"C'est à la fois infime et persistant, un cri qui commence par un bourdonnement d'oreilles, des acouphènes peut-être dérobant le silence de la nuit ou un son venu d'ailleurs. Je le suis jusqu'à n'y entendre que l'écho de mon propre cri. Et le murmure devient mélodie : un chant, une voix, un hymne au coin d'une rue, au détour d'un couloir de métro et le mendiant lance au hasard la corde d'évasion pour flotter au-dessus du réel.
Ils sont peintres, écrivains, musiciens, chanteurs relégués dans les limbes. Le seul miracle de leur vie est ce talent que Dieu leur a accordé. Je me souviens d'un homme aux cheveux blancs faisant la manche en chantant le répertoire classique avec une voix d'opéra. Et ces mots brûlants d'une beauté poignante éparpillés sur un blog par un authentique écrivain, comme autant de bouteilles à la mer à consommer sans modération, mais à ouvrir absolument... Le contenu de ces bouteilles ne saoule pas mais fait mal à l'âme car il raconte la dégringolade d'un jeune qui voulant s'affranchir de sa famille devient SDF en quelques jours. À partir de là, le malaise s'installe. Est-il possible d'écrire aussi bien et d'être à la rue ? Quelle est la vérité d'une personne qui parvient à me faire ressentir la solitude, le froid et la détresse comme si j'y étais, avec un style dont la beauté me coupe le souffle ? Clochard ou écrivain ? Des préjugés tombent mais l'angoisse pousse à détourner le regard ou à parler d'autre chose. Si cette personne écrit, elle est comme moi et me rappelle qu'au-delà des apparences, des silhouettes voûtées et des visages las que plus grand monde ne regarde, des gens pensent aussi fort que moi avec une souffrance à la puissance infinie.
Et tous ceux que l'on dit fous parce que trop singuliers pour être mis dans les petites cases que la société réserve aux uns et aux autres ? Lorsqu'ils font éclater les couleurs et donnent forme à des visages, des papillons et des étoiles filantes pour faire tomber les murs et mettre des fenêtres à la place des lucarnes, sont-ils des dingues qui s'expriment ou des artistes ?
L'art est ce petit torrent impétueux qui circule en nous aussi sûr que le sang coule dans nos veines. Il connaît pourtant des périodes de sécheresse et nous invite à nous laisser guider par le courant. La capacité de créer est un don que le ciel a mis en chacun de nous pour nous abreuver quand nous avons soif de ce que la communauté humaine nous refuse. Quand des personnes que la société cherche à jeter sentent vibrer en eux la fulgurance d'un rayon solaire faisant danser les couleurs des vitraux d'une église, elles sont debout et prolongent l'espoir de faire reculer la nuit. Elles vivent en apesanteur. "
extrait de mon livre : "une aventurière de Dieu"
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