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L’Aurore de Nietzsche qui salue les humbles

Aurore , réflexion sur les préjugés moraux de Nietzsche est publié en 1881. L’ouvrage est constitué par 575 aphorismes "sur la morale considérée comme préjugé", rassemblés en cinq livres. Nietzsche lui-même avertit, dans un aphorisme de son dernier livre, qu'un ouvrage comme "Aurore" n'est pas fait pour être lu rapidement du commencement à la fin; il faut au contraire l'ouvrir souvent, pouvoir s'y plonger, "puis regarder ailleurs et ne rien trouver d'habituel autour de soi". Bien que ce livre marque le début de la campagne de Nietzsche contre la morale, on n'y rencontre aucune attaque, aucune négation, aucune malignité: il est plein du pressentiment d'une "transmutation de toutes les valeurs" qui enseignera aux hommes à "dire oui" à la vie, en se débarrassant de la fausseté du moralisme.

Nietzsche n'entend pas nier la moralité au sens vulgaire du mot; bien qu'armé de méfiance, "suivant l'esprit de La Rochefoucauld", envers les imposteurs moraux, il ne nie pas qu'il y ait eu des hommes qui ont agi en ayant pour motif des "raisons morales", mais il nie que l'hypothèse sur laquelle ils se sont appuyés ait eu un fondement réel (de la même manière que l'on nie l' alchimie, alors qu'il y a eu des alchimistes, et de bonne foi). Pareillement, Nietzsche nie l' immoralité; mais il y a cependant des actions qui doivent être combattues et des hommes que l'on sait immoraux.

L'idée de "l' innocence du devenir" s'impose au philosophe: il pense que les actions dites morales doivent être accomplies, mais "pour des raisons différentes de celles que l'on a jusqu'ici adoptées". Pour la première fois apparaît, dans le développement de la pensée nietzschéenne, l'idée d'un "avenir de la noblesse" (201); la mesquinerie, bien plus, l' "indécense" de la politique de son temps donnaient à penser à Nietzsche qu'en dehors de ces milieux politiques se développerait une nouvelle aristocratie de la culture, consacrée "à l' idéal de la sagesse victorieuse".

Nietzsche ressent vivement ce que peut avoir d'ennuyeux la culture, si on la conçoit sans enthousiasme et en dehors de la vie, comme ayant son but en elle-même, insatiable et vide, elle ne peut conduire qu'à la déception: le "Don Juan de la connaissance" (327) finira par être durement cloué à son illusion et transformé en "convive de pierre" au festin du savoir. Tout autre est pour Nietzsche le rôle de la culture; il n'est besoin que de voir l'aphorisme par lequel se clôt l'ouvrage ("Nous, aéronautes de l' esprit") qui exalte l' audace outrancière, mais pleine de foi, du penseur qui ne craint pas le naufrage, parce qu'il sait que d'autres voleront plus loin que lui.

Mais pour comprendre tout à fait cet ouvrage, écrit en grande partie à Gênes où les humbles gens qui fréquentaient l'auteur l'appelaient "le Petit Saint", il faut peut-être lire d'abord la page consacrée aux "besogneux de l' esprit" (449) où il exprime sa conception de la vie austère et simple et où déborde un sentiment brûlant de charité humaine: page qui suffit à elle seule à démolir le mythe d'un Nietzsche amoral et insensible.

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