et chacune  en  équilibriste habile,  chevauche avec  talent et vivacité le fil de l'histoire qui ne cesse, dans un mouvement de reflux régulier, d’inonder notre présent. La large porte noire par laquelle entrent  et disparaissent les personnages ouvre sur le gouffre de la nature humaine à la fois sombre et lumineuse.    Lorsqu’Alceste souhaite tout le bonheur du monde à son sage ami Philinthe et à  l’émouvante  Eliante,  on ne cesse de se répéter tout bas : « Puissiez-vous, pour goûter de vrais contentements,/ L’un pour l’autre à jamais garder vos sentiments. » Et le rideau se ferme sur l’image d’une star endormie sur sa couche et abandonnée de tous.

http://www.theatredesmartyrs.be/pages%20-%20saison/grande-salle/piece1.html

*Le casting éblouissant :

Christophe Destexhe (Alceste)

Laurent Tisseyre (Philinte, ami d’Alceste)

Stéphane Ledune (Oronte, ami de Célimène)

Julie Lenain (Célimène)

Dolorès Delahaut (Eliante, la cousine de Célimène)

Isabelle De Beir (Arsinoë,  « amie » de Célimène)

Jaoued Deggouj (Acaste, le  marquis narquois et hilarant)

Gauthier de Fauconval (Clitandre, un autre marquis très mondain)

Barbara Borguet (Basque,  le valet silencieux de Célimène)

Maxime Anselin (Un garde de la maréchaussée de France)

Nicolas Swysen (Du Bois, valet d’Alceste)

Avec la collaboration artistique  de :

Caroline Bertrand (Assistante à la mise en scène)/ Anne Compère (Costumes)/ Mac O’Neal (Habilleur des hommes)/ Laetitia Doffagne (Coiffures)/Bernard Marbaix (travail es alexandrins)  / Philippe Fontaine (Régie /Lumières)/Philip Glass arrangements musicaux  et Daniel Scahaise, metteur en scène et scénographe.

Un spectacle de « Théâtre en Liberté » en coproduction avec le Théâtre de la place des Martyrs

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